Généraliser le port de l’uniforme à l’école, telle est l’ambition du président français pour l’année 2026. En Belgique, une telle mesure semble difficilement applicable et certains remettent en doute de son efficacité.
La tenue unique sera expérimentée dès cette année dans une centaine d’établissements volontaires »: pour Emmanuel Macron, l’uniforme doit devenir, en France, une manière d’« effacer les inégalités » et de « créer les conditions du respect ».
La récente sortie du président français séduit-elle également en Belgique ? Pas la ministre francophone de l’Education, Caroline Désir (PS): son cabinet indique qu’une telle mesure ne figure pas parmi ses priorités. Et serait, de toute façon, difficile à mettre en place. « Une grande différence entre la France et la Belgique réside dans l’organisation du pouvoir décisionnel », explique Éric Mangez, professeur à l’UCLouvain et expert en sociologie de l’Éducation. « Les acteurs locaux sont beaucoup plus autonomes qu’en France, qui elle, fonctionne selon la logique pyramidale. » Un avis partagé par Bernard Hubien, secrétaire général de l’UFAPEC (Union Francophone des Associations de Parents de l’Enseignement Catholique). « Nous pensons qu’il est bon que le port de l’uniforme soit débattu au niveau du conseil de participation de chaque école. »
L’importance du vêtement
En 2022, une étude réalisée par l’UFAPEC interrogeait un certain nombre d’étudiants francophones sur l’importance de la tenue à l’école. Pour eux, être libre de choisir leurs propres vêtements permet de « se sentir bien » ou encore d’« exprimer sa personnalité ». L’enquête dédie un chapitre sur le rôle des vêtements et indique que « par le vêtement, on cherche généralement à mettre en valeur son apparence physique, ce qui est une manière de contribuer à son épanouissement personnel ».
« La manière de s’habiller constitue le moyen principal, pour des adolescents en plein développement, d’exprimer leur individualité », avance Eden Glesjer, juriste au CEF (comité des élèves francophones), en se basant sur les témoignages récoltés par l’organisation. Ainsi, adopter l’uniforme « accentuerait le repli sur soi et diminuerait le sentiment d’appartenance à l’école », ajoute la juriste.
Uniforme à l’école: vraiment efficace ?
Nombreux sont les défenseurs de l’uniforme à penser que celui-ci réduirait l’impact des inégalités. Pourtant, les différences de classes sociales sont bien visibles malgré cette réglementation. « Qu’on soit pour ou contre l’uniforme, rien n’empêche de se différencier par l’utilisation d’accessoires », rappelle Bernard Hubien. « Dans notre école, un code couleur était imposé mais cela laisse alors la possibilité de choisir la marque de son vêtement et renforce les inégalités », souligne Célestine, 20 ans, ancienne élève du Val Notre-Dame, un internat situé à Wanze. Selon elle, l’uniforme permet surtout de représenter une école et peut, plus facilement, inciter aux préjugés entre élèves.
Aujourd’hui, de nombreuses associations mettent en évidence la co-création du règlement d’ordre intérieur (ROI) comme solution aux divergences existantes entre les élèves et les écoles. « On se bat beaucoup pour une uniformisation du règlement d’ordre intérieur, pour que les normes soient équitables entre tous les élèves, peu importe l’école dans laquelle ils sont inscrits », insiste Eden Glesjer. D’ailleurs, 74% des élèves interrogés dans l’étude de l’UFAPEC estiment que les règles concernant la tenue vestimentaire devraient « être écrites de façon concertée avec tous les acteurs du système ; enseignants, éducateurs, parents et élèves ».
Quoi qu’il en soit, la question de l’uniforme à l’école reste ambivalente. « Il n’y a pas de réponse blanche ou noir à tout ce débat, cela peut, dans certains cas, être bénéfique et dans d’autres pas », conclut le sociologue Éric Mangez.
Aurore Wion