L’économiste a lui aussi pris connaissance des intentions des Engagés et du MR pour la Wallonie. Pour lui, pas de doutes: la politique économique à venir ne pourra faire l’impasse sur une forme d’austérité. Au fédéral, le redressement budgétaire risque également de mettre à mal le modèle social belge.
«Ce n’est pas de l’austérité, c’est de la responsabilité», a juré Maxime Prévot voilà quelques jours, lors de la présentation de la déclaration de politique régionale (DPR) wallonne concoctée par le tandem qu’il forme désormais avec le MR de Georges-Louis Bouchez.
Conscient que le mot serait «sur les lèvres de l’opposition» ces prochaines semaines, le patron des Engagés, qui comme Georges-Louis Bouchez vient de rendre public son casting ministériel pour la Wallonie et la Fédération Wallonie-Bruxelles, a tout fait pour déminer le terrain, assurant qu’il ne s’agissait aucunement de «brutaliser la Wallonie», ou encore que les Wallons ne seraient pas «mangés à la sauce grecque» — une référence à la douloureuse cure d’économie que le pays, alors lourdement endetté, a connu dans le sillage de la crise financière de 2008.
Réduire la dépense publique
Pourtant, la promesse du duo azur visant à baisser les impôts tout en réduisant le déficit se heurte à une réalité économique que les centristes comme les libéraux ne nient pas: sans recettes immédiates, «les efforts seront principalement soutenus par des mesures de réduction des dépenses publiques», est-il écrit noir sur blanc dans la DPR.
«Il est clair que quand vous restituez des impôts à la population et que vous voulez en même temps réduire le déficit budgétaire, vous devez réduire les dépenses. Donc, d’une manière ou d’une autre, c’est une forme d’austérité», abonde l’économiste Bruno Colmant, qui s’interroge notamment sur le périmètre exact de ces coupes à venir. «C’est là que se situe le nœud du problème, et c’est la raison pour laquelle ils n’ont pas mentionné comment ils allaient baisser les dépenses», poursuit-il. «Dans les éléments qu’ils ont rendus publics, il est prévu que sur dix ans, le déficit budgétaire soit réduit de 3,5 pour cent à zéro. Finalement, ils considèrent que la dette publique wallonne sera stabilisée dans dix ans, avec des baisses d’impôt d’1,5 milliard, étalées là aussi sur dix ans. Et donc toute la question c’est: comment on finance ça ?», s’interroge l’économiste, dont le regard est désormais tourné vers le fédéral, où la question budgétaire va là aussi se poser.
Corriger la trajectoire, mais à quel prix?
«C’est la partie de l’équation qu’on a pas encore vue» insiste Bruno Colmant. Quelle va être l’ampleur de la contraction de la dépense publique au niveau fédéral ? À mon avis, ce qui va se passer, c’est qu’ il va y avoir toute une série de mesures, notamment en matière de chômage, de sécurité sociale, ce qui indirectement va alléger les dépenses de la Wallonie. Mais ça on ne l’a pas encore vu et c’est pour cela qu’ils sont restés flous — je ne vois pas d’autre explication.»
Il est clair que quand vous restituez des impôts à la population et que vous voulez en même temps réduire le déficit budgétaire, vous devez réduire les dépenses. Donc, d’une manière ou d’une autre, c’est une forme d’austérité
Même si, reconnaît-il, «il n’est pas illégitime de vouloir corriger la trajectoire budgétaire — on est quand même sous la surveillance de l’Europe avec une procédure de déficit excessif, on ne peut pas ne rien faire», il n’en demeure pas moins que la contraction des dépenses risque d’être «très forte». Gare à la casse, notamment au niveau des soins de santé? Il ne faut présager de rien, mais en attendant, c’est le «modèle social belge qui risque d’être un peu tamponné», s’inquiète l’économiste.