dimanche, septembre 8

La droite est favorite des législatives après neuf ans de suprématie de la gauche. Mais son ambition pourrait buter sur le progrès de l’extrême droite.

La bouteille à l’encre. La situation politique qui se profile à l’issue des élections législatives du 10 mars au Portugal sera, sauf surprise de dernière minute, passablement embrouillée. La péninsule ibérique serait-elle momentanément vouée à produire de la fragilité gouvernementale? Les Portugais pourraient en effet vivre ce que leurs voisins ont connu il y a huit mois au terme des législatives du 23 juillet 2023: une droite victorieuse, une gauche battue mais qui résiste honorablement après avoir exercé le pouvoir, une extrême droite en progrès et, au bout du compte, une majorité introuvable pour le parti vainqueur parce qu’une alliance entre la droite et la droite radicale est interdite.

Un gouvernement de gauche tombant sur une affaire de corruption: une aubaine pour l’extrême droite.

Les sondages annoncent une bataille féroce au Portugal entre l’Alliance démocratique, de droite, et le Parti socialiste. Une enquête d’opinion réalisée entre le 6 et le 12 février octroyait 30% à la première et 27,4% au second. Une autre, menée le 1er mars, accorde 31% à l’Alliance démocratique et 30% au PS. L’écart se resserrerait progressivement entre les principales forces de l’échiquier politique, ce qui consacre plutôt un sursaut des électeurs de gauche.

Socialistes au fond du trou

La défaite du Parti socialiste semblait écrite lorsque le président Marcelo Rebelo de Sousa a dissous l’Assemblée de la république, le 9 novembre dernier, et annoncé la tenue du scrutin, deux ans avant le terme originel de la législature. Le Premier ministre socialiste Antonio Costa, réputé pour avoir permis au pays de se redresser après la crise économique de 2008, tombait pour des soupçons de corruption. En cause: l’aide présumée apportée à des industriels dans l’attribution de contrats concernant des projets liés à un centre de stockage de données, à des mines de lithium, et à la production d’hydrogène vert. Dans ce cadre, ont été mis en examen le ministre des Infrastructures et des Organismes publics João Galamba, pour des actes commis quand il était secrétaire d’Etat à l’Energie, et le chef de cabinet du Premier ministre, Vitor Escária. Antonio Costa était forcé à la démission et affirmait vouloir coopérer avec la justice.

Un gouvernement de gauche tombant sur une affaire de corruption: une aubaine pour un parti populiste habitué à dénoncer les malversations, fantasmées, supposées ou réelles, de «l’establishment» politique. Chega («Assez») d’André Ventura avait réalisé une percée remarquée lors des législatives de 2022 (7,38% des voix et douze députés contre 1,35% des suffrages et un député lors du scrutin de 2019) dans un pays à dominante de gauche que l’on croyait immunisé contre l’extrémisme de droite. Les sondages lui promettent aujourd’hui entre 17 et 18% des votes et l’installent en troisième position de l’élection du 10 mars et en arbitre virtuel entre la droite et la gauche (lire par ailleurs ). «Le dirigeant de Chega aime à affirmer que les électeurs ont le choix entre le Portugal moderne qu’il incarne et celui du passé de Pedro Nuno Santos (NDLR: le dirigeant du PS). Ironie de l’histoire, le Portugal fêtera le 25 avril le 50e anniversaire de la révolution des Oeillets qui a mis fin, en 1974, à la dictature instituée par Antonio Salazar en 1933», souligne Corinne Deloy, chargée d’études au Centre d’études internationales, dans une analyse pour la Fondation Robert Schuman.

Le regain de l’activité touristique après la crise du Covid a redonné des couleurs à l’économie portugaise. © getty images

Cordon sanitaire

Chega devrait néanmoins rester un arbitre virtuel de la confrontation droite-gauche parce que l’Alliance démocratique, en tête des sondages, exclut officiellement de gouverner avec la droite radicale. Cette coalition est composée du Parti social-démocrate (PSD), du Centre démocratique et social / Parti populaire, conservateur, et du Parti populaire monarchiste (PPM). Luis Montenegro, son leader, est issu du PSD. Faute d’accord avec Chega, il pourra se tourner vers l’Initiative libérale, de centre-droit, dirigée par Rui Rocha. Mais sauf ralliement massif des indécis des sondages et bond spectaculaire de l’Alliance le soir du 10 mars, ce partenariat ne lui offrira pas une majorité.

Assisterait-on alors à une issue «à l’espagnole» de la séquence électorale portugaise? A Madrid, le dirigeant du Parti populaire, Alberto Nuñez Feijoo, pourtant sorti vainqueur du scrutin du 23 juillet 2023, avait échoué à former un gouvernement en raison de l’impossibilité d’une coalition avec la formation d’extrême droite Vox, forte de ses 33 députés. Le Premier ministre sortant, Pedro Sanchez, en avait «profité» pour proposer une alliance minoritaire entre le Parti socialiste et le bloc de gauche Sumar, soutenue de l’extérieur par les partis territoriaux, dont le mouvement indépendantiste Ensemble pour la Catalogne, de Carles Puigdemont… C’est ainsi qu’il gouverne à nouveau le pays.

Grande coalition?

Pedro Nuno Santos, pour le Parti socialiste, pourrait théoriquement compter sur le Bloc des gauches (BE) de Mariana Mortágua, sur les écologistes de Libre, et sur la Coalition démocratique unitaire (CDU), rassemblant des communistes, des écologistes et le mouvement Intervention démocratique, pour espérer former un gouvernement. Mais ces formations ne comptabilisent à ce stade qu’une dizaine de pour cent des suffrages. Insuffisants, conjugués au 30% espérés du Parti socialiste, pour réussir à bâtir un exécutif.

Il n’y aurait plus guère alors que la solution de la grande coalition pour sortir le Portugal de l’impasse: unir l’Alliance démocratique et le Parti socialiste dans un gouvernement d’union nationale. Mais le second, qui a sans doute appris à goûter au pouvoir sans concession à l’idéologie de droite depuis 2015, a affirmé vouloir refuser ce scénario. Au risque de plonger un Portugal ragaillardi dans une profonde crise?

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