mercredi, avril 2

Pas évident de faire face à l’envolée des prix des maisons et des appartements quand on n’a qu’un seul salaire. Pour autant, acquérir un bien en solo n’est pas mission impossible.

Vivre seul n’est plus une exception. Au contraire. Les célibataires constituent les ménages les plus nombreux: 36% en 2024, selon Statbel, l’Office de statistique. Si on y rajoute les 10% de ménages monoparentaux, 46% d’adultes doivent se débrouiller avec un seul revenu. Et ce n’est pas sans conséquence sur le logement…

D’après les agents immobiliers, les célibataires sont peu nombreux à l’achat. «Chez nous, ils représentent 20% des acquéreurs», estime Nicolas Watillon, le gérant de Proxigest, une agence active à Namur. «Les célibataires sont une minorité à acheter, confirme Emmanuel Deboulle, responsable développement Wallonie pour le réseau d’agences ERA. Pour beaucoup, le passage par la case location est incontournable, le temps de se constituer un capital et de pouvoir solliciter un prêt. Chez les jeunes, cette étape est de plus en plus remplacée par un séjour prolongé chez les parents…»

31%

des preneurs de crédits hypothécaires chez BNP Paribas Fortis étaient des personnes seules.

Caroline Lejeune, présidente de Federia, la Fédération des agents immobiliers francophones de Belgique, distingue, elle, plusieurs profils: «Il y a le jeune âgé de 25à 30 ans qui a un premier emploi et surtout bénéficie d’une aide parentale. Lui peut acheter dès le départ un bel appartement. Ensuite, il y a la personne seule, un brin plus âgée, qui préfère la colocation pour des questions de vie sociale et de liberté de mouvement. Elle n’est pas attirée par l’achat. Il y a aussi les quadra séparés ou divorcés. Eux disposent d’un certain capital leur permettant d’envisager un rachat. Enfin, il y a la famille monoparentale, souvent sans fonds propres et qui reste dans la location.» Du côté des banques, des chiffres existent, un peu plus favorables. En 2024, les personnes seules représentaient 31% de tous les preneurs de crédits hypothécaires chez BNP Paribas Fortis, le leader du marché. Leur âge moyen: 38 ans.

Quel type de bien est-il possible?

«Les personnes seules privilégient souvent les appartements (studios, ou une ou deux chambres) en raison de leur budget et de leur besoin d’espace plus réduit», diagnostique Kim Ruysen, le CEO du réseau d’agences Trevi. Même constat chez les notaires. «Les célibataires sont minoritaires dans les achats de maisons: à peine 30% à 40% des actes, pointe Renaud Grégoire, le porte-parole de la fédération Fednot et notaire à Wanze. Dans les appartements, c’est l’inverse. Ce sont ceux qui achètent le plus: environ 60%.»

Autre caractéristique: leurs exigences sont plus contenues que celles des couples où chacun émet ses désirs. Les statistiques des crédits octroyés par BNP Paribas Fortis montrent que les personnes seules achètent en moyenne moins cher (172.000 euros de prêts en moyenne en 2024 contre 199.000 euros pour les couples) et plus longtemps (246 mois de durée remboursement contre 238). Et l’immobilier neuf? En Belgique, celui-ci est surtout trusté par les investisseurs et les familles. Le budget est, il est vrai, encore plus conséquent. «Ou il s’agit aussi de veufs et veuves qui revendent leur maison pour vivre en appartement, précise David Beghin, responsable des ventes chez Thomas&Piron Bâtiment. Ou des cadres avec de bons moyens qui tablent sur une plus-value à long terme.»

«Acquérir le plus tôt possible un bien abordable est la meilleure des stratégies.»

Pour quel budget?

Fin 2024, en Belgique, une maison se négociait en moyenne à 329.000 euros et un appartement à 271.000 euros, selon le Baromètre des notaires. Les différences régionales sont fortes. Un appartement s’échange à 290.000 euros à Bruxelles et à 171.000 euros dans le Hainaut. Pour financer ces achats, passer par la case «emprunt» est incontournable. C’est ce qu’a fait Philippe. Après quelques années de travail, le trentenaire, employé, a réuni un petit capital lui permettant de négocier auprès de son banquier. «C’était au début de 2022, les taux d’intérêt étaient au plus bas, à 1,6%, raconte-t-il. Sans cela, devenir propriétaire aurait été plus compliqué.»

