Le healthwashing s’invite dans les supermarchés. Adoubé par les marques, le procédé consiste à rendre des produits plus sains qu’ils ne le sont réellement, survendant certains atouts nutritionnels. La technique marketing séduit souvent le consommateur. Et permet aux entreprises d’augmenter largement leurs prix.
«Riche en fibres», «enrichi en vitamine C», «source de protéines». Dans les supermarchés, les emballages reflètent au consommateur des atouts toujours plus sains. Les entreprises ne se contentent plus de les notifier sur la liste nutritive. Ils sont désormais les stars du packaging, inscrits parfois en plus grand que la marque elle-même. La pratique a un nom: le healthwashing.
Si l’expression anglophone est relativement neuve, et fait évidemment écho au greenwashing, la technique a toujours existé. Elle n’était simplement pas autant conceptualisée par les marques qu’aujourd’hui. «Le healthwashing est la façon de présenter la nourriture d’une façon plus saine qu’elle ne l’est réellement», définit Tim Smits, professeur de communication persuasive et de marketing à la KU Leuven.
Healthwashing: gonfler les atouts, cacher les défauts
Chaque marque adopte l’astuce à sa sauce, avec un accent toujours plus prononcé sur les propriétés nutritives et des mentions telles que « riche en fibres, en protéines », ou « faible en graisses et en sucre ». «Ces allégations doivent être vraies, mais des études psychologiques montrent que le consommateur les interprète d’une manière trop holistique, considérant de facto que l’ensemble des composants du produit sont sains, ce qui n’est pas le cas», observe Tim Smits.
Subtilement, les marques grossissent ainsi le trait sur un élément nutritionnel sain, réduisant l’attention sur ce qui l’est moins. «Elles créent une certaine perception autour du produit en mettant en évidence tous les atouts, sans évoquer les défauts», résume Gino Van Ossel, professeur de retail et marketing à la Vlerick Business School.
Par exemple, des images de fruits sur des paquets de bonbons font inconsciemment croire au consommateur que le produit n’est pas si mauvais. Sur le packaging de certaines céréales, les marques insistent sur ce qu’on peut consommer en complément, comme des fruits ou du lait, mais elles n’en contiennent pas. «L’aliment le plus sain et le plus mis en avant sur l’emballage correspond parfois à celui qui se retrouve en plus petit pourcentage dans le contenu total du produit. La perception est tronquée», souligne Gino Van Ossel.
Les produits light sont un autre exemple type. La diminution de matière grasse est habituellement compensée par un ajout de sucre. Et inversement pour les aliments moins sucrés, contrebalancés par un surplus de graisses.
Pour le consommateur, il demeure assez complexe d’évaluer la qualité nutritionnelle d’un aliment. Pour Nicolas Güggenbühl, diététicien-nutritionniste et professeur à la Haute Ecole Vinci (Bruxelles), il faut également se méfier d’un « effet halo » sur lequel certaines marques s’appuient. «Le planet-score, visuellement semblable au nutri-score, est parfois faussement perçu comme une référence nutritionnelle», avertit-il.
Healthwashing: que dit la loi?
Ces pratiques sont régulées au niveau européen, délimitées par un registre des allégations qui sont permises et celles qui ne le sont pas. «Par exemple, pour qu’un produit puisse afficher la mention ‘riche en fibres’, six grammes de fibres par 100 grammes sont requis», note Tim Smits.
«Les marques ne peuvent pas mentir sur leur emballage, mais elles gardent une certaine liberté dans la façon de mettre en avant leurs points forts, enchaîne Gino Van Ossel. A l’avenir, il faut espérer des solutions légales qui ne soient pas trop sévères, car il revient toujours au consommateur de faire son choix en âme et conscience.»
Quels produits sont les plus concernés par le healthwashing?
Quelles catégories de produits sont les plus concernées par le healthwashing? Potentiellement, chaque comestible packagé. Souvent, la pratique touche les aliments les plus transformés. Certains font la course en tête. Comme les céréales pour le petit-déjeuner, championnes de l’exercice, avec des mentions telles que ‘Fitness’ sur leur emballage. Les biscuits, sodas et chips ne sont pas en reste avec des termes comme «nature», «cuit au four», ou «à l’ancienne».
Les produits hyper-protéinés sont un autre exemple. Si les protéines sont certes bonnes pour la santé, les aliments qui ont été surdosés ne sont pas spécialement plus intéressants que d’autres, mais sont vendus comme très sains, et parfois jusqu’à trois fois plus cher, à l’instar des yaourts Skyr.
Le plus important reste d’établir ce qui est utile dans une alimentation équilibrée avant d’aller faire ses courses, conseille Nicolas Güggenbühl, afin de ne pas dévier vers des produits dont on n’a pas besoin. «Par exemple, mieux vaut opter pour des pâtes complètes que des pâtes sans gluten, qui ont peu de valeur nutritionnelle -sauf en cas de d’intolérance- et qui feraient passer à côté des bienfaits des céréales complètes.»
Upgrade artificiel et prix premium
C’est un fait, ces nouvelles pratiques permettent également aux marques de vendre leurs produits bien au-dessus de leur valeur normale, sous prétexte qu’ils sont «enrichis» en quelque chose, et valent donc davantage. «Le healthwashing permet aux entreprises d’upgrader certains produits pour les faire entrer dans une catégorie de prix premium», analyse Tim Smits.
Coca-Cola, pour ne pas le citer, applique ce procédé avec le lait, un aliment de base très bon marché. «La compagnie a créé un lait «riche», agrémenté de nombreuses vitamines et d’autres compléments qui semblent sains, pour le vendre plus cher, raconte Tim Smits. Un véritable hocus-pocus acquis grâce au seul packaging. Les gens sont prêts à payer beaucoup plus, ce qu’ils ne feront jamais pour une pomme de bonne qualité mais qui n’est pas packagée.»
Les marques les plus connues vont toujours pouvoir vendre avec des marges plus importantes, rappelle Gino Van Ossel, qui note également une tendance générale en faveur de la santé dans la consommation, davantage encore depuis le pandémie de Covid. «La généralisation du nutri-score correspond cette période. Ce n’est pas un hasard. Le 0% d’alcool, par exemple, prend une part de marché très importante. Les marques font désormais des promesses qui n’existaient pas il y a cinq ou dix ans», conclut-il.