vendredi, décembre 27

Selon un rapport, la Belgique serait le 3e pays le plus stressant au monde. Que penser de cette médaille de bronze peu glorieuse? Le point avec Alexander Heeren, professeur en psychologie à l’UCLouvain.

Vivre à l’étranger, une vie de rêve sans stress ? Tout dépend de la destination. Selon une étude menée par William Russel, assurances spécialisées dans les services aux expatriés, s’installer à l’étranger peut être une source d’anxiété. En particulier en Belgique. Selon le rapport 2023, le Plat pays serait le troisième le plus stressant au monde.

Pour arriver à cette conclusion, William Russel a comparé 37 pays et 66 villes sur une dizaine de critères, allant du stress financier au taux de suicide, en passant par la sécurité des personnes LGBTQ+ et la qualité de l’air. La Belgique s’y retrouve juste derrière la Corée du Sud et les Etats-Unis. Les nations considérées comme les moins stressants sont le Portugal, la Suède et l’Estonie.

Une médaille de bronze belge qui ne surprend pas Alexandre Heeren, professeur de psychologie à l’UCLouvain. « Même si la méthodologie de l’étude est un peu floue et que les valeurs ne sont pas vraiment sourcées, ce n’est pas étonnant. Au niveau des troubles anxieux, on plafonne assez en Belgique. On a une prescription d’anxiolytiques assez spectaculaire, un taux de burnouts qui défie toute concurrence… On est un des rares pays à atteindre cela, loin devant nos voisins. »

La pollution lumineuse, facteur stressant

Selon le rapport, la pollution sonore et lumineuse fait basculer le classement de la Belgique. Il pointe des conséquences dramatiques sur la qualité du sommeil et donc une augmentation le stress et l’anxiété. La notion de pollution lumineuse est extrêmement importante, confirme le professeur. « Cela perturbe le rythme circadien, c’est-à-dire le fait d’avoir un rythme jour/nuit. Et c’est néfaste pour toute une série de choses, dont le sommeil et l’humeur. »

La lumière est un élément clé. « Quand on voit une carte de la Belgique vue du ciel, notre pays est illuminé et se distingue. Il y a une ‘sur-luminosité’, on est rarement dans l’obscurité totale en Belgique. C’est aussi le cas en France, mais il y a plus de distances, de zones d’ombre entre les zones lumineuses. »

Concernant la pollution sonore, « on remarque que la densification est très forte, donc c’est possible. » Des études suggèrent en effet que cela peut induire du stress, et que ce n’est pas bon pour notre fonctionnement physiologique.

Détresse chez les jeunes

Un autre élément important est le taux de suicide. La Belgique présente un taux extrêmement élevé par rapport aux autres pays de l’Union européenne, particulièrement en Wallonie. Les raisons sont nombreuses : des facteurs économiques défavorables (pauvreté, insécurité financière…), un milieu agricole important (particulièrement exposé) et une tendance à l’augmentation chez les jeunes.  

« Il y a une détresse conséquente chez les jeunes. Le manque d’espoir pour le futur n’offre pas beaucoup de perspective positive, c’est stressant. Au niveau du climat, on ne sait pas ce que l’avenir nous réserve. Economiquement aussi. On peut aussi pointer un désenchantement du monde du travail, qui ne représente plus un ascenseur social comme avant », explique le Pr. Heeren.

La plupart des pays qualifiés de « stressants » sont très urbanisés. Cela ne surprend pas non plus Alexandre Heeren. « C’est le cas en Belgique. Peu de gens ont un accès direct à la nature, peuvent aller se balader en forêt sur le temps de midi. Or, au niveau biologique, une proximité régulière avec la nature est importante : réduction du taux de stress, moins de burnouts… »

Plus de conscience

La Belgique a également mauvaise presse à l’étranger. En cause: une couverture médiatique négative après les attentats ou encore les propos de Donald Trump qualifiant Bruxelles de « hellhole ». « On a été qualifié de pays dangereux, avec une surestimation de la menace. Paradoxalement, la France a été davantage confrontée au terrorisme, mais garde une image plus positive », précise-t-il.

Les services de santé mentale souffrent également d’une saturation et d’un sous-financement. « Manque de lits, de places… la prise en charge est précaire, c’est catastrophique. Pas rapport aux autres pays européens, on est au fond du panier. « Heureusement, on sous-estime de moins en moins la santé mentale, admet-il. C’était le cas avant, mais aujourd’hui, la plupart des partis en sont davantage conscients. »

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