lundi, janvier 6

2025 marque le bicentenaire de l’invention du braille. Pour l’occasion, la Ligue Braille a réalisé sa toute première enquête sur la connaissance de ce système de lecture et d’écriture auprès des personnes aveugles et malvoyantes. Seul un quart d’entre elles le maîtrisent. Connaître le braille reste pourtant essentiel à leur inclusion.

D’ici deux mois, la Ligue Braille publiera les détails de sa première grande enquête sur la maîtrise du braille chez les personnes déficientes visuelles. A l’occasion de la Journée mondiale du braille – ce 4 janvier –, elle annonce déjà un chiffre notable: seules 27% des personnes aveugles et malvoyantes connaissent le braille. Parmi elles, 57% l’utilisent régulièrement et 45% quotidiennement.

«Il n’existait jusqu’ici aucune donnée tangible sur le sujet en Belgique, explique Sylvie Degrelle, chargée de la communication à la Ligue Braille. On estimait que 20 à 25% des personnes aveugles et malvoyantes connaissaient le braille. C’est finalement un peu plus, mais ça reste un pourcentage assez peu élevé

Le fait que près de trois quarts des personnes aveugles et malvoyantes ne maîtrisent pas le système de lecture et d’écriture qui leur est dédié peut étonner. Cela ne surprend toutefois pas les travailleurs du milieu. «Dans l’imaginaire collectif, un aveugle a des lunettes noires, une canne blanche, un chien guide et il connaît le braille, note-t-elle. Mais c’est une représentation assez faussée. Par exemple, à peine 5% des personnes déficientes visuelles ont un chien guide.»

Cette faible maîtrise du braille s’explique en grande partie par les difficultés d’apprentissage. «Certains l’apprennent en six mois, d’autres en trois ans, voire plus encore, détaille Line Brasseur, de La Lumière, une ASBL centenaire qui accompagne les personnes aveugles et malvoyantes. Chacun apprend à son rythme, via des cours individuels.»

Âge, histoire personnelle, capacités cognitives: les facteurs qui influent sur l’apprentissage du braille sont très variés. «Quelqu’un qui naît aveugle a généralement plus de facilité, étant donné qu’on le leur enseigne à l’école et qu’on apprend mieux quand on est jeune, développe Sylvie Degrelle. Pour les personnes qui perdent la vue plus tard suite à un accident ou une maladie, c’est souvent beaucoup plus compliqué

La maîtrise du braille nécessite l’utilisation des index. Or, leur sensibilité diminue avec l’âge. «C’est encore plus marqué chez des personnes qui ont longtemps travaillé dans le bâtiment, par exemple. Les diabétiques perdent aussi très rapidement la sensibilité au bout des doigts, ce qui rend l’apprentissage du braille assez complexe», précise-t-elle.

Selon Line Brasseur, le manque de ressources explique aussi une partie du problème. « Pour prendre des cours de braille, il faut qu’une association existe à proximité du domicile. Or, ce n’est pas toujours le cas dans certains coins du pays. De plus, je pense que certaines personnes ne sont tout simplement pas au courant que nous sommes là et que nous disposons des moyens pour les aider dans cet apprentissage », regrette-t-elle.

Depuis pas mal d’années, de nombreux outils sont développés pour offrir une aide précieuse aux personnes déficientes visuelles. Elles leur facilitent le quotidien. La plupart de ces solutions sont basées sur l’audition.

«Aujourd’hui, une personne aveugle n’a plus aucune difficulté à comprendre un mail en l’écoutant ou à en envoyer un en le dictant, se réjouit Sylvie Degrelle. Les smartphones intègrent de plus en plus de fonctionnalités pour ces personnes et le nombre d’applications qui leur sont destinées ne cesse d’augmenter.»

Le boom de l’intelligence artificielle déploie également un nouvel éventail de possibilités. L’application belge OKO permet par exemple de reconnaître la couleur des feux de signalisation et les destinations inscrites sur les bus.

Sylve Degrelle pense aussi aux progrès réalisés par l’application Be My Eyes. «C’est notamment utile lorsqu’une personne aveugle cherche du lait de soja dans un magasin et qu’elle ne trouve personne pour l’aider. Jusqu’il y a peu, l’application lui permettait d’entrer en communication avec un bénévole voyant qui regardait le rayon via la caméra du téléphone et qui la guidait pour trouver le produit. Désormais, l’IA peut aussi être mobilisée, afin que l’utilisateur puisse obtenir une aide à tout moment de la journée.»

Les bénéfices de ces outils sont incontestables et il ne faut évidemment pas les rejeter. Il n’empêche que cet afflux de solutions technologiques cache un effet pervers: le risque du recul du braille.

«Par facilité, certaines personnes ont tendance à se tourner vers des aides liées à l’audition et à se détourner du braille, s’inquiète Line Brasseur. C’est problématique, car une personne qui n’apprend qu’en écoutant perd toutes les subtilités de la langue.»

Actuellement, le braille reste la seule méthode via laquelle les personnes déficientes visuelles peuvent apprendre la grammaire et l’orthographe. «C’est pourtant indispensable sur de nombreux plans, souligne la responsable communication de La Lumière. Nos transcriptrices s’attachent à transcrire en braille les cours des personnes que nous aidons, pour qu’elles puissent s’insérer dans l’enseignement ordinaire. Dans la recherche d’emploi, ne pas savoir lire et écrire constitue également un frein. La maîtrise du braille joue donc plus globalement sur l’inclusion sociale des personnes aveugles et malvoyantes.»

Pour maintenir le braille en vie, la Ligue Braille et des associations d’autres pays européens travaillent à sa reconnaissance au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco. «Il serait dramatique que les nouvelles technologies provoquent la disparition d’une invention bicentenaire toujours primordiale aujourd’hui, fait valoir Sylvie Degrelle. Les deux peuvent cohabiter harmonieusement

Cela passera d’abord par la reconnaissance du braille au patrimoine belge. Le dossier sera déposé auprès de la Fédération Wallonie-Bruxelles en février, avant d’être envoyé aux autorités flamandes deux mois plus tard.

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