dimanche, octobre 27

Le fiasco électoral des écologistes signifie-t-il que la cause climatique est perdue ? L’absence de vert dans les majorités sera un vrai test pour l’avenir de la lutte contre le réchauffement.

Il n’y a pas d’écologie sans les écolos ! Le slogan du parti qui a vu fondre son électorat lors du scrutin de ce 9 juin pourrait se vérifier. Ou pas. Depuis quinze ans, le discours de la plupart des partis a évolué sur les sujets environnementaux et climatiques. Après la crise bancaire et économique de 2009, seuls les écologistes s’intéressaient à ces questions. «Désormais, quasi tous défendent l’écologie et l’environnement, note Jean Faniel, directeur du Crisp. Même le parti d’extrême droite Chez Nous, qui s’est planté aux élections, y consacrait l’un des six points de son programme, soutenant certes une écologie du terroir avec des accents très maurassiens. Le seul grand parti qui fait vraiment exception en Belgique, c’est le Vlaams Belang qui tient un discours climato-négationniste.»

Il faut dire que l’environnement reste l’une des principales préoccupations des gens, comme l’ont montré les derniers sondages du CNCD-Le Vif ainsi que la grande enquête BVA qui, publiée au début du mois de mai dernier, révélait que l’environnement arrivait en troisième position dans les inquiétudes des Européens, après la santé et la guerre, et ex-aequo avec le pouvoir d’achat. Mais loin devant l’immigration, pourtant cheval de bataille des populistes. Y a-t-il dès lors un paradoxe entre ces études d’opinion et le vote de dimanche dernier qui a vu les verts s’effondrer dans de nombreux Etats de l’UE ?

Pas forcément. L’écologie n’est plus l’apanage des écologistes. «C’est un élément très positif, juge Nicolas Van Nuffel de la Coalition climat qui se veut pluraliste. Aujourd’hui, on ne doit plus débattre de l’ambition. Il y a une sorte d’unanimité, en tout cas du côté francophone. En Flandre, outre l’aveuglement du Belang, la N-VA est dans une logique de frein permanent.» On l’a vu durant cette législature avec la ministre flamande de l’Environnement Zuhal Demir qui a demandé à l’Europe de baisser l’objectif de réduction de CO2 de la Belgique… En Europe aussi, à part quelques exceptions, la plupart des partis consacrent une bonne part de leur programme à l’avenir de la planète, contrairement aux Etats-Unis, par exemple, où le climato-scepticisme est important chez les républicains.

Prendre Les Engagés au mot

«Au niveau de la population, on note cependant une grande diversité de comportements, nuance Jean Faniel. Il y a ceux qui manifestent pour le climat, ne prennent plus l’avion, roulent à vélo et ceux qui volent au moins deux fois par an, pour aller au ski en hiver et dans un pays méditerranéen en été, et ne veulent pas qu’on touche à leur voiture thermique. Dans les réponses politiques, il y a donc aussi différentes formes d’écologie. Cela va de la radicalité du PTB, qui prône un tournant anticapitaliste majeur, aux projets politiques plus à droite que certains vont taxer de capitalisme vert ou de greenwashing, en passant par les Ecolos qui essayent de modifier les usages des transports ou de coordonner les initiatives de transition climatique comme l’a fait Zakia Khattabi au fédéral. Donc, même si les écologistes restent des acteurs de premier plan pour l’environnement, on ne peut plus dire qu’on ne peut pas faire d’écologie sans eux

Pour Nicolas Van Nuffel, c’est maintenant qu’on va voir si les verts sont indispensables ou pas à la cause climatique. «Il faudra évidemment scruter ce qui sera inscrit dans les accords de majorité et ce qui sera mis en œuvre, dit-il. Rappelons que Les Engagés sont un des grands gagnants des élections. Or le parti de Maxime Prévot a fait du climat l’une de ses principales priorités et y a consacré une bonne partie de la campagne électorale. Il sera donc attendu au tournant pour qu’il fasse la démonstration qu’il peut y arriver sans les écologistes.» Cela pourrait s’avérer un point de discussion très chaud avec le MR.

Au niveau européen, où les groupes Verts/ALE ont perdu 19 sièges sur 72, l’enjeu est de taille aussi. Les résultats du scrutin mettent-ils en péril le Green Deal si chèrement acquis par la Commission UE d’Ursula Von der Leyen ? La coalition sortante qui a mis en place le Pacte vert semble partie pour jouer une deuxième saison, avec peut-être même l’appoint des écologistes. «C’est tout de même Von der Leyen qui a lâché du lest sur ce dossier avant les élections, observe le directeur du Crisp. On a dit que c’était pour séduire l’électorat populiste. Mais, avec la montée de l’extrême droite, elle pourrait arguer qu’on ne peut plus continuer de la même manière avec le Green Deal.»

«Aujourd’hui, on ne doit plus débattre de l’ambition, il y a une sorte d’unanimité sur la question, en tout cas côté francophone»

Nicolas Van Nuffel (Coalition Climat)

Il est vrai que c’est au sein du groupe socio-démocrate PPE, auquel appartient Ursula Von der Leyen, que cela se jouera. Pour faire plaisir aux agriculteurs en colère, nombre de ses députés ont saboté des projets importants, comme le règlement sur la restauration de la nature. Les objectifs de décarbonation (-55% d’ici 2030 et -90% d’ici 2040) devraient néanmoins rester de mise. «Il y a beaucoup de fébrilité au sein du PPE qui est particulièrement traversé par des tensions sur les questions environnementales, analyse le président de la Coalition climat. Là aussi, chez nous, il faudra suivre l’attitude des Engagés qui sont membres du PPE et qui ont soutenu Von der Leyen durant leur campagne.»

Le vrai défi des politiques, d’un côté comme de l’autre, aujourd’hui est de pouvoir offrir un discours vérité aux citoyens sur les questions environnementales. La polémique autour du plan Good Move à Bruxelles est en cela très révélatrice de ce qu’il ne faut sans doute plus faire. « Chacun s’est accroché à ses positions de manière dogmatique, regrette Van Nuffel. Or il faudrait avoir le courage de dire que, pour des raisons climatiques et aussi de santé, le nombre de voitures dans les villes doit diminuer drastiquement et, par ailleurs, de reconnaître que le plan actuel ne fonctionne pas surtout dans des quartiers où les gens se sentent déjà victimes de politiques publiques insuffisantes. On doit pouvoir en débattre sereinement et l’adapter.» Good Move est un bon exemple pour étudier l’évolution de l’écologie politique qui doit sans doute s’extirper d’un idéologisme exalté pour réfléchir à notre avenir commun.

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