mardi, janvier 21

Le délai de prise en charge des patients peut varier énormément dans un service d’urgence. Les hôpitaux font tout pour réduire ce temps d’attente, mais appellent aussi les patients à ne pas se présenter inutilement s’il existe des alternatives, comme le médecin traitant ou de garde. La période hivernale actuelle est particulièrement chargée, partout. Comme chaque année.

L’épidémie de grippe qui sévit en ce début d’année 2025, en Belgique, a des répercussions bien visibles sur la charge de travail des services d’urgence des hôpitaux et cliniques. Le nombre de patients se présentant augmente partout, ce qui allonge d’autant les délais de prise en charge. «La durée exacte d’attente aux urgences reste difficiles à évaluer, car elle dépend de nombreux facteurs. L’épidémie actuelle de grippe impacte évidemment le service, mais tous nos patients ont un premier contact avec un soignant dans les 15 minutes suivant leur arrivée», synthétise un établissement de soin du Hainaut parmi la dizaine sondée par Le Vif, à Bruxelles et en Wallonie.

D’autres hôpitaux donnent un premier créneau autour de 20 minutes, dans lequel s’effectue une appréciation de la situation avec une infirmière ou un infirmier pour «trier» le patient, en jugeant la criticité de son état. C’est seulement ensuite que le temps d’attente aux urgences augmente parfois grandement pour le traitement de la pathologie, recevoir des résultats d’examens ou pour une hospitalisation effective. Sauf en cas d’urgence absolue évidemment.

«Les patients qui se présentent aux urgences ne comprennent pas toujours que l’ordre d’arrivée ne détermine pas l’ordre de prise en charge. Lorsque la vie d’un patient est en jeu, en cas d’AVC, d’arrêt cardiaque, d’hémorragie importante par exemple, il sera pris en charge immédiatement et passe en priorité. Pour les pathologies moins graves, si l’attente n’a pas d’impact sur le développement de la maladie ou de la blessure, les délais peuvent s’allonger parfois jusqu’à plusieurs heures et vont dépendre des disponibilités, tant du personnel soignant que des salles et lits. Notre but reste bien évidemment de sauver des vies», détaille Geneviève Christiaens, médecin chef du CHU de Liège.

Le tri par couleur

Plusieurs centres hospitaliers utilisent un code à plusieurs couleurs, fonction de l’urgence de la situation médicale des patients. Ce code peut être communiqué soit via des affiches dans la salle d’attente et/ou attribué directement aux personnes présentes. Cela permet en général de clarifier certains critères de prise en charge prioritaire, comme l’arrivée en ambulance, l’envoi d’un patient aux urgences par son médecin généraliste etc. Un temps d’attente maximal est parfois précisé, afin de fixer le patient sur ce qui l’attend. Le message reste néanmoins à l’indulgence. La seule chose prévisible aux urgences semble être l’imprévisibilité.

Cependant, la période hivernale reste habituellement et de façon attendue plus chargée. «Le phénomène de grippe saisonnière porte bien son nom et ce n’est pas anormal d’avoir une pression supérieure dans les services d’urgence à cette période de l’année. D’autres affections respiratoires sévissent aussi, qui amènent plus de malades dans nos services et qui peuvent toucher aussi le personnel soignant, malade à son tour. Nous sommes en plein dans la période la plus chargée, c’est certain», détaille Alexandre Hebert, directeur général aux affaires médicales de Vivalia, groupe hospitalier actif dans la province de Luxembourg.

Dans l’implantation de Libramont, des interventions non urgentes ont dû être reportées à cause d’une surcharge actuelle. Des transferts vers d’autres implantations peuvent également être programmés lorsqu’une surcharge survient, comme avec une épidémie. La surveillance de la grippe a d’ailleurs justifié le passage au code orange dans les hôpitaux, début janvier, avec le retour de mesures déjà vues lors du Covid: port du masque chirurgical au contact des patients, davantage de masques et de gel hydroalcoolique mis à disposition du public avec une action de sensibilisation, et des impacts sur les visites en milieu hospitalier, désormais déconseillées en cas de symptômes grippaux, entre autres.

