samedi, janvier 4

L’heure est à la simplification et à la libération de la capacité de travail individuelle, que les marchés ne manquent pas de saluer. Gare toutefois à la surchauffe, et à la dissolution du lien social, prévient l’économiste Bruno Colmant.

L’Italie est-elle sur la voie du redressement économique? Malgré un PIB qui a souffert en 2024, le gouvernement de Giorgia Meloni s’était vu attribué, fin octobre dernier, un bel encouragement de la part de l’agence de notation Fitch, qui avait salué des «performances budgétaires solides» en ligne avec les objectifs fixés par l’UE. De quoi donner de l’élan à la dirigeante conservatrice: son dernier budget, voté il y a deux jours, fait la part belle aux baisses de charges et à des mesures de simplification fiscale, tout en promettant de juguler la dette publique (autour de 3.000 milliards d’euros).

Travailler dur

Mais pour cela, il va falloir travailler, et travailler dur, un mantra que Giorgia Meloni a mis en application dès 2023 en assouplissant le droit du travail afin de doper le marché de l’emploi. Dans la droite lignée de son compère argentin Javier Milei, qui, nouvellement élu, a promis un redressement drastique de l’Argentine à base de coupes dans l’administration (plus de 30.000 emplois supprimés) et de libéralisation à l’extrême de l’économie (amnisties fiscales, faveurs aux entreprises étrangères susceptibles d’investir dans le pays, etc.). Les marchés ont salué l’effort, certaines banques, telle JP Morgan, abaissant même le niveau de risque pour les investisseurs dans ce pays qui a régulièrement connu la banqueroute.

Il y a une sorte de mobilisation collective que certaines personnes arrivent à cristalliser dans une logique ‘Mussolinienne’

Bruno Colmant, économiste

Un an après son accession au pouvoir, et malgré la casse sociale occasionnée par ces mesures radicales, le libertarien cueille les premiers fruits de sa politique économique, avec un PIB qui a progressé cette année et une inflation enfin jugulée. De quoi engranger de la confiance au sein d’une population dont plus de la moitié vit encore dans la pauvreté.

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Avant le second mandat de Trump, qui entend lui aussi doper l’économie en baissant les impôts et en dérégulant ce qui peut l’être (ainsi du marché de l’énergie), l’ultra-libéralisation de la société occidentale, portée par une poignée de leaders populistes, semble être à un nouveau stade (avant de gagner toute l’Europe?).

Logique «Mussolinienne»

«Les cas sont différents les uns des autres, toutefois je pense qu’il y a une sorte de mobilisation collective que certaines personnes arrivent à cristalliser dans une logique « Mussolinienne »», abonde l’économiste Bruno Colmant, qui rappelle que le plan économique du futur allié d’Adolf Hitler avait, dans les premières années, «été loué parce qu’il avait réussi à remettre environ cinq millions de personnes au travail, à mettre en œuvre de grands travaux publics, tout ça sur base d’un engouement nationaliste qui a galvanisé les gens, le tout porté par une simplification des choses.»

«Mon intuition, c’est qu’on voit un peu la même chose en Argentine, et je pense que Trump veut faire pareil, poursuit l’économiste. C’est très interpellant, on tourne peut-être la page de 30 à 40 ans de principe de précaution, d’étatisation, à la fois pour libérer des forces individuelles mais aussi collectives. Où l’on trouve des humains seuls face à leur destin mais qui se diraient, collectivement, on va y arriver. C’est un peu la même chose en Italie, où on veut redonner une fierté nationale dans la promotion du travail, de l’effort individuel et collectif. Cela peut marcher un certain temps, sans doute pas 20 ans, mais peut être est-ce bien de ça dont nos États, notamment en Europe, ont besoin.»

Le risque? Une «surchauffe de l’économie, mais aussi la disparition du lien social, quand chacun est avec sa hache et son couteau face à son destin. Cela peut conduire à de la violence sociale, du fait que la société devient de plus en plus prédatrice», prévient Bruno Colmant. Qui rappelle: «L’État social tel qu’il existe en Europe crée une solidarité intra et intergénérationnelle. Or quand on défait ses liens de solidarité, elle disparaît nécessairement.»

Italie, Argentine, États-Unis: pourquoi les économies libérales-populistes ont le vent en poupe appeared first on Le Vif.

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