BMW et Toyota viennent de signer un accord de coopération pour le développement de systèmes de piles à combustible de troisième génération et l’amélioration des infrastructures existantes. Le but: promouvoir l’hydrogène. Mais cette énergie a-t-elle encore un avenir?
En 2010, les constructeurs automobiles assuraient qu’en 2020, les voitures fonctionnant à l’électricité et à l’hydrogène représenteraient 10% des parts de marché. Une promesse non tenue puisqu’il est rapidement apparu évident que les marques automobiles sous-estimaient les coûts pour en faire une alternative viable au moteur à combustion classique.
Cette transition est nécessaire pour ralentir la progression du changement climatique. Les conséquences du réchauffement planétaire atteignent des proportions dramatiques, source de nombreuses souffrances humaines et de dégâts matériels s’élevant à plusieurs milliards.
Hydrogène ou électrique: chacun ses forces et ses faiblesses
Sous la pression de l’opinion publique et des études scientifiques, les politiques ont imposé aux constructeurs automobiles des objectifs de réduction de CO2 plus stricts, et le zéro émission n’est possible qu’avec une voiture électrique ou à hydrogène, les deux modèles présentant des avantages et des inconvénients.
Une voiture électrique tire son énergie d’une batterie chargée sur secteur, ce qui n’est pas évident pour ceux qui ne peuvent pas recharger à la maison ou au travail. Une voiture électrique a également une autonomie assez limitée et la recharge prend un temps relativement long.
Faire le plein d’hydrogène haute pression et le stocker dans les réservoirs de la voiture ne prend que quelques minutes, mais nécessite des équipements de sécurité spécifiques. L’hydrogène (H2) est un gaz inodore et incolore créé par électrolyse, un processus chimique qui divise l’eau et l’oxygène en faisant passer l’électricité à travers eux. Contrairement au gaz naturel ou à l’eau, l’hydrogène n’est pas présent librement dans la nature. Il doit être produit et n’est pas une source d’énergie mais un vecteur énergétique.
Selon la manière dont l’hydrogène est produit, on parle d’hydrogène gris ou vert, le premier étant produit à partir de gaz naturel ou de charbon. Cela libère du CO2, rendant l’hydrogène gris non durable.
L’hydrogène vert est quant à lui produit par de l’électricité verte provenant d’une source d’énergie durable telle que l’eau, l’énergie éolienne ou solaire. Ce qui signifie qu’une voiture à hydrogène fonctionnant à l’hydrogène vert peut revendiquer le label durable. En revanche, les coûts de production sont plus élevés et cette énergie doit être utilisée immédiatement, là où l’hydrogène gris peut être stocké dans des réservoirs spéciaux. Cela entraîne potentiellement une perte importante d’énergie. Pour s’en convaincre, il suffit de penser aux éoliennes qui fonctionnent la nuit, alors qu’il y a peu de demande à ce moment-là.
Dans des pays comme l’Australie, le Chili, la Chine, le Maroc, les Pays-Bas et la Norvège, l’hydrogène fait l’objet d’importantes discussions en raison de la capacité à produire facilement une énergie durable et bon marché provenant de l’énergie solaire, éolienne et hydroélectrique. Les Néerlandais ont notamment beaucoup de savoir-faire et d’expérience dans le domaine de la technologie du gaz et de l’électrolyse. Avec la mer du Nord à ses portes, la Belgique dispose également d’un grand potentiel en la matière.
Réapprendre à faire un plein
Vu ces considérations, quel avenir se dessine pour la voiture à hydrogène? Pendant la conduite, une pile à combustible convertit l’hydrogène en électricité, ce qui entraîne une perte d’énergie relativement importante. Cette pile se compose de deux chambres séparées par une membrane électrolytique polymère (PEM). Une chambre contient de l’hydrogène, l’autre de l’oxygène. Les deux disposent d’une électrode: une négative (anode) côté hydrogène, et une positive (cathode) côté oxygène.
L’anode agit comme un catalyseur, provoquant la décomposition de l’hydrogène en protons (ions hydrogène chargés positivement) et en électrons. Ces derniers sont repoussés par l’anode. Mais comme ils peuvent s’échapper à travers la membrane vers l’autre pièce, ils sortent vers la cathode via un fil électrique. Ce courant circulant dans le fil est utilisé pour entraîner le moteur électrique. Les ions hydrogène chargés positivement peuvent glisser à travers la membrane et se connecter à la cathode avec les électrons qui traversent l’anode. De cette façon, après connexion avec l’oxygène, le seul déchet de la pile à combustible est l’eau.
