Le secteur associatif craint que le budget 2026 de la Fédération Wallonie-Bruxelles ait préparé le terrain pour des suppressions en cascade dans les subsides dès 2027. Parallèlement à des centres d’études de partis politiques, des recours juridiques se préparent.
La Fédération des employeurs des secteurs de l’éducation permanente et de la Formation des Adultes (Fesefa) introduira un recours auprès de la Cour constitutionnelle une fois le budget 2026 de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) publié au Moniteur belge. La commission nationale permanente du pacte culturel sera également saisie. La Fesefa conteste l’article 103, qui revoit le financement de certaines associations, suspectées par le gouvernement Degryse de participer à un dévoiement d’une partie de leurs subsides vers des partis politiques.
Cette disposition du nouveau budget établit une liste de huit critères permettant de considérer une association comme étant trop proche d’un parti politique. Ces critères observent par exemple la mention d’un parti politique dans les statuts d’une association (ou vice-versa); la présence d’au moins 30% de membres actifs de personnes désignées par un parti au sein du conseil d’administration ou de l’assemblée générale du parti; la participation de l’association à un réseau international partisan; le versement d’une dotation en provenance d’un parti; le partage de locaux ou ressources humaines entre un parti et une association. Vient également, et c’est là que le secteur se sent visé, l’utilisation de couleurs ou éléments graphiques assignés à un parti, l’organisation d’événements conjoints (conférences, débats, colloques) avec des représentants du parti ou encore la mise en place de formations ou d’actions de mobilisation destinées aux membres d’un parti.
«Au lieu de maximiser les positions existantes pour ouvrir les débats, on les neutralise, déplore le président de la chambre éducation permanente de la Fesefa, Geoffrey Carly. La coalition Azur nous dit que seuls les partis politiques peuvent faire de la politique, finalement.»
Une bataille au niveau des centres d’études des partis politiques
En l’état, le texte voté ce mercredi au parlement de la FWB assure pourtant une reconnaissance renouvelée d’un an à une association qui répond à au moins quatre des critères énoncés. Normalement, les 280 associations d’éducation permanente en Fédération Wallonie-Bruxelles sont financées structurellement, via un décret. L’article 103 du budget de la FWB et ses huit critères font rentrer le financement de ces associations dans le cadre d’un arbitrage, selon la Fesefa. «Ces dispositions confondent prise de position politique et discipline partisane. Cela ouvre la porte à des « enquêtes idéologiques », à rebours de la promotion d’un débat pluraliste et démocratique.» D’où le recours juridique sur base de la loi du 16 juillet 1973, qui garantit les tendance idéologiques et philosophiques.
«Le secteur associatif est né des mouvements ouvriers qui se battaient pour leurs droits; c’est une action qui n’est, par définition historique, pas neutre.»
Le risque, prédit le secteur, est de voir venir une réforme transversale qui révisera entièrement les subventions au secteur de l’association permanente. Le budget 2026 de la FWB ferait alors office de test auprès de trois centres d’études de partis politiques: le centre Jean Gol pour le MR, l’Institut Emile Vandervelde pour le PS, et le centre Jacques Georgin pour DéFI. «Nous comptons beaucoup sur le bénévolat et le militantisme de la très grande communauté de membres du CJG constituée depuis 20 ans (pas tous nécessairement inscrits au MR) pour diffuser nos idées», affirme le directeur scientifique du centre Jean Gol, Corentin De Salle, qui se réjouit naturellement de la mesure. L’accueil est plus froid du côté de l’«IEV» ou du centre Jacques Georgin où, paraît-il, une action devant la Cour constitutionnelle ou le Conseil d’Etat n’est pas exclue, se dit-il. Il faut dire que si le financement de 130.000 euros par la FWB du centre d’études de DéFI venait à s’éteindre, ce serait la fin du centre Jacques Georgin, qui devrait compenser avec la dotation fédérale versée au parti en fonction du nombre de députés à la Chambre. Avec François De Smet comme seul élu, la dotation est maigre, et ne suffirait pas à combler le trou.
Degryse assure et rassure
«On est en train de créer un précédent avec les trois centres d’études, alerte Farah Ismaïli, directrice de la Fesefa. La suppression des financements aux associations d’éducation permanente pourrait être élargie dès la fin 2026.» C’est d’ailleurs ce qu’envisageait le MR dans une note de travail, parvenue au Vif en octobre dernier, qui vise à supprimer les subsides d’organisations comme l’Action Vivre Ensemble, Article 27, Présence et action culturelle, Soralia ou encore le MOC (Mouvement Ouvrier Chrétien). «Il est impossible de dissocier la vie associative de la vie politique, assure la présidente de la dernière organisation citée, Ariane Estenne. Le secteur associatif est né des mouvements ouvriers qui se battaient pour leurs droits; c’est une action qui n’est, par définition historique, pas neutre. Et nous faisons pleinement partie de la vie démocratique. Le nier, c’est bafouer le sens même de la vie associative.»
Lors de la défense de son budget au parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, la ministre-présidente Elisabeth Degryse (Les Engagés) a réaffirmé son attachement au secteur associatif et a dit comprendre l’opposition à cette mesure. L’ancienne mutualiste a garanti que seuls les centres d’études des partis politiques seraient concernés pour le moment. «Il est normal que nous subventionnions celles et ceux qui nous critiquent. Et je continuerai à faire en sorte qu’il en soit ainsi. Les seuls acteurs que nous touchons, ce sont ceux qui ont un lien direct avec les partis politiques. […] Il n’est pas question d’affaiblir le débat démocratique ni les corps intermédiaires, mais de mettre fin à la multiplication des financements publics pour des opérateurs directement liés à des partis et actifs lors des campagnes.» Les comptes seront faits le 1er janvier 2027, sauf si la Cour constitutionnelle ou le Conseil d’Etat viennent casser la mesure de la coalition Azur.














