Le gouvernement fédéral était réuni pour un dernier Kern avant la fin de l’année. Les partenaires de l’Arizona ont tranché sur une vingtaine de points, d’autres sont encore en suspens et devront être discutés après les fêtes de fin d’année. Au cœur des discussions, le déploiement de militaires en rues, la fusion des zones de police, la surpopulation carcérale…
Malgré plusieurs heures de discussions, le gouvernement fédéral n’est pas parvenu mardi à se mettre d’accord sur le déploiement de militaires dans les rues pour contrer plus efficacement le trafic de drogues, a-t-on confirmé mardi soir de source gouvernementale.
L’idée, défendue par le MR, visait à déployer dès le début de ce mois de janvier un peu moins de 100 militaires en appui aux forces de police à Bruxelles ainsi qu’à Anvers, importante porte d’entrée de stupéfiants en Europe. Le CD&V a bloqué le déploiement, par manque de garanties et d’accord sur d’autres projets.
Des militaires avaient été déployés dans les rues en 2016 lors de la vague terroriste qui a frappé la Belgique et l’Europe.
Mais depuis lors, la situation géopolitique a considérablement changé avec la guerre en Ukraine entamée en 2022 et la menace croissante posée par la Russie, imposant à l’armée de reconsidérer l’affectation de ses effectifs.
Surpopulation carcérale
En discussion depuis l’été, ce projet de déploiement de militaires était politiquement lié à un autre dossier, porté par la CD&V celui-là, sur la réduction de la surpopulation carcérale. Un projet qui ne verra pas le jour non plus dans l’immédiat, a confirmé mardi soir la ministre de la Justice Annelies Verlinden (CD&V). «Le comité ministériel restreint n’est pas encore parvenu à un accord complet sur les mesures nécessaires pour remédier à la situation urgente de surpopulation dans nos prisons, a-t-elle regretté. Une solution s’impose pour lutter contre la surpopulation criante et le nombre sans précédent de détenus dormant à même le sol, mais aussi pour garantir la sécurité du personnel pénitentiaire.»
Les prisons belges comptent actuellement 13.600 détenus pour 11.098 places seulement, contraignant de nombreux détenus à dormir sur des matelas à même le sol.
Fusion des zones de police à Bruxelles
Autre dossier sur la table du kern: un avant-projet de loi instaurera une zone de police unique en lieu et place des six zones existantes dans l’arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale. «Dès les premiers jours de mon mandat, j’ai fait de cette fusion un chantier prioritaire. La situation actuelle à Bruxelles démontre chaque jour la nécessité de disposer d’une unité de commandement et d’une force d’intervention unique à l’échelle de la capitale, libérée des frontières artificielles qui limitent aujourd’hui l’action des forces de l’ordre», souligne le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, Bernard Quintin (MR).
Le montant de 55 millions d’euros initialement prévu pour soutenir cette fusion a été porté à 65 millions d’euros, soit 10 millions supplémentaires, ajoute le cabinet Quintin. «Nous visons une entrée en vigueur à Bruxelles au cours de l’année 2027. Il n’y a pas de temps à perdre. L’urgence de la situation implique que chacune et chacun prenne ses responsabilités.»
Le texte adopté en deuxième lecture prévoit également plusieurs évolutions importantes au niveau national: un cadre incitant aux fusions volontaires ailleurs dans le pays, une gouvernance policière modernisée, ainsi qu’un renforcement de la transparence démocratique, notamment à l’égard des conseils communaux.
Achat de 92 Griffon, 123 Serval et 4 hélicoptères
Le conseil des ministres a également approuvé l’extension du programme CaMo (Capacité Motorisée) qui prévoit l’achat pour la Défense de 92 véhicules de type Griffon, 123 véhicules Serval.
La commande, d’un montant d’un peu plus d’un milliard d’euros, devrait avoir des retombées économiques pour les entreprises belges à hauteur de 30% du montant du contrat, selon le ministre de la Défense, Theo Francken (N-VA).
Outre ce contrat pour la force terrestre, le gouvernement a également validé l’achat de quatre hélicoptères qui seront spécifiquement dévolus aux missions de recherche et de sauvetage en mer (SAR, search and rescue).
Ces aéronefs seront localisés sur la base aérienne de Coxyde. Le montant total investi pour ces appareils et leur équipement est d’un peu plus de 182 millions d’euros.
