En vue des élections, l’organisation de défense du bien-être animal Gaia a demandé aux partis s’ils souhaitent que les autorités belges investissent dans une filière de viande cultivée en laboratoire. Côté francophone, seul le PTB a répondu par l’affirmative. «On ne peut exclure que ce soit une méthode de production de protéines animales non négligeable dans quelques décennies», expliquent les marxistes.
En vue des élections, l’organisation de défense du bien-être animal Gaia a publié un mémorandum politique à destination des partis. «Êtes-vous d’avis que les autorités devraient investir financièrement et s’engager dans le développement et la production de viande cultivée?» figure parmi les 88 questions qui leur ont été adressées. Le concept de viande cultivée en laboratoire est sorti du frigo en 2013, sous l’impulsion d’un chercheur de l’université de Maastricht, qui lui donna alors le doux nom de «frankensteak». Le principe? Prélever des cellules animales afin de les reproduire en laboratoire, et ainsi fabriquer de la viande sans que porcs, bœufs et poulets passent par la case abattoir. Une manière de réconcilier amateurs de viande et amis des animaux – selon Gaia – qui promet: «Cela ressemble à de la viande. Cela a le goût de la viande. Mais de la viande qui n’entraîne pas de souffrance animale.»
L’énergie nécessaire à la production de viande de laboratoire doit nécessairement être décarbonée
Viande de laboratoire: les partis flamands plus en pointe?
Force est de constater que la plaidoyer de l’organisation en faveur de la viande cultivée ne fait pas l’unanimité du côté des partis politiques. Alors que Groen, la N-VA, Vooruit et l’Open Vld y sont favorables côté flamand, seul le PTB-PVDA (parti national) se montre d’accord avec l’idée au sud du pays.
Les marxistes soulignent le potentiel incarné par la viande de laboratoire, «à condition que le processus technologique soit encadré». «On ne peut exclure que dans quelques décennies ce soit une méthode de production de protéines animales non négligeable», commente le directeur de la campagne du PTB-PVDA David Pestiau.
Ecolo «s’est abstenu sans fermer la porte» quant à cette demande de Gaia. Les écologistes estiment que davantage de recherches doivent être effectuées avant de pouvoir se positionner. «La viande cultivée en laboratoire représente une technologie qui peut s’avérer bénéfique, mais à certaines conditions: l’énergie nécessaire à sa production doit nécessairement être décarbonée et il ne faut pas qu’elle favorise une situation de marché où celui-ci serait détenu par une poignée d’entreprises».
Le PS, comme les verts, s’est abstenu sur la proposition liée à la viande de synthèse, expliquant très succinctement que «la viande cultivée n’est pas encore assez mature et que cela nécessite des recherches approfondies».
“Pas question de dépenser plein d’argent public pour faire ça à fonds perdus”
Le vote des agriculteurs en ligne de mire
Qu’en pense le MR? «Toutes les initiatives visant à diversifier la chaîne alimentaire et mettre en avant nos produits locaux sont les bienvenues. Toutefois, elles doivent tenir compte des impératifs économiques et sanitaires qui pèsent sur la filière et pouvoir atteindre une rentabilité (ou tout au mieux une neutralité financière si elles sont sans but lucratif ou de l’économie sociale) pour ne pas dépendre abusivement d’argent public. Le rôle de l’Etat est de permettre l’émergence de ces entreprises, pas de les maintenir artificiellement en vie en décourageant d’autres initiatives non subsidiées. Autrement dit, on n’est pas contre la viande cultivée, on veut bien soutenir le lancement d’une filière si cela répond à une demande, mais pas question de dépenser plein d’argent public pour faire ça à fonds perdus. Il faut aussi tenir compte de l’impact que cela pourrait avoir sur nos élevages traditionnels.»
Les Engagés (ex-cdH), qui va chercher historiquement des voix chez les agriculteurs, s’oppose à la viande de laboratoire. Le parti centriste souhaite continuer à soutenir « l’agriculture d’élevage et céréalière de qualité », qui contribue selon eux au développement économique de la ruralité, ainsi qu’à la restauration de la nature et de la biodiversité. Par ailleurs, Les Engagés estiment que la viande cellulaire, comme réponse au bien-être animal, est « une fausse bonne idée, d’autant qu’un élevage raisonné et de qualité agencé à des conditions de transport qualitatives ne comporte aucune souffrance mais assure un bien-être aux animaux de la ferme fussent-ils destinés à l’alimentation humaine ».
Le député bruxellois Jonathan de Patoul (DéFI) explique pourquoi son parti s’oppose à un investissement plus important dans la viande de synthèse. «Pourquoi ne pas favoriser des alternatives végétales qui existent? Quel risque de confier notre alimentation à des laboratoires? Et demain, on fera de la carotte de synthèse?, ironise l’amarante. Il y a une vraie question philosophique derrière cette idée. Investir de l’argent public là-dedans pose question. Mais si ça passe par le privé, pourquoi pas.»
Partant du constat que six partis sur treize sont favorables à la viande cultivée, le directeur des opérations de Gaia se dit satisfait de l’évolution des mentalités. «Certains partis continuent d’opposer l’agriculture traditionnelle à l’agriculture cellulaire, déplore Sébastien De Jonge. Ils ont peur qu’un tel soutien soit perçu comme une attaque envers les agriculteurs, alors qu’on souhaite les inclure dans cette transition. Certains, comme Ecolo et Les Engagés, ont inclus le bien-être animal dans leur programme. C’était moins à l’agenda lors des dernières élections.»