La N-VA, Vooruit et le CD&V sont tombés d’accord dans la nuit de vendredi à samedi sur la composition d’un gouvernement flamand. 111 jours après les élections, les ambitions sont encore troubles, mais le dialogue avec les autres niveaux de pouvoir devra se renforcer, un peu paradoxalement.
Il ne fallait visiblement pas attendre une minute de plus. Vers cinq heures du matin, sur la place des martyrs en plein centre de Bruxelles, Matthias Dieppendaele (N-VA) s’est présenté aux quelques journalistes présents pour annoncer la naissance du nouveau gouvernement flamand. Une équipe qualifiée de jeune, féminine et censée incarner le renouveau. Dans le programme, pourtant, peu de grandes surprises… Si ce n’est quelques entorses idéologiques du côté des nationalistes.
«Il y a finalement beaucoup de continuité, décrypte le politologue Dave Sinardet. La différence la plus importante avec le passé, c’est l’augmentation du budget pour le secteur des soins, de l’enseignement et des logements sociaux.» Des enjeux coûteux, et ce malgré l’ambition d’un équilibre budgétaire retrouvé en 2027, point d’honneur pour la N-VA qui récupère cinq sièges sur neuf au sein de l’exécutif (voir plus bas) dont Matthias Diependaele, désormais Ministre-président, réputé pour serrer les cordons de la bourse.
Concurrence et collaboration avec le gouvernement wallon
Tout ça pour ça, donc ? «Vu comme ça, on ne comprend pas très bien pourquoi la formation a duré 111 jours, constate Dave Sinardet. C’est assez vague.» A noter tout de même que les tableaux budgétaires devraient être annoncés dans les heures (ou jours) à venir. «C’est tout de même plus démocratique qu’au niveau du parlement wallon qui ne les publiera pas avant les élections communales, alors qu’il est formé depuis le 11 juillet».
Dans le contenu, on peut cependant déjà remarquer certaines mesures déjà entendues lors de l’annonce du gouvernement wallon. L’exemple le plus criant s’illustre à travers la baisse des droits d’enregistrement pour l’achat d’une première maison qui passent de 3 à 2% alors que le gouvernement wallon annonçait une baisse de 12,5 à 3% cet été. «On a sûrement regardé l’accord côté wallon. On ne voulait pas que la baisse importante d’impôt soit constatée sans que ça soit le cas côté flamand, estime encore Dave Sinardet. On ne voulait pas qu’il existe une analyse constatant une baisse plus forte de la fiscalité en Wallonie.»
La concurrence fiscale au sein du pays est donc encore une réalité. La N-VA, en collaboration avec deux ministres socialistes dont le président Conner Rousseau a récemment dit avoir «bataillé comme Thibaut Courtois pour [en] rejeter les moches idées», ne pouvait pas se permettre d’être critiquée pour son manque de mordant à deux semaines des élections communales. «Dans sa composition, le gouvernement flamand est plus à gauche que le wallon. Mais il ne fallait pas renforcer cette image pour la N-VA, qui doit se montrer libérale sans l’Open-VLD au gouvernement», poursuit encore Dave Sinardet.
Le fédéral pour payer la note
En revanche, le tournant libéral adopté par la Wallonie, lui, risque de bouleverser les rapports politiques entre les régions. «Ils devraient pouvoir renforcer leur collaboration puisque ce sont les mêmes partis. D’ailleurs, la DPR (NDLR: Déclaration de Politique Régionale) flamande renvoie près de 100 fois au fédéral.»
La suppression du bonus à l’emploi par le futur gouvernement flamand en est l’exemple parfait. Les employés touchant moins de 2.500 euros brut par mois ne percevront plus ce bonus pouvant monter jusqu’à 600 euros. La Flandre confère au fédéral une baisse de la fiscalité sur le travail pour compenser cette mesure. Malgré la présence des socialistes au gouvernement flamand, les plus précaires du nord du pays risquent donc de payer le prix des mesures libérales. Via par exemple la suppression des allocations scolaires pour les familles qui ne pratiquent pas le néerlandais à la maison. La N-VA hérite de la tutelle sur l’entreprise publique De Lijn (1,2 milliard d’euros de budget en 2023) qui pourrait faire l’objet de coupes budgétaires.
