Xi Jinping, Vladimir Poutine et Kim Jong Un se sont retrouvés à Pékin à l’occasion des 80 ans de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les trois dirigeants, réunis pour la première fois, voulaient faire passer un message d’«unité de façade», analyse Thierry Kellner, docteur en relations internationales et spécialiste de l’Asie.
L’image est historique: le président chinois Xi Jinping, son homologue russe Vladimir Poutine et le leader nord-coréen Kim Jong Un étaient réunis sur la place Tiananmen, à Pékin, pour assister à un défilé militaire géant célébrant les 80 ans de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Aucun dirigeant occidental de premier plan n’était dans l’assistance, où a toutefois pris place l’un des alliés européens de Vladimir Poutine, le Premier ministre slovaque Robert Fico.
Quel message veulent faire passer les dirigeants chinois, russe et nord-coréen à l’Occident en se rencontrant de la sorte?
En termes d’image, les trois pays veulent afficher leur unité. Du moins, une unité de façade. Chacun des trois chefs d’Etat a ses propres objectifs. Pour la Corée du Nord, qui est un pays sous sanctions et ostracisé par la communauté internationale, montrer qu’il est reçu en Chine dans la tribune d’honneur est un message diplomatique important. C’est la même chose pour la Russie, dont le président est en froid avec les pays occidentaux. Cela montre qu’elle a des alliés puissants et n’est pas si isolée que cela.
Lors du défilé au pas cadencé, lancé par des salves de canon, des milliers de participants ont entonné des chants patriotiques sur l’immense place Tiananmen pavoisée de drapeaux rouges et survolée par des avions et des hélicoptères, tandis qu’étaient présentés les derniers équipements militaires de Pékin. « La renaissance de la nation chinoise est inarrêtable et la noble cause de la paix et du développement de l’humanité triomphera assurément », a proclamé le président chinois.
Quant à la Chine, cet événement, de même que la tenue de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), montre qu’elle est capable de rassembler des Etats puissants sous son égide. Xi Jinping veut aussi montrer à la population chinoise qu’il a bien les rênes de l’armée en main, que le Parti communiste est toujours aussi puissant.
Que peuvent craindre les pays occidentaux de ce rapprochement?
La Chine veut valoriser un ordre international basé sur le multilatéralisme, le respect des règles du droit international, de la souveraineté des États, des frontières des Etats, de l’ONU… Toute une série de choses dont on a l’impression que Donald Trump veut s’écarter. C’est très contradictoire avec les actes de la Russie, plus proche de M. Trump que de ce monde multipolaire décrit par la Chine.

Cette réunion est avant tout une campagne de communication adressée à l’Occident pour lui signaler qu’un nouveau système international tout aussi puissant que le sien est possible. Xi Jinping veut tirer profit de la politique étrangère erratique de Donald Trump, de certaines de ses erreurs et de l’affaiblissement du système d’alliances américaines pour se positionner au centre de ce système alternatif.
C’est donc avant tout un message adressé au président américain? Peut-être même un moyen de le décrédibiliser sur l’échiquier international?
Xi Jinping veut surtout faire comprendre à Donald Trump que la Chine est une grande puissance, qu’elle n’est pas isolée et que le président américain pourrait avoir de mauvaises surprises s’il s’attaquait à Pékin. En fait, tout le monde capitalise sur les erreurs de politique étrangère de Donald Trump, qui a offert une très belle occasion à la Chine de s’afficher en leader mondial.
La présence de Kim Jong Un en compagnie de ses deux puissants voisins était une première. Jamais depuis son accession au pouvoir fin 2011, le dirigeant nord-coréen, qui limite les sorties hors de son pays reclus et soumis à de lourdes sanctions occidentales, ne s’est montré dans une telle réunion de dirigeants étrangers.
En participant à l’OCS, le Premier ministre indien Narendra Modi envoie-t-il le même message?
Les Etats-Unis, avec leurs droits de douane, ont pénalisé l’économie indienne. Sans parler de la proposition de Trump d’être médiateur sur l’épineuse question du Cachemire, laquelle a été mal accueillie. Tout ça a jeté un froid dans les rapports avec l’Inde. La présence de Modi à ce sommet de Shanghai, c’est un moyen de montrer aux États-Unis que l’Inde possède d’autres options malgré les tensions existantes avec la Chine.
(Avec AFP)














