L’accord de Pâques de l’Arizona met les priorités sur les réformes des pensions attendues durant cette législature. Au sabre, le gouvernement préfère l’inflation comme outil de régulation.
C’est un peu une surprise, à première vue: l’Arizona, gouvernement de droite, s’attaque aux grosses pensions dès les premiers mois de son mandat. C’est en tout cas la couleur annoncée par le ministre de tutelle, Jan Jambon (N-VA), depuis le début de son mandat, et confirmée par l’accord de Pâques bouclé vendredi soir par les membres du gouvernement et que Le Vif s’est procuré. On y retrouve la limitation annoncée du plafond Wijninckx, le plafond absolu légal, aujourd’hui de 99.499,24 euros brut par an.
Si les limites fixées par l’Arizona (qui ne manque pas de le préciser dans le texte) «ne s’appliquent pas qu’aux fonctionnaires», c’est tout de même celles-ci qui sont pointées par le nouvel exécutif, introduit Maxime Fontaine, économiste et chercheur en finances publiques à l’ULB. «En réalité, il y a peu de personnes concernées par cette limitation. Les grosses pensions, ce sont celles des fonctionnaires importants comme des juges, des professeurs d’université, des haut fonctionnaires ou des directeurs. » L’Echo donne le chiffre de 60.000 pensionnés, parmi lesquels Maxime Fontaine ne prédit quasiment aucun travailleur du privé.
Pensions: dégonfler le ballon
Et l’Arizona veut aller vite. Alors que les pensions actuelles occupent 11,5% du PIB, «les réformes annoncées par le gouvernement visent presqu’uniquement des gens qui sont déjà à la pension, assure l’économiste de l’ULB. Et par ailleurs, plus personne n’arrive à la pension au plafond actuel.» Concrètement, et à partir de juillet jusque fin 2029, si une pension se trouve au-delà du plafond mensuel de 5.250 euros brut, elle ne peut être majorée que de 2% du montant minimum mensuel garanti de la pension d’un retraité isolé, soit 36 euros. Dans un autre cas, si une pension actuelle taquine le plafond de 5.250 euros brut mensuels mais qu’un index la ferait passer outre la limite, l’indexation serait partiellement appliquée et bloquée à 36 euros au-delà du plafond également. «On peut y voir une forme de justice face à ces grosses pensions, commente Maxime Fontaine, mais c’est aussi une forme de retrait sur un salaire différé.»
L’autre élément majeur du plan pascal de l’Arizona sur les pensions consiste en une harmonisation, par une augmentation, de l’impôt sur les pensions complémentaires. Jusqu’à présent, la législation prévoit une retenue à la source de 0% sous un montant de 2.478,95 euros, et de 2% au-delà des 24.789,35 euros, et de 1% entre ces deux montants. A noter que pour un plan de pension doté d’un capital de plus de 150.000 euros, le taux passe à 4%. Le but est ici d’instaurer un taux de 2% sur les fonds de pension, peu importe le montant. «Si les pensions complémentaires importantes seront plus imposées, ce sera également le cas pour les petites pensions, bien plus nombreuses», conclut Maxime Fontaine.
C’est, en réalité, un numéro d’équilibriste auquel se livre Jan Jambon. A en lire l’accord de Pâques bouclé par l’Arizona, pas une ligne ne garantit un relèvement des pensions plus basses. Pas un mot non plus n’est consacré aux indépendants, pourtant le core business de l’exécutif. En fait, aucune pension, publique ou privée, n’est artificiellement gonflée ou diminuée. «Mais Jan Jambon veut faire tout lentement pour revenir à des pensions qui atteindront automatiquement le plafond Wijninckx, d’ici 30 ans, quand l’argent vaudra beaucoup moins. Le ministre veut sûrement que la pension des salariés rattrape celle des fonctionnaires… En bloquant les plus hautes.»