Le casting
Matthias Diependaele, Ministre-Président, N-VA
L’actuel bourgmestre de Zottegem et l’ancien ministre flamand des Finances sera le chef de cet exécutif. Son attrait pour le nationalisme est familial (son grand-père était bourgmestre du parti VNV, collaborationniste pendant la seconde guerre mondiale), il revendique l’indépendance de la Flandre depuis son adolescence passée au sein du Vlaamse Volksbeweging. Il est député depuis 2009, et est devenu ministre du Budget et des Finances dans le gouvernement sortant, où son orthodoxie budgétaire y était réputée. C’est un fidèle lieutenant de Bart De Wever.
Ben Weyts, Budget et Finances, N-VA
C’est de lui qu’a germé l’idée de la suppression des allocations scolaires pour les parents ne pratiquant pas le néerlandais à la maison. L’ancien ministre flamand de l’Enseignement, qui n’a pas séduit le corps enseignant durant son mandat, est rappelé dans l’exécutif cette fois comme grand argentier.
Annick De Ridder, Mobilité et Sports, N-VA
Une autre proche de Bart De Wever. Echevine anversoise sortante du Port, du Développement urbain et de l’Aménagement du territoire, elle est la nationaliste la moins connue du côté sud de la frontière linguistique.
Zuhal Demir, Enseignement, Justice et Travail, N-VA
On l’appelle la « dame de fer ». Anciennement ministre flamande de l’Environnement, elle était la figure de proue de la N-VA dans le dossier de la sortie du nucléaire. Genkoise de naissance, elle est députée fédérale depuis 2010 et présidente d’un district anversois en 2012. Elle rejoint le gouvernement Michel en 2017 en tant que secrétaire d’Etat à la Lutte contre la pauvreté et l’Egalité des chances et s’était vertement attaquée à Unia.
Cieltje Van Achter, Affaires bruxelloises, N-VA
Schaerbeekoise, Cieltje Van Achter est la figure de la N-VA bruxelloise. Députée bruxelloise depuis dix ans, elle est très à cheval sur les questions de mobilité, en étant notamment très critique sur la politique de la ministre bruxelloise en la matière, Elke Van Den Brandt (Groen).
Jo Brouns, Agriculture et Environnement, CD&V
Après l’épineux dossier de l’azote qui a fait vaciller le dernier gouvernement flamand, il était important de réunir les compétences de l’Agriculture et de l’Environnement. Il était déjà ministre de l’Agriculture dans le dernier gouvernement, il y a notamment été épinglé pour avoir attribué une subvention de près d’un million d’euros à une organisation présidée par son père, Hubert Brouns. Ce dernier était bourgmestre de Kinrooi (Limbourg) dans le passé, poste occupé aujourd’hui par Jo Brouns.
Hilde Crevits, Administration intérieure, Intégration et Société, CD&V
Entrée au gouvernement flamand en 2007 comme ministre de la Mobilité des Travaux public, de l’Energie et de l’Environnement, Hilde Crevits est un personnage important du CD&V. Dans le gouvernement Bourgeois, elle récupère le portefeuille de l’Enseignement avant d’être en charge du Travail, de l’Economie et de l’Economie sociale, de l’Innovation et de l’Agriculture dans le gouvernement Jambon, puis de reprendre le poste de Wouter Beke au Bien-être, à la Santé publique, la Famille et la Lutte contre la Pauvreté. Elle était remplacée à l’époque par… Jo Brouns.
Melissa Depraetere, Logement, Energie, Climat, Tourisme et Jeunesse, Vooruit
Après avoir joué les pompiers ad interim à la présidence de Vooruit suite à la polémique concernant Conner Rousseau qu’elle soutient ardemment, elle devient cheffe de groupe Vooruit à la Chambre en 2020 en remplacement de Meryame Kitir qui s’en allait au gouvernement fédéral.
Caroline Gennez, Bien-être, Lutte contre la pauvreté, Culture et Egalité des Chances
Elle quitte son siège de ministre fédérale (remplacée par Franck Vandenbroucke) de la Coopération au développement. Suite à cette nomination, Rousseau la qualifie de «superministre». Récemment, elle s’est principalement positionnée en opposition à Israël dans le conflit au cours au Moyen-Orient.