Après une enquête révélant 1,45 milliard d’euros de bénéfices non taxés des mutualités depuis 2020, Jan Jambon veut modifier la réglementation en la matière. La N-VA et le MR relancent au passage l’idée de confier les complémentaires au privé.
Le ministre des Finances Jan Jambon (N-VA) a demandé à son administration d’ouvrir une enquête sur les bénéfices exemptés d’impôt engrangés par les mutualités belges, a-t-il déclaré dans une interview pour Het Laatste Nieuws.
Une enquête menée récemment par le quotidien flamand a, en effet, révélé que depuis 2020, les mutualités ont réalisé un bénéfice total de 1,45 milliard d’euros grâce à leurs assurances hospitalisation. Or, elles n’ont pas payé d’impôt sur ce montant. Les assureurs privés sont, eux, tenus de rétrocéder un quart de leurs bénéfices au titre de l’impôt sur les sociétés.
«Les mutuelles ne sont pas indispensables. Ce ne sont que des intermédiaires qui s’enrichissent sur le dos des patients.»
Si, après l’investigation, la pratique s’avère légale, le ministre Jambon souhaite chercher une majorité pour modifier la réglementation en la matière. «Si nous imposons lourdement tous ceux qui réalisent des bénéfices, je pense que cela doit également s’appliquer aux mutualités, a-t-il souligné. Nous devons vraiment examiner la position privilégiée de certains acteurs de la société civile.»
Des assurances complémentaires gérées par le privé
Pour Kathleen Depoorter (N-VA), l’enquête de Het Laatste Nieuws est l’occasion de remonter à la surface un projet de loi avorté lors de la précédente législature. Les mutuelles «ne sont pas indispensables. Ce ne sont que des intermédiaires qui s’enrichissent sur le dos des patients, clame la députée. A la limite, nous pouvons leur laisser un rôle d’information et de sensibilisation, mais sous une forme plus modeste qu’actuellement.»
Les nationalistes flamands estiment qu’un payeur public unique (HZIV est mentionné) peut gérer l’assurance obligatoire avec des coûts administratifs unitaires plus bas. Cet organisme ne pourrait en revanche pas proposer des assurances complémentaires. Kathleen Depoorter souhaite que cette offre soit gérée par des boîtes privées, sans être attachée aux responsabilités publiques. Dans ce dossier, la N-VA peut en tout cas déjà compter sur le MR.
«Vers un modèle à l’américaine»
Du côté des mutuelles, en revanche, l’idée peine à passer. Solidaris estime que la proposition des nationalistes et des libéraux n’est rien de moins qu’une «manœuvre orchestrée pour décrédibiliser le modèle non marchand mutualiste, pour mieux faire passer un modèle marchand où les acteurs privés gagneraient de l’espace pour faire du profit sur la santé des gens. (…) C’est la transition vers un modèle à l’américaine. Le rêve néolibéral absolu.»
La mutuelle affiliée au Parti socialiste argumente que le mode de fonctionnement des mutualités ne coïncide en rien avec les boîtes privées d’assurances santé, et appelle à ne pas confondre leurs dividendes avec des bénéfices. La Mutualité chrétienne et Helan n’ont, pour l’heure, pas réagi. Elles disent étudier la situation et préparer une réponse pour «calmer une polémique mensongère» et «désamorcer les accusations des politiques.»
Tandis que de leur côté, Les Engagés, affiliés politiquement à la Mutualité chrétienne, jugent que cette proposition «relève de la folie». Le parti veut néanmoins repenser les missions des mutuelles, clarifier leur rôle et les recentrer sur leurs missions prioritaires.
(Avec Belga)