Ne pas sauter la case généraliste

Selon les derniers chiffres de Sciensano, le pic épidémique reste à franchir et pourrait intervenir dans une dizaine de jours. En attendant, les services d’urgence tiennent à rappeler quelques fondamentaux. «Si l’état de santé général reste satisfaisant, que l’on est une personne jeune, sans comorbidité connue, un état grippal ne doit pas mener aux urgences. On consulte en priorité son médecin traitant, insiste Alexandre Hebert. En cas de difficultés respiratoires ou si l’on est à risque, évidemment les urgences sont là

La population a parfois tendance à privilégier le milieu hospitalier, pour les spécialistes disponibles ou le matériel à disposition, «mais pour valider une suspicion de grippe, le frottis nasal, comme pour le Covid, peut se faire chez son médecin. Même si les généralistes sont également débordés», convient le docteur Hebert.

Plusieurs établissements remontent clairement une même surcharge «évitable» de patients, celles et ceux qui foncent aux urgences pour des «bobos» qui peuvent attendre, qui seront tout aussi bien pris en charge ailleurs. Tant chez le médecin de famille que dans un service de médecine de garde, lorsqu’il n’y a pas d’urgence. «La pénurie de soignants est généralisée, pas seulement dans les services d’urgence. Il y a notamment eu un découragement visible après la période Covid. Ceux qui restent sont d’autant plus surchargés de travail et certains lits restent fermés à cause du manque de personnel. Aux urgences, le fonctionnement est d’autant plus à flux tendu et le public peut aider s’il explore d’autres pistes pour des cas non urgents», ajoute la directrice médicale du CHU de Liège.

Outre l’épidémie de grippe, la neige et le verglas, qui se sont invités depuis quelques jours sur le pays, ajoutent également à la charge: accidents et chutes sont d’autant plus nombreux et font remonter plus de blessés aux urgences.

Quelle satisfaction sur le temps d’attente aux urgences?

Si le temps d’attente aux urgences reste donc un sujet complexe, sujet à de nombreux aléas, les hôpitaux travaillent régulièrement sur la satisfaction perçue du service. Des questionnaires d’évaluation sont disponibles directement sur plusieurs sites internet de cliniques et d’hôpitaux, afin de faire remonter les avis des patients. Des sociétés externes sont également sollicitées pour cela.

«Une analyse est fournie chez nous par le service qualité, qui remonte le positif, car les équipes vivent dans un environnement parfois lourd émotionnellement et en ont bien besoin, mais aussi les points d’amélioration, dans un esprit constructif. Sur le temps d’attente aux urgences évidemment, il est normal que cela semble toujours trop long pour le patient», reconnaît Alexandre Hebert.

Fin 2024, Testachats a publié les résultats d’une enquête sur les services d’urgences en Belgique, jugeant, outre le temps d’attente, la qualité de la prise en charge. Avec un bilan «globalement satisfaisants» pointe l’association de défense des consommateurs, 54% des répondants se disant «très satisfaits»  de leur prise en charge. L’association ajoute que l’enquête «met cependant en lumière des disparités notables entre les établissements en termes de temps d’attente, de communication médicale et de compétence perçue de l’équipe des médecins.»

Le coup de sonde dévoile des délais moyens entre 26 et 46 minutes pour le premier contact avec un médecin, la durée étant inversement proportionnellement à la gravité du cas. Le temps exact d’un passage par les urgences étant lui plus long, autour de trois heures, toujours selon Testachats, dans une plus ancienne étude de 2019. Des délais qui dépendront dans les faits de multiples facteurs. Le seul influençable par le public étant d’éviter de remplir sans réelle nécessite des services qui ne désemplissent pas.

Partager.
Exit mobile version