dimanche, décembre 29

Les villes de Liège, Charleroi et Mons complètement lâchées par la banque historique des communes Belfius. Y compris pour leurs investissements. Du jamais-vu.

L’annonce de Belfius, il y a un mois, avait déjà eu l’effet d’une bombe en Wallonie. La banque, cent pour cent publique, avait fait savoir au gouvernement wallon MR-Engagés qu’elle n’aiderait plus en ligne directe les grandes villes que sont Liège, Charleroi et Mons, dans le cadre du plan Oxygène, ce mécanisme de financement pour les communes dans le rouge. En dérogeant aux règles comptables imposées aux pouvoirs locaux, il permet d’élargir leur capacité d’emprunt entre 2022 et 2026 pour équilibrer leur budget, essentiellement le paiement des charges de pensions pour les fonctionnaires communaux et les zones de police. Il a été adopté en 2021 alors que la crise sanitaire du Covid 19 avait aggravé les finances communales. Ce crédit remboursable sur 30 ans n’est pas engagé sans conditions. Les communes concernées devaient souscrire à un plan d’accompagnement, particulièrement serré pour celles qui sont sous plan de gestion.

Belfius et ING refusent donc d’aider les grands villes de Wallonie dans le cadre de cette bouffée d’oxygène. Mais pire encore, l’unique banque détenue par l’Etat belge s’opposerait également à soutenir ces villes dans leurs investissements. Pour bien comprendre, il faut distinguer le financement du déficit budgétaire des communes, évoqué ci-dessus, et celui des investissements que les communes doivent réaliser pour l’achat de matériel et de biens immobiliers (bâtiments, véhicules, ordinateurs, routes, mobilier urbain, etc.) «La législation impose aux villes de faire ces investissements via des emprunts, explique Nicolas martin, le bourgmestre PS de Mons. Ceux-ci sont amortis sur dix, 20 ou 30 ans, selon la nature du bien. Et c’est ce qui constitue la quasi-totalité de l’endettement d’une ville, qu’elle soit riche ou pauvre.»

Ces emprunts sont donc logiquement garantis par les biens dans lesquels les communes investissent, un peu comme avec l’hypothèque d’une maison en cas de non-paiements du crédit bancaire. Si, avec un regard d’économiste, on peut comprendre qu’une banque, même publique, refuse de prêter à un emprunteur dont les finances sont dans le rouge et qui aura donc du mal à rembourser, la situation semble différente pour les investissements communaux. D’autant que, d’après ce q’expliquent dans certaines communes, à chaque échéance, la banque se sert directement à la source, dans un compte dit centralisateur de la ville, où sont automatiquement versés l’argent du fond des communes et les additionnels à l’impôt des personnes physiques. «De toute façon, nous n’avons jamais été en défaut de paiement», nous indique-t-on tant à Mons qu’à Charleroi.

Si à Mons, selon Nicolas Martin, le «niet» historique de Belfius pour le financement des investissements est clair, à Charleroi, selon nos informations, les autorités ont appris verbalement qu’il y a peu de chance que la banque réponde favorablement à leur demande. Le cas de figure est le même à Liège où l’on dit qu’il n’y a pas de réponse de Belfius. La banque au logo fuchsia fait quant à elle savoir qu’elle «ne peut pas commenter les dossiers individuels ou spécifiques». Pour parer au lâchage de Belfius, les trois grandes villes se sont apparemment donné le mot. Elles ont cherché d’autres solutions en se tournant vers la Caisse de dépôt et consignation (CDC), la division du SPF Finances qui gère les différentes consignations avant de les rembourser aux ayants-droits (comptes dormants, garanties locatives, etc.), mais aussi vers une banque… privée majeure qui se montrerait intéressée.

«La banque ne peut commenter les dossiers individuels et spécifiques»

Si cela se concrétisait avec cette banque privée, ce serait un comble. Les interpellations autour des raisons du refus de Belfius seraient encore plus légitimes que pour le dossier Oxygène. Il y a un mois, de nombreuses voix s’étaient élevées pour dénoncer un choix politique de la banque contre des communes socialistes (et aussi PTB dans le cas de Mons). Ce deuxième blocage ne ferait qu’alimenter la suspicion. Christie Morreale, la future bourgmestre PS de Liège (Willy Demeyer a annoncé qu’il lui céderait sa place à mi-mandat), a déjà fustigé l’annonce du gouvernement wallon de vouloir analyser la mise en vente de l’assureur Ethias, pour lequel Belfius montre un appétit certain. «Nous n’avons pas de tabou», a d’ailleurs déclaré le ministre-président wallon Dolimont (MR) à ce sujet sur l’antenne d’RTL.

Le MR roule-t-il pour Belfius et vice-versa ? Georges-Louis Bouchez, le président du parti, et Marc Raisière, le CEO de la banque, seraient plutôt proches, selon Nicolas Martin. Qui, lors d’un récent conseil communal, a évoqué une photo publiée sur le profil Facebook du célèbre beach-bar du Zoute, montrant les deux hommes, entourés de Mehdi Bayat, patron du Sporting de Charleroi, et Laurent Wagner, fils de Robert l’homme d’affaires carolo, sur la plage du Zoute, le week-end du 15 août. «Cette photo est apparue sur le réseau social peu avant l’ouverture du gouvernement wallon sur Ethias, souligne Martin. Je ne sais pas si c’est une coïncidence, mais on ne peut s’empêcher de s’étonner de cette temporalité.»

Au-delà de la polémique, le refus de la banque d’Etat est d’autant plus incompréhensible pour les villes concernées que si les investissements ne sont plus finançables, cela aura des répercussions sur nombre d’entreprises wallonnes et belges, qui fournissent ces communes. Le bourgmestre de Mons précise, pour sa part, que 40% de la dette d’investissement de sa ville, soit 271 millions d’euros, sont des garanties d’emprunt que souscrites pour l’hôpital Ambroise Paré qui doit préfinancer ses infrastructures avant de recevoir les subsides de la Région. «On ne peut donc pas considérer ces 271 millions comme des dettes», selon lui. Et d’ajouter que, lors de sa discussion avec Belfius, il n’a pas compris les motivations du refus de la banque d’assurer les investissements de la ville, alors que les agents avec lesquels il avait traité auparavant avaient assuré que les voyants étaient au vert.

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