mercredi, décembre 17

Colruyt Group essuie une nouvelle baisse de son résultat d’exploitation, ainsi qu’un recul de sa part de marché. Le leader de la grande distribution belge souffre notamment de la concurrence d’Albert Heijn en Flandre. Mais il a les cartes en main pour se redresser, estime l’expert du retail Gino Van Ossel.

Nouveau revers pour Colruyt Group. Après une première dégradation de ses résultats annuels en 2024-2025, la chute s’est confirmée ces six derniers mois. L’enseigne qui a fait des «meilleurs prix» son mantra a vu son résultat d’exploitation baisser de 15,8% au premier semestre de son année comptable 2025-2026, par rapport à la même période un an plus tôt. Même constat du côté de son bénéfice net, en baisse de 22,7%, pour s’établir à 150 millions d’euros (contre des prédictions tablant plutôt sur 176 millions). La part de marché du groupe, qui détient Colruyt Meilleurs Prix, Okay, Spar et Comarché a quant à elle reculé à 28,8% au premier semestre, contre 29,2% un an plus tôt.

Ces déconvenues financières ont eu des répercussions immédiates sur les marchés. L’action de Colruyt a ainsi dévissé de 7% à l’ouverture de la Bourse, mercredi matin. Comment analyser ce fléchissement? Décryptage avec Gino Van Ossel, professeur à la Vlerick Business School et expert du retail.

Colruyt Group doit-il réellement s’inquiéter de sa situation financière?

Gino Van Ossel: Non, ces chiffres ne sont pas du tout catastrophiques ni dramatiques. Colruyt est toujours leader du marché en Belgique et reste une référence. Des tas d’enseignes et de sociétés dans la distribution alimentaire rêveraient d’obtenir de tels résultats en matière de rentabilité. Prenons par exemple Carrefour, qui se questionne sur son départ potentiel du marché belge, ou encore Lidl, qui est en perte depuis deux années consécutives. Donc ces résultats ne m’étonnent pas, car Colruyt évolue quand même dans un marché difficile et fait face à des défis structurels.

Quels sont ces défis?

Le premier, c’est la forte concurrence au niveau des prix. Aujourd’hui, on voit que le consommateur est très sensible aux prix, ce qui est à l’avantage de Colruyt, car l’enseigne a développé toute sa stratégie autour de cette question. Mais ça affecte sa rentabilité, car dans un marché très serré, elle peine parfois à s’aligner. Colruyt souffre notamment de la présence d’Albert Heijn en Flandre. Côté francophone, il y a Intermarché, mais ce n’est pas une concurrence comparable à celle d’Albert Heijn, qui a développé une stratégie très agressive en matière de promotions. Colruyt reste meilleur marché en général, mais Albert Heijn parvient à tirer son épingle du jeu sur certains produits et à faire mal à Colruyt.

Le deuxième défi, ce sont évidemment les coûts des salaires, qui sont très élevés chez Colruyt en raison de sa commission paritaire spécifique. Mais l’alignement de ces commissions paritaires (entre indépendants/franchisés, intégrés et hypermarchés,…) est très complexe d’un point de vue social. Or, ces coûts salariaux pèsent sur la concurrence de Colruyt, notamment face à Albert Heijn, dont 100% des magasins sont franchisés et dont la logistique se trouve aux Pays-Bas.

Enfin, Colruyt souffre aussi de certains retards accumulés par le passé. Comme le fait de ne pas ouvrir le dimanche, malgré l’ouverture dominicale annoncée des magasins Okay et Okay City en 2026. Pareil pour le bake off: aujourd’hui, Colruyt vend du pain, mais qui n’est pas nécessairement cuit sur place, contrairement à d’autres enseignes où le client peut acheter une baguette fraîche. Colruyt est train de travailler sur un projet-pilote de bake off, mais ça arrive un peu tard. L’enseigne aurait dû agir plus vite sur ce point, comme Lidl, qui vend ce genre de produits de boulangerie depuis des années. Pourquoi Colruyt a trainé? C’est une question qu’on peut se poser.

Colruyt a-t-il les atouts pour maintenir sa position de leader?

Ca, c’est vraiment la question-clé. Je pense que Colruyt pourra maintenir son positionnement et rester l’enseigne de référence des meilleurs prix. Car la marque reste rentable et, même si les résultats ne sont pas bons actuellement, elle montre des signaux positifs, ainsi qu’une envie de s’améliorer et de se remettre en question. Ces dernières années, le groupe a posé des choix stratégiques importants: il s’est débarrassé de ses magasins intégrés en France et il a arrêté certaines activités non alimentaires qui n’étaient pas très rentables comme Dreambaby, Dreamland, Collishop. Cela va permettre à l’enseigne de se recentrer sur ses activités principales et de développer en outre son B2B, un secteur dans lequel elle obtient un beau taux de croissance. Bref, Colruyt est en train de se réinventer, mais il va falloir un peu de patience avant d’en voir les résultats.

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