dimanche, décembre 15

Les enfants de migrants obtiennent des résultats nettement moins bons dans des tests tels que PISA et Timms. Pourquoi? La migration peut-elle expliquer de la baisse du niveau d’éducation en Belgique? Deux spécialistes y voient d’autres explications. «Il est plus facile de stigmatiser certains groupes que d’admettre que l’on ne parvient pas à offrir un enseignement de qualité à tout le monde.»

Les résultats de l’enquête Timms (NDLR: pour Trends in International Mathematics and Science Study) de 2023 ne laissent guère de doute. Les enfants d’immigrés obtiennent généralement des résultats nettement moins bons que les enfants qui ne sont pas issus de l’immigration. Les résultats en mathématiques, par exemple. Les enfants de l’enseignement francophone non issus de l’immigration ont obtenu une moyenne de 486 points pour ce test, soit près de 40 points de plus que les enfants issus de l’immigration.

Il s’agit d’une différence importante, mais un facteur semble encore plus décisif. Les enfants dont les parents ont un statut socio-économique élevé obtiennent une moyenne de 533 points au même test, ce qui est nettement supérieur à la moyenne francophone de 481 points. Autre constat notable: le score de ces enfants «privilégiés» est supérieur de 92 points à celui des enfants dont les parents ont un faible statut socio-économique. 

Le sociologue de l’éducation de la VUB Bram Spruyt n’est pas vraiment surpris par ces résultats. «Nous savons, grâce à des recherches plus approfondies, que l’environnement socioculturel joue un rôle décisif dans le niveau de réussite des enfants. Ceux issus de milieux défavorisés peuvent moins compter sur les ressources et sont moins encadrés par les parents. En outre, ils grandissent dans un environnement où la maîtrise de la langue est, en moyenne, plus faible.» 

La Fédération Wallonie-Bruxelles n’est d’ailleurs pas la seule région où le milieu socio-économique pèse autant sur les résultats scolaires. Des différences similaires, voire beaucoup plus importantes, ont été enregistrées dans tous les pays européens qui ont participé à la dernière enquête Timms. 

Optimisme migratoire

L’influence de l’immigration varie en fonction des pays. En Lituanie, en Pologne, en Roumanie ou en Irlande, par exemple, les enfants de migrants réussissent en moyenne aussi bien, voire mieux, que les enfants qui n’ont pas de racines migratoires. «Cela ne me surprend pas non plus, déclare Bram Spruyt. On pourrait expliquer ces bons résultats dans d’autres pays par le phénomène de l’optimisme migratoire. De nombreux immigrés sont très attachés au progrès social, ils sont ambitieux et croient en l’importance de l’école comme moyen de progresser.»

Pourquoi cet optimisme porte-t-il alors beaucoup moins ses fruits en Wallonie et à Bruxelles? «Parce que la foi et l’ambition ne suffisent pas, à elles seules, à faire avancer les choses, soutient Bram Spruyt. Les conditions socioculturelles ont également un rôle décisif.»

Selon le sociologue, le fait que les enfants d’immigrés en Irlande ou en Pologne réussissent au moins aussi bien que leurs camarades autochtones n’a pas grand-chose à voir avec la politique d’intégration, mais a plutôt un lien avec l’histoire de l’immigration. «Les enfants d’immigrés en Belgique, en France ou en Allemagne ont un profil totalement différent de celui des enfants d’immigrés en Pologne, par exemple, indique-t-il. Dans notre pays, il s’agit toujours beaucoup d’enfants ou de petits-enfants de travailleurs non qualifiés originaires du Maghreb ou de Turquie. Les comparaisons avec l’Irlande ou la Pologne ne sont donc pas très probantes.»

Honnêtement, je connais peu de pays où les élèves sont punis pour avoir parlé leur langue maternelle dans la cour de récréation.

Orhan Agirdag

Professeur de pédagogie à la KU Leuven

Une observation qui n’est pas non plus anodine lorsqu’il est question du rôle de la langue parlée à la maison. Selon les résultats de l’enquête Timms, les enfants qui ne parlent «jamais» le français à la maison obtiennent en moyenne une vingtaine de points de moins que ceux qui le parlent toujours. Un score plus faible que celui qu’avancent les décideurs politiques comme l’une des explications de la baisse du niveau de réussite dans l’enseignement. Mais en est-ce vraiment le cas? 

La maîtrise du français, une priorité: vraiment?

Pour Orhan Agirdag, professeur de pédagogie à la KU Leuven, il existe d’autres explications. «Beaucoup de gens n’ayant pas été élevés dans l’une des langues du pays ont obtenu de très bons résultats à l’école, assure-t-il. La ministre flamande de l’éducation Zuhal Demir (N-VA) n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Les mauvais résultats s’expliquent principalement par le fait que les élèves défavorisés ou de langue étrangère reçoivent un enseignement de moindre qualité. Les performances d’apprentissage des élèves dépendent de la qualité de l’enseignement. Et par bonne éducation, j’entends: un enseignement dispensé par des enseignants en nombre suffisant et bien formés. Un enseignement qui s’adapte aux enfants et qui sait gérer la diversité culturelle. La Belgique a encore un long chemin à parcourir dans ce domaine. Honnêtement, je connais peu de pays où les élèves sont punis pour avoir parlé leur langue maternelle dans la cour de récréation.»

Orhan Agirdag est convaincu que mettre autant l’accent sur le français ou le néerlandais est inefficace. «Aujourd’hui, l’idée dominante est que l’écart entre les résultats scolaires est dû à la différence de langue parlée à la maison. C’était déjà le cas lorsque Frank Vandenbroucke (Vooruit) était ministre flamand de l’éducation (NLDR: entre 2004 et 2009). Ce dernier avait alors déclaré qu’il n’avait que trois priorités: « Le néerlandais, le néerlandais et le néerlandais. » Depuis, la politique est devenue de plus en plus radicale, stigmatisant les autres langues, sans pour autant voir une amélioration des résultats. Il est peut-être temps de comprendre que cela ne fonctionne pas. Bien sûr, c’est difficile. Il est beaucoup plus facile de stigmatiser certains groupes que d’admettre que l’on ne parvient pas à offrir une éducation de qualité à tous.»

Les enfants dont les parents ont de bonnes connaissances linguistiques apprennent généralement le français très rapidement. La langue parlée par ces parents n’a alors plus d’importance.

Bram Spruyt

Sociologue de l’éducation de la VUB

Bram Spruyt n’est pas non plus convaincu par l’idée selon laquelle une «langue maternelle différente» expliquerait les moins bons résultats scolaires de certains élèves. «La question n’est pas tant de savoir quelle langue les enfants parlent à la maison, mais plutôt de savoir quel est leur niveau de maîtrise de la langue d’accueil, estime-t-il. Si les enfants de langue étrangère obtiennent de moins bons résultats à ces tests, c’est peut-être avant tout parce que leurs parents ne maîtrisent pas très bien leur propre langue maternelle. Tout comme les enfants nés en Belgique et issus de familles défavorisées obtiennent de moins bons résultats parce que leurs parents maîtrisent moins bien la langue», poursuit le sociologue.

«J’ai supervisé un doctorat qui portait précisément sur ce sujet. Il en ressort que certains enfants de migrants apprennent la langue d’accueil très rapidement, tandis que d’autres éprouvent beaucoup plus de difficultés. La différence réside dans les aptitudes, mais surtout dans l’environnement familial. Les enfants dont les parents ont de bonnes connaissances linguistiques apprennent généralement la langue très rapidement. La langue parlée par ces parents n’a alors plus d’importance.» 

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