samedi, décembre 21

Le bonus pension entrera en vigueur ce 1er juillet. Selon l’économiste Jean Hindriks (UCLouvain), la mesure est tout sauf une recette miracle. Elle contournerait d’autres problèmes majeurs liés à la question des retraites en Belgique.

Tranche après tranche, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien? Le premier découpage du ‘salami’ bonus pension sera distribué ce 1er juillet. Mais il risque de laisser bon nombre de futurs retraités sur leur faim. Il se profile même comme un vulgaire apéritif, alors qu’il était annoncé par certains comme un repas trois étoiles, censé combler les papilles (ou les papys) les plus endurants sur le marché du travail.

Bonus pension: réduire la part de départs anticipés

Pour rappel, à partir du mois de juillet, si un travailleur postpose sa retraite et exerce au-delà de la date de la pension la plus proche, il pourra toucher un bonus durant maximum trois ans. Soit sous forme d’un paiement unique, soit via des versements mensuels. Une mesure qui, selon une récente étude d’Acerta, pourrait réduire la part des travailleurs qui partent à la retraite avant l’âge légal. C’est tout l’enjeu.

Car les chiffres du prestataire RH confirme une tendance claire: quatre travailleurs sur dix prendraient leur pension avant l’âge de 65 ans. Ils seraient même huit sur dix à souhaiter partir de façon anticipée. C’est particulièrement le cas pour les secteurs qui n’exigent pas de formation longue et où le travail exécuté est physiquement lourd.

Certains points de l’étude font tiquer l’économiste Jean Hindriks (UCLouvain), expert de la question des pensions. En particulier lorsqu’elle affirme que les indépendants (64,5%) décrochent plus tôt que les salariés (41%). «Ces chiffres sont absurdes et contrefactuels. Les données administratives le prouvent: les indépendants sont les plus nombreux à aller jusqu’à 65 ans. Pour une raison simple: ils ne disposent d’aucun régime de fin de carrière.»

Bonus pension: 1,66% des futurs retraités

Chaque année, environ 120.000 personnes partent à la retraite en Belgique. En réalité, ils seront beaucoup moins nombreux à être concernés par la mesure dessinée par la ministre Karine Lalieux (PS). Selon le Bureau fédéral du Plan, le nombre de bénéficiaires du bonus pension serait de… 2.000 personnes en 2025. «C’est très modeste: on parle là d’à peine 1,66% des nouveaux retraités annuels», calcule Jean Hindriks, qui précise par ailleurs que les fonctionnaires ne sont pas éligibles à la formule.

«Trois quart des salariés ne sont plus à l’emploi à l’âge théorique de la pension. Ce bonus n’est rien d’autre que de la rhétorique politique»

Jean Hindriks

Economiste (UCLouvain)

Selon le spécialiste, cette mesure ne va pas profiter à celles et ceux qui en ont le plus besoin. «Pour en bénéficier, il faut aller jusqu’à l’âge légal de la retraite. Or, les personnes qui exercent des métiers pénibles ont déjà décroché. Le bonus pension est loin d’être la baguette magique qui permettrait subitement de remettre ces gens au travail. Trois quart des salariés ne sont plus à l’emploi à l’âge théorique de la pension. Ce bonus n’est rien d’autre que de la rhétorique politique», critique-t-il. Pour rappel, 500.000 personnes sont actuellement considérées comme malades de longue durée Belgique.

Exit l’âge de départ harmonisé?

Selon l’économiste, les travailleurs les moins qualifiés, qui commencent en général leur carrière très jeunes, devraient logiquement pouvoir partir à la retraite plus tôt. «Viser un âge uniforme pour la pension n’est plus pertinent (NDLR: le plan actuel vise le départ à 67 ans à l’horizon 2030). Si vous commencez à travailler à 18 ans, avec une carrière de 43 ans, il serait normal de pouvoir prendre sa pension à 61 ans. Il ne s’agirait même pas d’un cadeau, mais juste de l’âge légal de carrière. Les 67 ans, c’est de l’ordre du virtuel. Aujourd’hui, les 65 ans sont la réalité. Et cet objectif n’est même pas atteint par la majorité des retraités.»

«Viser un âge uniforme pour la pension n’est plus pertinent»

Jean Hindriks

Economiste (UCLouvain)

Par ailleurs, un autre élément souvent oublié mais fondamental, selon Jean Hindriks, serait de prévoir des compensations pour les personnes qui exercent des métiers difficiles. «Le système actuel l’ignore, or la problématique est bien réelle dans toute une série de secteurs.»

Enfin, d’après l’expert, le fait de procrastiner et de ne pas s’attaquer aux causes profondes ne ferait que complexifier le problème des pensions. Le bonus étant loin d’être le remède miracle. D’autant plus que le making of de cette mesure est très questionnable. L’idée initiale aurait en effet été importée d’une enquête d’opinion… espagnole. Caramba, encore raté!

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