Durcissement du parcours d’intégration
En collaboration avec les entités fédérées, qui détiennent une partie des compétences, un parcours d’intégration renforcé sera mis en place «dans les mois à venir» pour les réfugiés reconnus ayant droit à un revenu d’intégration. S’ils ne suivent pas ce parcours ou s’ils ne fournissent pas «suffisamment d’efforts», ils perdront jusqu’à un tiers du montant.
Les nouvelles règles s’appliqueront également aux réfugiés reconnus qui perçoivent déjà un revenu d’intégration, est-il souligné dans la communication de la ministre de l’Asile, de la Migration et de l’Intégration sociale, Anneleen Van Bossuyt (N-VA).
«Nous lions l’obtention d’un revenu d’intégration à des conditions indispensables. Ceux qui veulent compter sur notre solidarité doivent, avec cet ensemble de mesures, démontrer qu’ils veulent également s’intégrer, a expliqué Anneleen Van Bossuyt. Cela signifie: parler notre langue, rechercher activement un emploi et suivre un cours d’intégration.»
Pour les autres nouveaux arrivants, par exemple les étudiants originaires de pays tiers et les citoyens de l’UE qui ne recherchent pas d’emploi, une période d’attente sera mise en place. Ils n’auront désormais accès à l’aide sociale qu’après avoir séjourné légalement en Belgique pendant au moins cinq ans.
«Une exception continuera de s’appliquer aux groupes vulnérables, telles que les personnes bénéficiant d’une régularisation médicale ou les victimes de la traite des êtres humains», est-il précisé.
Gel de l’indexation
Comme annoncé, l’indexation sera complètement appliquée pour les salaires allant jusqu’à 4.000 euros bruts par mois et les allocations et pensions atteignant 2.000 euros bruts par mois. Mais pas au-delà. Le montant retenu sera celui du salaire ou barème contractuel de base (et non les avantages) afin de garantir une application uniforme de la mesure. Une contribution d’employeurs est prévue pour accompagner l’effort demandé pour les salaires de plus de 4.000 euros. Le produit sera versé à la gestion globale de l’Office national de sécurité sociale (ONSS) afin de garantir le financement de celle-ci.
La mesure s’appliquera deux fois à partir de l’année prochaine. Mais, au vu du temps nécessaire pour faire approuver les textes au Parlement, elle ne pourra toucher les indexations attendues en janvier et en mars. Concrètement, elle ne devrait donc s’appliquer de manière générale qu’à partir de 2027. Elle sera également en vigueur à partir de 2028.
«Le gouvernement protège le pouvoir d’achat là où il est essentiel, maintient l’indexation automatique comme mécanisme de protection des revenus face à l’inflation, et agit de manière responsable pour augmenter la compétitivité des entreprises belges. Cette compétitivité est une condition indispensable pour soutenir l’investissement, créer de l’emploi et garantir, à moyen et long terme, des salaires plus élevés et une sécurité sociale solide», a souligné le ministre Clarinval.
Précisions sur la TVA
Les ministres du gouvernement fédéral se sont enfin mis d’accord sur les détails de l’accord budgétaire. Les neuf milliards d’économies dans les prochaines années étaient déjà actés, mais encore fallait-il s’entendre sur les modalités de ces mesures. Comme annoncé, la TVA augmentera sur une série de produits l’an prochain, a confirmé le cabinet du ministre des Finances, Jan Jambon.
A partir du 1er mars 2026, la TVA sur le sport, la culture et les loisirs passera de 6% à 12%, sauf les exonérations déjà existantes qui sont maintenues. Il en ira de même pour les nuitées d’hôtel et de camping ainsi que la vente à emporter (take away). Ce dernier point a suscité de nombreux débats. Un critère a été retenu: la «vente à emporter» est définie comme tout repas ou boisson préparé ayant une durée de conservation maximale de deux jours. La TVA passera quant à elle de 12% à 6% sur les boissons non alcoolisées dans l’horeca.
Une «réorientation fiscale» est opérée sur l’énergie: les accises sur le gaz naturel et le mazout de chauffage augmenteront progressivement tandis que les accises sur l’électricité seront réduites.
Augmentation de plusieurs autres taxes
La consommation n’est pas la seule visée par les hausses de taxes. La taxe bancaire augmentera ainsi que la taxe sur les comptes-titres (de 0,15% à 0,3%). La taxe sur les assurances (de 9,25% à 9,6%) suivra le mouvement à partir du 1er avril. La déduction forfaitaire spécifique des frais pour les droits d’auteur est supprimée à partir du 1er janvier. Une exception est prévue pour les personnes disposant d’une attestation de travail des arts ordinaire ou «plus».
