dimanche, septembre 8

Les blouses blanches ne digèrent pas la réforme du ministre de la Santé qui crée une nouvelle catégorie d’infirmiers moins formés. Danger pour la qualité des soins et la sécurité des patients ?

Décidément, le torchon brûle encore et toujours entre le ministre fédéral de la Santé et les infirmiers. Le Covid avait permis de se rendre compte à quel point la profession était en souffrance. C’est pire aujourd’hui, un an après la fin déclarée de la pandémie. Les burn-out et les démissions de blouses blanches se sont multipliés partout dans le pays. La pénurie d’infirmiers est inquiétante. Elle menace la bonne marche des hôpitaux, obligés de fermer des services y compris dans des unités de soins intensifs, en raison du manque de personnel. Pour lutter contre cette pénurie inédite dans l’histoire hospitalière de notre pays et rendre le métier plus attractif, Franck Vandenbroucke (Vooruit) a préparé une réforme de la profession. Si l’idée globale est louable, un point du projet du ministre fâche: celui qui introduit une nouvelle catégorie professionnelle de la santé : les assistants en soins infirmiers.

Un retour en arrière absurde

Ceux-ci seront formés en 3800 heures sur une période de trois ans dans l’enseignement supérieur professionnel, alors que les infirmiers responsables en soins généraux le sont en 4600 heures sur une période de quatre ans pour les bacheliers et de 3,5 ans pour les brevetés. Depuis 2016, la formation des infirmiers, initialement de trois ans, avait été revue à la hausse. Il s’agissait d’une exigence européenne dont l’objectif était d’améliorer le niveau de formation pour permettre aux infirmiers d’exercer partout au sein de l’UE et pour améliorer la qualité des soins et donc la sécurité des patients. Pour les associations de blouses blanches, la création de la catégorie « assistant en soins infirmiers » ressemble furieusement à un retour en arrière absurde. Vandenbroucke veut en effet modifier la loi sur les hôpitaux pour inclure les « assistants » dans la définition générique d’« infirmier ». Cela permettrait d’intégrer les assistants en tant qu’infirmier dans les normes hospitalières, craignent les représentants de la profession.

Explication : « La loi prévoit des normes concernant le nombre de patients pris en charge par un infirmier ou une infirmière, rappelle Arnaud Bruyneel, lui-même infirmier et doctorant en Santé publique à l’ULB. C’est variable en fonction des services. Le rapport est moindre, par exemple, en soins intensifs. Avec la réforme du ministre, on pourrait intégrer dans ces normes un infirmier ou un assistant – moins formé – y compris en soins intensifs. Cela va à l’encontre la recherche académique qui, il y a dix ans déjà, a établi un lien entre la qualification des infirmières et la qualité des soins. Cela a été confirmé par une récente recherche qui regroupe 12 études dans plusieurs pays. Autrement dit, si on augmente de 10 % le nombre d’infirmières avec un niveau de bachelier, cela permet de réduire la mortalité à l’hôpital de 7 %. A contrario, on sait maintenant avec certitude que lorsqu’il n’y a pas assez d’infirmiers et quand ceux-ci ne sont pas suffisamment formés, cela augmente les complications, notamment les infections nosocomiales, associées aux soins, et donc la mortalité mais aussi les séjours en hôpital.»

Modernisation de la profession

Avec des coûts en plus pour la Sécurité sociale. Une seule journée en soins intensifs coûte 2 000 euros. Si, outre la diminution de la pénurie, le calcul du ministre est de faire des économies en intégrant dans les normes infirmier/patients les assistants en soins infirmiers dont le barème salarial sera moins élevé qu’un infirmier en soins généraux, cela risque de ne pas fonctionner à moyen et long terme. La Suisse qui a réalisé un même type de réforme dans ses hôpitaux est déjà revenue en arrière… 

En janvier dernier, l’Union générale des infirmiers de Belgique (UGIB) a introduit un recours devant la Cour constitutionnelle pour que soit annulés les paragraphes de la loi du 28 juin 2023 relatifs au nouveau statut d’assistant. Une manifestation nationale est également annoncée dans les rues de la Capitale, le 21 mars prochain. Tout cela annonce une fin de législature houleuse pour Vandenbroucke qui a pourtant déclaré en janvier dernier : « Grâce à cette nouvelle manière d’envisager l’art infirmier et à la nouvelle échelle de soins, nous réalisons une modernisation globale de la profession infirmière et faisons en sorte que les infirmières et infirmiers puissent se concentrer sur leurs compétences essentielles. Nous faisons entrer la profession dans le 21e siècle ». Pas sûr que son analyse soit partagée sur le terrain.

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