Les mesures d’économie imposées par le gouvernement régional aux (grandes) villes wallonnes devront être accompagnées de hausses généralisées de la fiscalité locale. Et de nouvelles taxes et redevances communales.
Les impôts, les taxes et les redevances communales de plusieurs centaines de milliers de Wallons vont augmenter ces prochaines années. Près de 25 villes et communes sont concernées, dont les plus peuplées. C’est écrit dans les conventions de prêt extraordinaire que les communes ont signées ces dernières semaines avec le gouvernement wallon, le Centre Régional d’Aide aux communes (CRAC), ING ou Belfius, puis votées par les conseils communaux, et dont Le Vif a pris connaissance, pour équilibrer leur budget 2025.
Il apparaît à la lecture de ces conventions que les grandes villes wallonnes et certaines plus petites ne devront pas seulement faire des économies en réduisant leurs dépenses.
On le sait déjà, les bourgmestres, surtout socialistes, en ont abondamment parlé en accusant le gouvernement wallon MR-Les Engagés de vouloir asphyxier leurs entités : les nominations seront désormais interdites, les avantages des fonctionnaires seront lissés à la baisse, certains services considérés comme superflus seront fermés, et les dotations extra-légales aux CPAS devront être réduites de 15%, puis 25%, il faudra remplacer les policiers par des gardiens de la paix, l’éclairage public devra être éteint la nuit, etc., etc.
Mais les grandes et moyennes communes devront aussi augmenter leurs recettes en haussant leurs taxes et redevances et en en créant de nouvelles. Le gouvernement wallon (les conventions de prêt sont signées par le ministre-président MR, en charge du Budget, Adrien Dolimont, et par le ministre Engagé des Pouvoirs locaux, François Desquesnes) s’y est pris habilement.
D’abord, ils indiquent que tout ce qui est proposé gratuitement par les communes concernées devra désormais être payant. Une commune qui organise des cours de piano dans une académie et des garderies dans les écoles, ou qui met gracieusement à disposition des locaux, des infrastructures et du personnel à des associations ou à des citoyens devra les faire payer aux usagers. Et une commune qui les faisait payer, mais moins qu’au prix coûtant, devra en hausser le tarif, puisque «les redevances sont fixées sur base d’un rapport direct entre le coût ou la valeur du service fourni et le montant dû par le redevable», selon les termes de la deuxième «obligation complémentaire à rencontrer dans le cadre du plan de gestion». Pensons, par exemple, à l’accès aux piscines communales. Les montants des redevances et des prestations devront être indexées, donc augmentées, tous les ans, «selon l’évolution des paramètres socioéconomiques». Et ces paramètres, – c’est la raison même de l’existence de ces conventions – ne sont pas bons.
Ensuite, les signataires régionaux des conventions ont obtenu que les communes devraient introduire toutes les taxes et les redevances «qui ne sont pas encore appliquées par la commune». Tout en étant référencées dans la circulaire budgétaire. Celle-ci est envoyée chaque année aux pouvoirs locaux par le ministre wallon du Budget. Les communes pouvaient choisir de ne pas suivre ses recommandations. Cela ne sera plus le cas.
Un doute subsiste à cet égard sur les additionnels communaux, qui sont le gros de la fiscalité communale, mais qui sont perçus par les autres niveaux de pouvoir. Ils sont de toute manière assez élevés déjà dans les principales villes concernées (la circulaire budgétaire 2025 recommande par exemple un taux de 8,8% à l’impôt des personnes physiques, il est actuellement à cette hauteur à Mons et Liège, mais de 8,5% à Charleroi).
