dimanche, novembre 24

Les enseignants réclamaient des mesures structurelles et un vrai changement dans leurs conditions de travail. Il y en aura, grâce (à cause?) au MR et aux Engagés. Cela commence par l’abolition du régime statutaire, qui fera pire que mieux, soupirent les syndicats.

Ils voulaient du changement, profond et structurel. Il y en aura. Assurément. Sont-ce les mesures qu’ils avaient espérées? C’est moins certain. Si l’allègement de la paperasse administrative pour les enseignants et les directions et la fin de l’enveloppe fermée comme système de financement pour l’enseignement supérieur sont accueillis avec soulagement, d’autres mesures surprennent, ou inquiètent.

Lorsqu’ils avaient rencontré les acteurs de l’enseignement obligatoire et ceux du supérieur, Georges-Louis Bouchez (MR) et Maxime Prévot (Les Engagés) avaient pourtant clairement affiché leur intention: la nomination des enseignants passera à la trappe et sera remplacée par la figure contractuelle classique, le CDI. Sans effet rétroactif, toutefois. Ce n’est qu’en modifiant le statut des profs qu’on parviendra, soutiennent le MR et Les Engagés à lutter contre la pénurie, à renforcer l’attractivité du métier, favoriser la réaffectation du personnel et valoriser l’expérience utile des enseignants de seconde carrière. «L’école, c’est d’abord avoir un enseignant chaque jour dans chaque classe.»

Or, la pénurie d’enseignants (20% des jeunes quittent la profession dès la première année, 35% le feraient dans les cinq premières années) et le taux d’absentéisme, surtout chez les plus âgés, sont deux des principaux symptômes d’un secteur qui ne cesse de crier son mal-être.

«Certains directeurs vont agir comme s’ils dirigeaient une PME.»

De retour, les pistonnés?

CDI, pour contrat à durée indéterminée ou pour «ce qui dérange et inquiète». Car du côté des syndicats, l’abolition du système de nomination ne poussera pas plus de jeunes à embrasser la carrière, ni à persévérer dans le métier. Elle ne fera que les insécuriser davantage. «Qu’il faille octroyer un CDI ou pas en début de carrière, on peut en reparler. Mais utiliser les droits de l’enseignant et le statut protecteur comme angle d’entrée ne fera qu’alimenter le climat de méfiance, argumente Roland Lahaye, à la tête de la CSC-Enseignement. En Communauté germanophone, pour donner un exemple de ce qui aurait pu se faire, un jeune commence avec un CDI puis est nommé à titre définitif. Mais la formation (NDLR: MR-Les Engagés) a tout simplement décidé de mettre fin au système de nomination de manière tout à fait arbitraire. C’est un retour en arrière, à une époque où un enseignant était engagé s’il plaisait à la direction.»

Pas franchement emballée non plus, la CGSP-Enseignement. Si son président, Joseph Thonon, valide certaines décisions annoncées ce 11 juillet par le duo de présidents, dont la suppression du décret paysage (avec retour à l’annualisation des études ou au décret Glatigny) et l’interdiction des smartphones dans le primaire et sa régulation dans le secondaire –«une mesure qui fera du bien à l’éducation»–, il dit ne pas comprendre le message adressé aux enseignants. «Donner un CDI à un jeune n’a aucun sens si celui-ci ne dure que trois mois ou qu’il s’agit plutôt d’une accumulation de CDD. Et pour les plus chanceux qui ont décroché un poste pour toute une année, ils ne seront pas plus assurés d’obtenir une place l’année suivante.»

Théoriquement, il est déjà possible de se passer des services d’un enseignant qui ne satisferait pas aux critères de compétences pédagogiques. Le décret sur l’évaluation des enseignants, voté sous cette législature finissante, devait aboutir à un licenciement, mais uniquement en cas de carence manifeste et répétée d’un professeur et si ce dernier refusait l’aide personnelle proposée. Des cas très rares, donc.

On pourrait objecter qu’un CDI inciterait justement les directions à tout faire pour garder entre leurs murs les bons éléments. «Il est vrai que vu la pénurie, les écoles ont tout intérêt à garder les enseignants qui professent bien, concède Joseph Thonon. Mais le système actuel confère déjà un statut prioritaire à ceux qui ont travaillé un certain temps dans l’établissement. Et avec la nomination, le directeur n’avait pas le choix de les garder ou non. Avec un CDI, ils ne seront plus prioritaires. Le système qui prévaudra est celui du copinage. Certains directeurs vont agir comme s’ils géraient une PME.»

Les syndicats sont également perplexes sur la fusion des réseaux du public. La CGSP taxe la mesure de défavorable à l’enseignement officiel, avantageuse pour le libre confessionnel. «Je ne m’attendais pas à ce que cette mesure arrive aussi vite. Les Engagés, il est vrai, ont toujours été proches de l’enseignement libre. Mais là, c’est un cadeau qu’ils lui font. Il est normal que l’enseignement libre bénéficie de moyens, notamment pour ses bâtiments. Le problème est qu’au lieu de les mettre à disposition du public, il les sous-louent pour des camps de vacances. Si le financement est augmenté, alors il faut aussi plus de contrôle des pouvoirs organisateurs.»

Il faudra aussi tenir à l’œil l’évolution de la situation dans l’enseignement provincial. En effet, cet échelon, en tant que niveau de pouvoir politique, sera appelé à disparaître en 2030. Les compétences seront transférées tantôt vers un niveau supracommunal, tantôt vers d’autres niveaux de pouvoir, moyennant l’approbation par une majorité des deux tiers au parlement de Wallonie, peut-on lire dans la note de politique générale. «A priori, seules les missions politiques sont appelées à disparaître, pas les compétences ni les services du quotidien», relève Joseph Thonon.

Autre mesure phare prévue dans l’accord de gouvernement pour la Fédération Wallonie-Bruxelles: la réorganisation du tronc commun. La troisième année du secondaire devient une année d’orientation pour les études qualifiantes et supérieures. Quant à l’alternance, elle sera instaurée dans chaque parcours qualifiant. «Nous avions exprimé la volonté de garder un tronc commun jusqu’à 14 ans au moins, réagit Roland Lahaye pour la CSC-Enseignement. Mais ce que nous combattons, c’est l’adéquationnisme. Lorsque l’école se met au service de l’entreprise. Nous craignons que les formations servent à façonner des élèves qui correspondraient à un certain type de profils recherchés.»

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