Alors que la caféine, en trop grande quantité, peut être néfaste pour la santé, le café contient d’autre molécules bienfaitrices. Un café en vaut-il un autre ? Décryptage.
Pour beaucoup, se faire couler un café est le premier réflexe pour se réveiller le matin. Avec 178,53 millions de sacs de 60 kilos par an, c’est la troisième boisson la plus consommée au monde après l’eau et le thé. Les Européens, premiers buveurs au monde, en sont particulièrement friands, la Finlande en tête. Le Belge arrive en neuvième position avec 4,6 kilos de café par an.
Alors que de plus en plus de personnes se tournent vers des alternatives décaféinées pour éviter les effets néfastes (trouble du sommeil, anxiété…), le café est en réalité un meilleur allié santé qu’on ne le croit, dans certaines conditions.
Le café, un bon atout santé
Depuis le XVIIIe siècle, une multitude d’études se sont intéressées aux bienfaits de cette boisson chaude sur la santé. Le café noir, sans sucre ajouté, réduit le risque de développer des maladies cardiovasculaires – qui sont l’une des premières causes de décès dans les pays occidentaux – et réduit en particulier le risque d’infarctus ou d’AVC.
Boire du café a des effets bénéfiques contre les maladies neurodégénératives, comme l’Alzheimer ou Parkinson. Il permet de réduire le risque de diabète de type 2, de maladie hépatiques, et est aussi un allié contre la dépression, énumère Patrice Cani, professeur à l’UCL, spécialiste en nutrition et métabolisme.
Le café permet de diminuer l’apparition de certains cancers. La boisson n’est plus classée comme probablement cancérogène par l’OMS depuis 2016. «Les cancers du foie, du colon, des ovaires et le mélanome sont moins présents chez les buveurs de café», illustre encore le spécialiste. Pour d’autres, «comme celui de la prostate, les effets bénéfiques sont plus discutés».
Plusieurs études, réalisées sur des centaines de milliers de patients en Europe, révèlent aussi que les buveurs de café régulier présentent moins de risques de mortalité.
Tous ces effets surviennent, qu’il s’agisse de café «normal» ou de «déca», précise Patrice Cani.
Caféine et antioxydants
Outre la caféine, qui provoque un effet excitant, le café est composé «de plus de 1.000 molécules», renseigne Philippe Westerlinck, radiothérapeute au CHU de Liège. Il contient notamment une concentration élevée d’antioxydants sous forme d’acide chlorogénique, ou de polyphénol, détaille Patrice Cani. Ces molécules ont des effets sur le vieillissement des cellules, la résistance au stress, la circulation sanguine, et la neuro inflammation, d’où les bienfaits cités précédemment.
La caféine interviendrait par contre dans la prévention de la dépression. «Ce n’est pas d’emblée un antidépresseur, mais sous l’effet de la caféine, les personnes se sentent plus éveillées, plus performantes et émotionnellement moins fatiguées», indique-t-il. De plus, la caféine augmente la production de dopamine, l’hormone du plaisir. «Il y a des études qui estiment qu’il y a une diminution des risques de suicide chez les buveurs de café, mais ça dépend aussi des facteurs confondants comme les habitudes autour du café: le boire accompagné est vecteur de lien social (NDLR : et donc bon pour la santé mentale). Ceci étant vrai que pour les consommateurs de café. Une personne qui n’est pas habituée à en boire, va directement ressentir des effets néfastes de la caféine.»
Le café serait aussi un bon anti-douleur, notamment dans le traitement des migraines. «La caféine augmente le seuil de la douleur, raison pour laquelle certains médicament, notamment le doliprane en France, sont associés à de la caféine», explique Patrice Cani.
Il ne faut donc pas confondre l’action de la caféine, délétère en grande quantité, et l’action des autres molécules du café, qui elles sont bénéfiques. Ainsi, comme pour tout, le café est à consommer avec modération. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) recommande de ne pas dépasser 400 milligrammes de caféine par jour, soit trois à quatre tasses.
Un café meilleur qu’un autre ?
Certaines études mettent en avant le fait que le café instantané serait moins bon pour la santé car il contient davantage d’acrylamide que le café moulu ou en grain. L’acrylamide est une substance classée comme probablement cancérogène par l’OMS, qui se forme lors de la cuisson de certains aliments. Mais cela ne devient dangereux pour la santé qu’en grande quantité. «Il ne faut pas être alarmistes. En Europe, les autorités fixent des seuils dans les cafés mis sur le marché, rassure Patrice Cani. Il y a bien plus d’acrylamide dans les frites, par exemple»…
«Il n’y a pas de bon ou de mauvais café», tant que la consommation reste modérée, renchérit-il. Pour limiter la caféine, il vaut mieux toutefois prendre un espresso, poursuit le professeur. Dans les cafés allongés, le temps de passage sous l’eau des grains, plus long, produit davantage de caféine. Un seul petit bémol dans le cas du café bouilli, dont les effets sur les maladies cardiovasculaires sont plus mitigés et qui peut entraîner du cholestérol.
En parallèle, le café «peut toutefois augmenter l’incidence d’autres cancers», précise le docteur Philippe Westerlicnk. Ce n’est pas en raison de la composition chimique du café lui-même, mais de la température élevée de la boisson. «Le fait de boire chaud augmente le risque de cancers de type ORL, comme celui du larynx, du pharynx, ou encore de l’œsophage. Au delà de 70 degrés Celsius, il y a huit fois plus de risque de cancer de l’œsophage», détaille le radiothérapeute.
Le café reste toutefois un des facteurs cancérigène les plus bas, comparé à d’autres, souligne Philippe Westerlick, qui a crée une application (Cancer Risk Calculator), qui permet de calculer de manière personnalisée les risques de développer un cancer et les mesures préventives. «Avant le café, les facteurs poids, activité physique, alcool, tabac et nourriture sont bien plus importants».
La caféine est évidement déconseillée pour les femmes enceintes, les femmes allaitantes et les enfants, rappelle Patrice Cani. De même pour les personnes anxieuses ou qui présentent des troubles du sommeil, des problèmes urinaires, des problèmes de tension ou des troubles neuropsy. «La caféine peut bloquer l’effet des médicaments pour la schizophrénie, par exemple.»
«Le café est ainsi un aliment intéressant pour la santé, à partir du moment où sa consommation est raisonnée. Mais ce n’est pas non plus essentiel», conclut le spécialiste.