mercredi, avril 9

En pleine guerre commerciale, la volatilité affole les marchés. Mais derrière la panique, des opportunités d’investissement subsistent. A condition de garder la tête froide et de ne pas suivre ses intuitions.

Plus d’incertitude, plus de droits de douane, plus de protectionnisme. Un cocktail au goût amer pour les investisseurs. L’overdose de volatilité injectée par Donald Trump fait dévisser les marchés et laisse craindre un risque de récession aux Etats-Unis, voire de crise économique mondiale.

Dans ce contexte peu favorable, celui qui investit à risque se retrouve décontenancé. Un monde plus protectionniste, fait de barrières douanières, est inévitablement dommageable pour l’économie. Mais le brouillard actuel laisse aussi entrapercevoir des opportunités inattendues.

Investir en guerre commerciale: ne pas suivre ses émotions

Face au phénomène, il faut d’abord rester serein, conseille l’économiste Philippe Ledent (ING). «Les corrections en cours pourraient pousser certains à sortir des marchés de manière prématurée. Or, les pertes engrangées peuvent être effacées après quelques bonnes journées. Dans ce genre de situation, il ne faut surtout pas suivre ses émotions», prévient-il.

Par exemple, si Trump décrète une baisse des sanctions commerciales envers un pays suite à des négociations bilatérales fructueuses, la nouvelle sera alors bien accueillie par les marchés. «Cela montre que les effets d’annonce ne provoquent pas une tendance définitive», rassure Philippe Ledent.

«La peur induit un effet procyclique important.»

Catherine Karyotis

Professeure de finance à la NEOMA Business School

Catherine Karyotis, professeure de finance à la NEOMA Business School, rappelle l’adage principal en Bourse: «Tant qu’on ne vend pas, on ne perd pas.» Selon ce même principe, «l’investissement doit toujours se faire sur un horizon à long terme. Les paroles politiques de Trump étant très volatiles, il faut éviter d’y répondre par la panique courtermiste, tempère-t-elle. Si tout le monde vend, comme c’est le cas en ce moment, les marchés chutent car les ventes sont alors supérieures aux achats. La peur induit un effet procyclique important.»

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Investir en guerre commerciale: se constituer un portefeuille plus défensif

Lors d’une période d’incertitude, il est bon, pour un gestionnaire d’actifs, d’insuffler un accent plus défensif dans son portefeuille. Se tourner vers des secteurs comme la pharma ou l’alimentaire –pour lesquels la demande reste une nécessité vitale– est une bonne idée. «Que l’économie avance vite ou lentement, les gens ont besoin de se soigner et de manger, illustre Philippe Ledent. A l’inverse, des secteurs dits cycliques, tel que l’automobile, sont moins recommandables lors d’une détérioration de la conjoncture.»

Ce comportement défensif peut souvent amener à vendre certaines actions pour acheter des obligations. «Mais il faut considérer le fait que les marchés ont toujours une longueur d’avance. Le jour où l’investisseur prend une décision, il est probable que ce soit déjà trop tard.»

Des opportunités à saisir

A l’inverse, ces corrections peuvent aussi «offrir des opportunités pour rentrer dans le marché en anticipant une hausse sur le long terme, souligne l’économiste d’ING. Des actions qui paraissaient encore trop chères il y a quelques mois plient désormais de 5 ou 10% et deviennent plus accessibles.»

Typiquement, le secteur de la tech américaine, en surperformance l’année dernière, subit un sérieux ralentissement. «Celui qui avait raté le coche peut voir la chute actuelle comme une chance de remonter dans le train à un prix plus attractif.»

«Celui qui avait raté le coche de la tech américaine peut voir la chute actuelle comme une chance de remonter dans le train à un prix plus attractif.»

Philippe Ledent

Economiste (ING)

L’économiste insiste sur la nécessité de ne pas suivre des intuitions trop schématiques. Ainsi, penser que toutes les entreprises européennes confondues vont souffrir de cette situation est un raisonnement dangereux. «Il faut ici bien faire la distinction entre les entreprises européennes qui exportent aux Etats-Unis, et celles qui produisent sur le sol américain. Les deux profils sont très différents». Ainsi, certains constructeurs automobiles exportent massivement à partir d’usines en Europe, alors que d’autres détiennent une capacité plus modulable. Ceux-ci sont capables de faire face aux tarifs en adaptant leur production selon le marché.

Dans la même optique, les magasins de luxe aux Etats-Unis performeront peut-être moins bien prochainement, mais les touristes américains achèteront alors plus en Europe, car les prix y seront plus attractifs. Pour l’entreprise du luxe, donc, l’impact sera contrebalancé.

«Un travail d’analyse et de distinction est indispensable pour chaque secteur», résume Philippe Ledent.

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Les fonds à gestion active: le bon plan

Pour plus de sécurité, l’économiste recommande de se tourner vers des fonds à gestion active. Ces derniers sont plus à même d’introduire un caractère défensif dans un portefeuille. «Ce que ne permet pas un ETF passif, compare-t-il. Si la tech se prend une claque et que vous disposez d’un tracker du S&P500, vous serez contraint de suivre la baisse. La gestion active prend tout son sens dans le contexte actuel.»

Concernant les actions individuelles, elles ne doivent pas être abandonnées, mais triées sur le volet, sur base de bons conseils. «Il y a encore des bons coups à faire, assure Philippe Ledent. Le propre de la période actuelle est qu’elle offre aussi beaucoup d’opportunités, avec des valorisations à des niveaux plus normaux. En revanche, le moment est plus sportif et ne permet pas de surfer sur la vague avec deux ou trois ETF.»

«La gestion active prend tout son sens dans le contexte actuel.»

Philippe Ledent

Economiste (ING)

Pour Catherine Karyotis, les ETF restent cependant une option intéressante, «à condition que l’indice sous-jacent soit global –CAC 40, DAX, entre autres.»

L’investissement en actions individuelles, lui, nécessite un portefeuille important pour pouvoir répartir les risques. «Si l’épargne est faible, la meilleure pratique est alors de passer par un organisme de placement collectif, c’est-à-dire de gestion d’actifs auprès d’une banque, ajoute Catherine Karyotis. Le gestionnaire dispose d’encours qui lui permettent de mieux répartir les risques.»

Selon la spécialiste, il paraît dès lors utile, dans le contexte actuel, de se diriger vers des valeurs dites de «fond de portefeuille», «c’est-à-dire des valeurs non spéculatives, qui s’inscrivent plus dans un esprit de transmission patrimoniale.»

Investir en temps de guerre commerciale, c’est donc peut-être aussi apprendre à voir les vagues comme des tremplins, et non des obstacles…

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