Les détracteurs de la voiture à hydrogène estiment que faire le plein d’hydrogène coûte plus cher que via une recharge électrique, et que notre pays compte à peine huit stations-service à hydrogène. Cette rareté est liée au prix élevé qu’il faut débourser pour construire une telle station-service: d’un à un million et demi d’euros. Investir dans ces stations-service n’est pas une entreprise rentable étant donné qu’il n’y a qu’une poignée de Toyota Mirai et de Hyundai Nexo circulant en Belgique. De plus, ce dernier modèle ne peut plus être commandé pour le moment, son successeur devant arriver en 2025, à un prix encore inconnu. La Toyota Mirai est toujours disponible, mais est vendue pour 84.290 euros.
Les deux modèles ont à peu près la même autonomie qu’une voiture diesel ou essence comparable, mais la différence de prix est énorme, d’où une absence de la demande. Officieusement, il se murmure que Toyota et Hyundai perdent plus d’argent qu’ils n’en gagnent sur leurs modèles à hydrogène. De manière similaire, les voitures purement électriques ne sont pas des vaches à lait: les coûts de développement sont trop élevés, la demande trop faible.
Une deuxième chance pour l’hydrogène
Alors qu’il y a quinze ans, il semblait y avoir une course entre les voitures électriques et à hydrogène, les politiques y ont mis un terme en donnant la priorité aux voitures électriques au lendemain du Dieselgate. Cela a provoqué beaucoup de tensions parmi les constructeurs automobiles. Ils affirment avoir été mis à l’écart par des fonctionnaires sans la moindre connaissance de la question.
En conséquence, cette course n’a jamais eu lieu et de nombreuses marques ont temporairement suspendu le développement de la technologie de l’hydrogène pour les voitures particulières. Mais pas pour le transport de marchandises par route, rail et eau. Pour des raisons évidentes: puisque l’hydrogène peut être fabriqué à partir d’une grande variété de matériaux et de substances, il n’y a aucune crainte de pénurie, surtout que cette ressource peut être facilement stockée et transportée. Le problème est que la taille des réservoirs d’hydrogène de la voiture détermine l’autonomie, et qu’une voiture particulière de petite ou moyenne taille a peu de place pour accueillir ce type de dispositif. Dans un gros camion ou un autocar, cette question se pose beaucoup moins.
Le fait que BMW et Toyota viennent de conclure un nouvel accord de coopération pour le développement d’une nouvelle génération de piles à combustible et l’amélioration des infrastructures existantes indique que la voiture à hydrogène aura une seconde chance. Toyota en particulier a annoncé que la prochaine génération de voitures à pile à combustible coûterait la moitié du prix.
Par ailleurs, un nouveau domaine d’application semble sur le point d’apparaître. Selon les spécialistes, l’injection d’hydrogène dans les moteurs à combustion offre de nouvelles possibilités. Les premiers résultats indiquent que l’hydrogène peut devenir un concurrent des carburants synthétiques, appelés e-carburants, qui font actuellement l’objet de nombreuses discussions.
Une conduite améliorée ou différente?
Une voiture à hydrogène roule-t-elle différemment ou mieux qu’une voiture électrique? Par rapport à la première génération de la Toyota Mirai, la pile à combustible, plus compacte, ne se trouve plus dans le plancher du véhicule mais sous le capot, et le nombre de réservoirs d’hydrogène est passé de deux à trois. En conséquence, le volume de carburant est passé de 4,6 à 5,6 kilos.
Toyota promet une autonomie de 650 kilomètres, ce qui est une prévision très optimiste. Dans des conditions de conduite et météorologiques normales, elle oscille autour de 500 à 550 kilomètres. La Mirai obtient donc de meilleurs résultats qu’une voiture électrique comparable.
Avec une puissance de 134 kW (182 ch), cette voiture roule en douceur et confortablement, en partie grâce à une répartition idéale de son poids et à la propulsion arrière. Le tableau de bord avec un large écran tactile central et quelques touches de raccourci physiques semble original et fonctionnel. Le conducteur et le passager avant disposent de beaucoup d’espace, mais l’emplacement prévu pour la tête à l’arrière est plutôt étroit.
Ce qui frappe, c’est le silence à bord. La qualité des matériaux utilisés et le volume de la valise non modulable est toutefois critiquable: trop peu nombreux et trop petits pour une voiture familiale de cette gamme de prix et de cette taille.
Lorsque le comportement de conduite de la Mirai est comparé avec celui de concurrentes électriques similaires, la Mirai est moins sportive et tape-à-l’œil, mais a plus de maturité et est plus robuste.
Sa rareté est liée à l’offre limitée de stations-service à hydrogène, mais cela ne devrait pas empêcher Hyundai et BMW de lancer sur le marché une toute nouvelle voiture à hydrogène respectivement l’année prochaine et en 2027.