En général, les banques demandent un apport personnel allant de 10% à 20% de la valeur du bien convoité. Cette part doit, au minimum, couvrir les frais: droits d’enregistrement, honoraires du notaire, etc. Les banques regardent ensuite les revenus du demandeur. La règle veut que 30% à 40% du salaire soit consacré au remboursement d’un prêt. Pas au-delà.

Une acquisition plus difficile aujourd’hui?

Oui, mais cela pourrait changer. Trois évolutions ont joué négativement jusqu’ici. Un: emprunter 100% de la valeur du bien n’est plus possible, sauf exceptions. Deux: les salaires et les prix de l’immobilier n’évoluent pas au même rythme. Selon la banque Belfius, entre 2005 et 2020, le revenu disponible des ménages a pris 53% et l’immobilier 75%. Si les acquéreurs ont pu suivre, c’est en s’endettant davantage et plus longtemps (21 à 25 ans est le plus commun). Trois: les obligations de rénovation en cas d’achat de bien à faible PEB vont entrer en vigueur en Wallonie le 1er juillet 2026. Les biens les mieux isolés renchérissent déjà.

A contrario, deux évolutions récentes sont positives. D’abord, les taux d’intérêt restent attractifs, même s’ils sont un peu plus élevés que durant la période dorée de 2014-2022. Ils s’élèvent à 3% en moyenne. Ensuite et surtout, les droits d’enregistrement en Wallonie sont tombés à 3% sur tous les biens depuis janvier. La mesure facilitera considérablement la vie des candidats-acquéreurs.

Les conseils des professionnels

Acheter par étapes est «la» recommandation faite par tous les intervenants. «Acquérir le plus tôt possible un bien abordable est la meilleure des stratégies, assure Renaud Grégoire (Fednot). Après un certain temps, il pourra être revendu avec une plus-value. Cela permettra d’envisager un logement plus spacieux et de monter en gamme. Attendre de réunir une somme avant d’acheter est la pire action, car l’immobilier progressera toujours plus vite que la capacité de chacun à épargner.» Caroline Lejeune (Federia) résume l’enjeu en une formule: «Posséder un bien immobilier, c’est un rempart contre la pauvreté à 60 ans.»

Trois options pour faciliter son achat

Souscrire un prêt hypothécaire social

Le prêt social permet aux personnes refusées par les banques, d’emprunter malgré tout. Ce sont les Régions qui prennent leur relais. Pour les célibataires, il s’agit de la Société wallonne du crédit social (SWCS) et du Fonds du logement de la Région de Bruxelles. Le taux est fixé en fonction des revenus. Au sud du pays, cela démarre à 2,75%. La durée peut être plus longue. Toutefois, le demandeur doit remplir des conditions. «En 2024, la SWCS a octroyé 1.840 prêts sociaux, précise son porte-parole, Damien Trefois. Dans 65% des cas, les bénéficiaires gagnaient moins de 26.000 euros par an. Dans 72% des cas, ils avaient moins de 35 ans.»


La tiny house, une alternative à l’immobilier classique. Seulement 18m2 mais tout confort et un prix imbattable: à partir de 50.000 euros.
TINY-HOME.BE

Opter pour une tiny house

Vivre dans 18 m2, pourquoi pas? «C’est petit mais la construction est soignée: ossature bois, double vitrage, bardage, cuisine et sanitaires classiques…», insiste Jean-Yves Monsez, gérant de tiny-home.be, un fabriquant basé à Houyet et qui vend entre 20 et 30 exemplaires par an. Le prix est accessible pour une personne seule: entre 50.000 et 80.000 euros. Le précompte immobilier est inexistant. Les frais énergétiques sont réduits. En revanche, il faut un terrain où la poser. Christine a fait ce choix. Le budget, plus accessible, a joué dans sa décision, mais aussi son projet de vie. «Après une formation en maraîchage, je compte installer ma tiny en bordure de champs. Le fait de pouvoir poser mon logement sur une remorque et de le déplacer si besoin m’a aussi séduite.»

Choisir l’habitat alternatif

Différentes formes existent: habitat kangourou (un retraité partage sa maison avec un étudiant), habitat groupé (des familles et individus occupent un ensemble de bâtiments), maison Abbeyfield (des retraitées font de la colocation)… A chaque fois, des formules à la location ou à l’achat se rencontrent. «La démarche doit être à la base sociale et non financière, prévient Pascale Thys, la directrice de l’asbl Habitat & Participation qui encadre de telles initiatives. Ceci étant, il est possible qu’un habitat groupé revienne moins cher. Car il y a des pièces communes, des espaces plus grands, des économies d’échelle en cas de travaux…»

 

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