Une nouvelle salle de consommation à moindres risques (SCMR) vient d’ouvrir à Bruxelles. Elle permet aux personnes en situation de grande précarité de ne pas avoir à consommer de la drogue dans l’espace public.
Une salle de consommation à moindres risques, nommée LinkUp, a ouvert ses portes ce lundi à Molenbeek, près de la station de métro Ribaucourt. Le dispositif propose un accompagnement social et médical aux consommateurs de drogues ainsi qu’un espace sécurisé, afin de réduire notamment la consommation dans l’espace public bruxellois où le deal et l’usage de drogues se posent comme un problème d’ordre public.
«Avec LinkUp, nous proposons une réponse à travers la mise sur pied de la deuxième salle de consommation à moindres risques en région bruxelloise: un lieu encadré où les personnes qui consomment des drogues peuvent le faire sous la supervision de professionnels expérimentés, médecins, infirmiers, assistants sociaux et éducateurs», assure l’organisme financé par Iriscare (la protection sociale de la région) et géré par l’asbl Transit. Le lieu sera ouvert du lundi au vendredi de 10 à 17 heures, et sera bientôt augmenté d’un espace d’hébergement d’urgence de 24 lits, où les usagers pourront rester jusqu’à 48 heures.
13.286 shoots évités dans la rue
Le premier patient a poussé la porte ce lundi à 13h30. Dans la première salle de consommation de la capitale, située à proximité de la gare du Midi, 33.559 actes de consommation ont eu lieu depuis son ouverture, en mai 2022, pour 1.090 usagers différents en 2024. «84% des actes de consommation auraient eu lieu dans l’espace public si la salle avait été fermée. Cela représente 13.286 actes en 2024 et plus de 25.800 depuis l’ouverture.» Pourtant, à Molenbeek comme à Bruxelles, le projet a fait l’objet d’une forte oppositions de riverains, craignant un regain de consommation et de violence.
«Au début, en tant que policier, je n’étais pas vraiment convaincu.»
«Au début, en tant que policier, je n’étais pas vraiment convaincu, concède l’agent de la zone Bruxelles-Ixelles, Christian Raes, qui travaille étroitement avec la première salle de consommation de la capitale. Il y avait également beaucoup d’animosité des riverains. Aujourd’hui, plus personne ou presque ne vient aux réunions d’information à propos de la salle de consommation, c’est le signe qu’elle s’est intégrée à l’ergonomie sociale du quartier.» Il l’illustre par la présence de deux éducateurs de rue chargés de patrouiller autour de la salle afin d’y ramener des usagers qui s’apprêtent à consommer sur la voie publique. Sur le plan sécuritaire, la police n’a pas constaté d’augmentation de crimes dans le quartier. «On arrête plus de dealers, mais c’est dû à la nouvelle politique en la matière insufflée par le procureur du Roi, et ça se constate dans tout Bruxelles.»
LinkUp menacé par le blocage politique à Bruxelles ? «Il y aura des économies en 2026»
Vue comme ça, la situation paraît idyllique. Mais le défi reste de taille et des exemples d’échecs existent. A Liège, une salle de consommation similaire ouverte en 2018 fermait ses portes en juillet 2024. L’octroi d’un million d’euros par le ministre Coppieters en décembre de la même année devait permettre une réouverture, en vain. La faute à des soucis budgétaires, stipule le cabinet du bourgmestre Demeyer (PS) qui n’abandonne cependant pas l’idée d’une réouverture en 2026. Il faudra composer avec un partenaire de majorité, le MR, qui juge les salles de consommation trop peu efficaces au regard du budget déployé. Une commission spéciale sur la salle de consommation liégeoise a été ouverte au parlement de Wallonie, sans suite jusqu’à présent.
«Le soutien politique est très important pour ce genre de projet, observe le policier Christian Raes. Le bourgmestre a organisé des réunions entre les riverains et les différents acteurs pour communiquer sur l’articulation du projet.» Pour la salle molenbeekoise, deux réunions avec des riverains ont déjà eu lieu, raconte Bruno Valkeneers, porte-parole de l’asbl Transit. «Il y a eu des débats soutenus et des angoisses fantasmées, notamment provoquées par des partis néerlandophones qui parlent d’un « appel d’air » de consommateurs vers ce quartier.» En réalité, quand un consommateur achète du crack, il le consomme généralement dans les dix minutes, d’où l’importance d’ouvrir des salles proches des lieux habituels d’achat et de consommation, assurent les professionnels du secteur.
Alors que Bruxelles est toujours enlisée dans la formation d’un gouvernement de plein exercice, et que la région s’apprête à entamer une deuxième année consécutive en douzièmes provisoires (un mécanisme qui ne permet pas d’augmenter les subsides à des organisations), LinkUp est-elle menacée? «Le projet LinkUp est né il y a deux ans et est inscrit dans un budget consolidé, il s’agit d’un agrément donc il est pérennisé, assure le ministre de l’Action sociale au sein de la Cocom, Alain Maron (Ecolo). Il y aura forcément des économies sur le social et la santé en 2026.»L’écologiste se veut cependant confiant, la région bruxelloise étant dotée d’agréments de réduction des risques a contrario de la Wallonie, ce qui garantit le financement d’un projet comme LinkUp, théoriquement.