Mais pour une litanie de taxes et de redevances, nécessairement nouvelles, qui s’abattront sur certaines communes, le doute n’est pas permis par les conventions de prêt extraordinaire: la météo fiscale de 25 entités wallonnes sera à la pluie. La circulaire budgétaire 2025 qu’avait rédigée Christophe Collignon, ministre socialiste des Pouvoirs locaux d’un gouvernement PS-MR-ECOLO, en énumérait des dizaines, qu’aucune commune n’appliquait toutes. A l’avenir, au moins dans 25 entités, la Région wallonne exige de taxer ou, si c’est déjà taxé, de hausser les taux de prélèvement sur: le port d’armes, les golfs, les poneys et les chevaux d’agrément, les emplacements de parking mais aussi les absences d’emplacements de parcage, les surfaces commerciales, les établissements occupant du personnel de bar, les entreprises industrielles, commerciales et agricoles, les éoliennes, les bureaux des professions libérales, les piscines privées, les secondes résidences, les antennes gsm, les terrains non bâtis dans les centres-villes et au bord de «voies publiques suffisamment équipées», les commerces de frites (et «hot-dogs, beignets, etc.») et les kiosques à journaux, le stationnement de taxis et de voitures de location, les chaises et les tables sur les terrasses, les loges foraines, les emplacements sur le marché, les dancings, la mise à l’eau d’embarcation à des fins commerciales, les spectacles et les divertissements, les bars à chicha et à pipe à eau, les cannabis shop et les boutiques téléphoniques, les logements loués meublés, les agences bancaires, les distributeurs de billets automatiques, les terrains de camping, le séjour sur le territoire communal, les enseignes, lumineuses ou pas, et la diffusion publicitaire sur la voie publique, les écrits publicitaires et les supports de presse régionale gratuite, les clubs privés et les agences de paris, les débits de tabac et les débits de boisson, les mines et les terrils, les tanks et les réservoirs, les séjours à la morgue et le transport funèbre, les changements de nom, la saleté mais aussi la propreté des trottoirs, l’inflexion des trottoirs, le vidage des fosses d’aisance et les recherches généalogiques, on vous jure qu’on n’invente rien et qu’il y en a encore d’autres.
C’est déjà d’une ampleur remarquable, surtout dans un pays «où il n’y a que l’air que l’on respire qui n’est pas taxé», comme dit le président du MR. En outre, redoutent certains mandataires communaux, surtout socialistes, la prochaine circulaire budgétaire sera rédigée par un ministre Engagé, François Desquesnes, d’une coalition MR-Engagés. Il est possible en théorie, mais presque impossible en pratique, de déroger à ces augmentations et à ces introductions de taxes et de redevances communales. Mais il faudra trouver d’autres recettes pour autoriser ces dérogations.
Quelles villes et communes concernées?
Quelle que soit la configuration du prêt oxygène, que ce soit ING ou Belfius qui prête des fonds garantis par la Région, ou que la Région, via le Centre régional d’aide aux communes (CRAC), soit directement prêteuse, les obligations contenues dans les conventions sont exactement les mêmes. Il n’y a donc pas de différence de traitement selon que la commune soit plus ou moins endettée.
ING a accepté de prêter de l’argent à 21 communes: Amay, Andenne, Ath, Châtelet, Dinant, Farciennes, Flemalle, Florennes, Florenville, Herstal, Huy, La Louvière, Leuze-En-Hainaut, Mouscron, Profondeville, Quievrain, Soignies, Saint-Hubert, Sambreville, Seraing, Tournai et Virton. Face à la pluie de taxes à introduire et augmenter, et aux obligations que la Région wallonne imposait via la convention, les autorités de Flémalle et de Virton ont décidé de renoncer à l’argent de ce prêt extraordinaire.
Belfius a accepté de prêter à quatre communes: Ath, La Louvière, Verviers et Namur. Mais Verviers, et son bourgmestre MR Maxime Degay, a elle aussi considéré qu’il valait mieux se passer de cet argent, compte tenu des obligations qu’il impliquait.
Enfin, ni ING ni Belfius n’ont voulu prêter à Liège, Charleroi, et Mons. Les deux premières afficheraient, sans prêt, un déficit cumulé de plus de cent millions d’euros chacune en 2025, et Mons a été intégrée, pour des raisons que certains estiment politiques, à ce club très sélect des communes en plus grande difficulté budgétaire. C’est donc directement la Région wallonne, via le CRAC, qui a mis cet argent à disposition des trois grandes cités wallonnes.
Une clause namuroise?
Une disposition, dans ces conventions, semble ne concerner qu’une seule commune wallonne. Elle renforce cette impression tenace, spécifique aux mandataires locaux dont le parti n’est plus au gouvernement wallon, d’un puissant guidage politique de ces obligations de baisse importante des dépenses et de hausse impressionnante de la fiscalité communale.
Elle exonère de certaines obligations les entités engagées dans des « projets et événements faisant l’objet d’un cofinancement par une autorité supérieure », et le fait que ce soit précisément le cas de Namur, candidate à devenir la capitale européenne de la Culture 2030, n’a échappé à aucun, semble-t-il, des signataires de ces 25 conventions de prêt extraordinaire.