Le 1er avril (ce n’était pas une blague), le tribunal de Louvain a reconnu un étudiant en gynécologie coupable de viol, mais ne l’a pas condamné, pour ne pas hypothéquer son avenir…
Cinquante-deux pour cent. Plus d’une plainte sur deux pour violences sexuelles est classée sans suite en Belgique. Essentiellement par manque de preuves. Alors si, d’abord, la police avait décidé d’investiguer, puis si, ensuite, le parquet avait décrété de poursuivre et, enfin, si un juge s’est résolu à le déclarer coupable, il est raisonnable de penser que le dossier contre ce jeune homme s’avérait solide.
Vingt-quatre ans, le jeune homme. Etudiant en médecine à l’UZ Leuven. Participant, en 2023, à une fête d’Halloween. Il y rencontre une fille, la ramène chez lui, couche avec elle. Alors qu’elle est tellement ivre qu’elle en est devenue inconsciente. Un viol «grave et inacceptable», a commenté le tribunal. Sans que le juge n’estime nécessaire de prononcer une peine à son encontre. Ou de lui imposer des mesures probatoires. Suspension du prononcé, terminé bonsoir.
Un coupable au casier judiciaire vierge, donc, ce qui en théorie lui permettra un jour d’exercer la médecine. Fallait pas hypothéquer son avenir, enfin! Le prévenu présente tout de même une «personnalité favorable». Puis, bon, c’est «une personnalité talentueuse et engagée, tant dans sa vie professionnelle que privée», dixit le jugement. Tout va bien, alors. Il n’aurait pas fallu «l’affaiblir socialement» et compromettre une brillante carrière… de gynécologue.
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Tant pis pour ses futures patientes qui ignoreront qu’elles écartent les jambes face à un type qui, un soir, n’a pas hésité à forcer l’accès à celles d’une jeune fille inconsciente pour y fourrer son pénis. Un acte qui, apparemment, ne mérite même pas une condamnation à un suivi psychiatrique.
Les enfants méritent protection. Mais les femmes…
Serait-il acceptable, par exemple, qu’un gars se destinant à devenir instituteur soit reconnu coupable de viol sur mineur mais ne soit pas condamné, histoire de ne pas l’empêcher d’exercer un jour ce beau métier, parce que bon, si «talentueux», si «engagé» (il est même moniteur scout!), il présente une «personnalité favorable»? Non. Evidemment que non. Les enfants méritent protection. Mais les femmes…
Les femmes, c’est pas si grave, n’est-ce pas, Monsieur le juge? Les viols, les agressions, les attouchements, c’est pas si grave; voilà ce que répète ce jugement du tribunal du Brabant flamand, rendu le 1er avril. C’est pas si grave de «déconner» (surtout pour un gamin de bonne famille, coucou la justice de classe!). C’est pas si grave, tel est le message envoyé à la société. Parfaitement reçu par tous ceux qui continuent à abuser en toute impunité.
«Il faut que la justice diffuse un message clair et qu’on arrête d’attribuer des sanctions dérisoires, alertait la docteure en psychologie et spécialiste des comportements criminels Danièle Zucker, dans ces pages, en 2021. Tant qu’on continuera à croire que le viol est un jeu qui a mal tourné, un accident, on n’avancera pas. Il faut intégrer le fait qu’il s’agit d’un acte intentionnel et récidiviste par nature, puisque plus de 70% des auteurs repassent à l’acte.»
Vraiment, aucun problème à ce qu’un gynécologue violeur palpe des vagins à longueur de journée…
Le parquet de Louvain a fait appel du jugement. L’UZ Leuven et la KU Leuven ont, dans la foulée, suspendu l’étudiant par mesure de précaution. Son sort estudiantin définitif sera jugé plus tard. Quand l’agitation médiatique sera retombée? Sur les réseaux sociaux, le nom du condamné a été diffusé. Regrettable. Mais lorsque la justice pue tellement le laxisme, peut-on réellement blâmer cette tentative de lutte contre l’impunité?
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La sacrée paire de Mélanie Geelkens | Reconnu coupable d’un viol, mais pas condamné grâce à sa «personnalité talentueuse et engagée» appeared first on Le Vif.