«Le yaourt peut réduire le risque de cancer colorectal», avait écrit le site de The Sun. Des recherches montrent que les bifidobactéries, présentes dans certains types de yaourts, réduiraient le risque de certains cancers colorectaux, mais augmenteraient celui d’autres types. Ce n’est donc pas si vrai que ça.
Sur son site, le journal britannique The Sun écrit que manger du yaourt au petit-déjeuner pourrait réduire le risque de cancer colorectal. L’article fait référence à une étude récente, basée elle-même sur deux autres études. A partir de questionnaires et d’échantillons de tissus prélevés sur des participants atteints d’un cancer colorectal, les chercheurs ont conclu à une association entre la consommation de yaourt et un risque réduit d’un certain type de cancer colorectal.
Selon la professeure Sabine Tejpar, oncologue digestive à l’UZ Leuven, cette conclusion doit être fortement nuancée. «Cet article a été publié dans une revue à impact plutôt faible, ce qui signifie que les preuves statistiques ne sont pas encore rigoureuses, explique-t-elle. De plus, ce que les chercheurs ne mentionnent pas dans le résumé, mais qui apparaît plus loin dans l’article, c’est que la consommation de yaourt semble avoir un effet positif sur certains types de tumeurs, mais négatif sur d’autres.»
«Tout dépend de l’emplacement dans l’intestin –que l’on divise en moitié gauche et moitié droite– et de la réaction de la tumeur aux bifidobactéries, que l’on retrouve notamment dans le yaourt. L’effet bénéfique de ce dernier n’a été observé que pour les tumeurs situées du côté droit et dans lesquelles des bifidobactéries étaient présentes. Mais pour les tumeurs situées du côté droit sans ces bactéries, on a au contraire constaté une augmentation du risque de cancer chez les personnes qui consommaient beaucoup de yaourt», a-t-elle tenu à préciser.
C’est pourquoi «des recherches supplémentaires sont donc nécessaires. Mais ces résultats ne me surprennent pas. Nous savons que 70% des cancers colorectaux sont la conséquence d’une inflammation mal régulée de l’intestin. Ce type d’inflammation se produit quotidiennement, mais normalement, les cellules se réparent d’elles-mêmes. Parfois, ce processus échoue et des cellules anormales subsistent. Si elles commencent à muter, des polypes apparaissent et peuvent évoluer en cancer. Ce type de cancer colorectal est plus fréquent du côté droit de l’intestin. Les bifidobactéries peuvent jouer un rôle dans la croissance de ces tumeurs. Mais dans d’autres cas, elles peuvent également avoir un effet bénéfique sur les cellules touchées.»
Le yaourt peut présenter des avantages et des inconvénients, et en tant qu’individu, il est impossible de savoir quelle est la meilleure option pour soi.
Alors, que penser finalement du yaourt? «Le yaourt peut présenter des avantages et des inconvénients, et en tant qu’individu, il est impossible de savoir quelle est la meilleure option pour soi. De nombreux facteurs entrent en jeu: le type de tumeur, la génétique, etc. Un doute raisonné est donc nécessaire. Il n’existe malheureusement pas de recommandation nutritionnelle universelle valable pour tout le monde.»
Des recherches supplémentaires sont nécessaires
La professeure Karen Geboes, oncologue digestive à l’UZ Gent, apporte également son lot de nuances. «Les chercheurs ont trouvé un lien entre les tumeurs contenant des bifidobactéries et la consommation de yaourt, mais il faut rester prudent quant aux recommandations spécifiques, analyse-t-elle. Nous savons qu’il existe un lien entre les bactéries présentes dans l’intestin et le risque de certaines maladies. Cependant, de nombreux facteurs entrent en jeu, et il n’est pas encore totalement clair quelles substances ont des effets positifs ou négatifs.»
Il y a dix ans, l’Autorité européenne de sécurité des aliments avait rappelé à l’ordre des fabricants de yaourts « sains » enrichis en probiotiques. «Ils n’ont pas le droit d’afficher des allégations santé sur leurs produits, car il existe trop peu de preuves quant à leurs effets précis. De plus, la quantité de bactéries contenue dans le yaourt est souvent assez faible. Des recherches supplémentaires sont donc nécessaires avant de pouvoir formuler des recommandations nutritionnelles spécifiques.»
Alors qu’en conclure? Les bifidobactéries, présentes dans certains types de yaourts, peuvent donc réduire le risque de certains types de cancer colorectal, mais augmenter celui d’autres types. Dire que le yaourt est salvateur peut donc être considéré comme faux.