Le délai de prescription des comptes dormants sera modifié pour passer de 30 ans à 5 ou 10 ans selon les cas. Sont visés les comptes restés sans opération ou dont le titulaire ne s’est plus manifesté auprès de la banque pendant cinq ans. Annoncée fin novembre, l’intention du gouvernement a déjà mené à un afflux de demandes auprès du SPF Finances.
Comme annoncé, les sociétés de management sont aussi visées. Le taux applicable à la distribution d’un dividende dit «VVPRbis», qui concerne les petites sociétés, augmentera de 15% à 18%. Pour les réserves de liquidation constituées à partir du 31 décembre 2025, le taux du précompte mobilier passe de 6,5% à 9,8%, ce qui conduit à une imposition effective totale de 18%.
A partir de 2027, d’autres mesures entreront en vigueur. La taxe d’embarquement pour les voyages en avion passera de 5 à 10 euros. Les subventions salariales existantes pour les entreprises, c’est-à-dire les exonérations partielles du précompte professionnel, seront gelées au niveau de 2025. Les accises sur l’essence et le diesel seront augmentées, pour rapporter des recettes estimées à 50 millions d’euros par an.
Plan de cohésion sociale
Le gouvernement fédéral a également approuvé le Plan cohésion sociale, qui prévoit un budget de 48,5 millions d’euros pour les années à venir. Il sera mis en œuvre progressivement à partir de 2026. Dans le détail, le gouvernement prévoit 8,5 millions d’euros en 2026, 10 millions d’euros en 2027, 15 millions d’euros en 2028 et 15 millions d’euros supplémentaires en 2029. A ces montants s’ajoute le budget restant de l’enveloppe pour les groupes vulnérables pour 2029, d’environ 20 millions d’euros, ce qui porte le total à 68,5 millions d’euros.
«Outre les six millions d’euros qui seront investis dans des mesures spécifiques pour les personnes handicapées actives au sein de l’administration publique, 14,5 millions d’euros de cette enveloppe seront investis dans le régime cumulatif pour les personnes handicapées qui bénéficient d’une allocation d’intégration et dans des parcours spécifiques d’accompagnement sur le lieu de travail pour les personnes handicapées», a expliqué le ministre en charge de la lutte contre la pauvreté et des personnes handicapées, Rob Beenders. «De cette manière, les personnes handicapées auront toutes les chances de travailler quand elles le souhaitent et le peuvent.»
D’autres mesures seront prises pour lutter contre le surendettement, des actions supplémentaires seront élaborées en matière d’aide informelle et le Service des créances alimentaires (Secal) sera réformé afin de protéger les parents vulnérables. Une décision saluée par les Engagés. «L’accès au Secal ne sera plus conditionné à un défaut de paiement. Celui-ci deviendra le dispositif par défaut, plus accessible, plus automatique et plus protecteur pour les familles monoparentales, trop souvent confrontées aux pensions alimentaires impayées», s’est réjoui le député Xavier Dubois.
Outre le Plan de cohésion sociale, le conseil des ministres a approuvé un avant-projet de loi visant à augmenter encore le nombre de femmes dans les organes administratifs et de direction afin de transposer la directive européenne Women on Board dans la législation belge. Pour la première fois, des quotas clairs seront fixés pour les comités de direction des entreprises publiques autonomes telles que skeyes, Proximus, la SNCB, Infrabel et bpost. Au moins 33% des membres de ces comités de direction devront être des femmes.
Discussions longues
Pour respecter sa trajectoire budgétaire, le gouvernement devait trouver 9,2 milliards d’euros supplémentaires pour l’ensemble de la législature. Les mesures fiscales fournissent une partie de l’effort à réaliser. Elles seront intégrées dans une loi-programme.
Les discussions ont été longues, ont mené au report du budget et à l’adoption de douzièmes provisoires pour les trois premiers mois de l’année, et ne se sont finalement conclues qu’à la veille de Noël.
«Avec cet ensemble de mesures difficiles, le gouvernement franchit une nouvelle étape importante vers une plus grande discipline budgétaire et une stabilité financière accrue. Les choix opérés sont nécessaires pour remettre les finances du pays en ordre et renforcer la crédibilité de notre politique budgétaire, ce qui est absolument indispensable dans le contexte économico-financier et international actuel, particulièrement instable. C’est avant tout dans l’intérêt des générations actuelles et futures.» a souligné M. Jambon.




