Désireux d’augmenter subtilement les recettes fiscales du pays, Jan Jambon veut supprimer certains avantages fiscaux dans l’élaboration du budget 2026. Cela concerne de nombreux Belges, des multipropriétaires aux couples divorcés. Et le syndicat des propriétaires ne compte pas laisser faire.
L’Arizona avait jusqu’ici l’habitude d’être critiquée par la gauche, les syndicats ou le secteur associatif. Voilà que le Syndicat National des Propriétaires s’y met à son tour. La cause: la rétroactivité de certaines mesures fiscales, y compris la suppression de la déduction des intérêts pour des biens immobiliers dès l’année 2026, qui impactera le portefeuille des Belges dès 2025. L’organisme menace donc le gouvernement d’un recours à la cour constitutionnelle, et promet qu’elle le mettra à exécution si celui-ci vote la mesure.
En clair, les propriétaires de biens immobiliers qu’ils n’habitent pas pouvaient, jusqu’ici, déduire les intérêts du crédit contracté de leurs revenus pour leur déclaration d’impôts. L’entrée en vigueur de cette mesure en 2026 implique qu’elle concerne les revenus de l’année 2025. «Or de nombreux propriétaires ont construit un plan financier sur base de cette déduction fiscale, témoigne le président bruxellois du Syndicat National des Propriétaires et Co-propriétaires, Olivier De Clippele – qui est par ailleurs ancien sénateur MR. Cela alors que le marché locatif a besoin de cette déduction, sinon les propriétaires risquent de vendre leur bien et de faire diminuer l’offre locative», déjà trop courte en Belgique.
Les locataires et femmes divorcées pénalisées
La mesure s’inscrit dans un projet de loi «portant des dispositions diverses», qui est en quelque sorte la suite de l’accord de l’été et qui doit conduire aux discussions budgétaires qui s’ouvriront à la fin du mois. La fin de l’avantage fiscal n’y est d’ailleurs pas la seule mesure aux effets rétroactifs qui risque de faire parler dans les jours à venir. Le gouvernement Arizona compte également réduire progressivement la déductibilité fiscale des pensions alimentaires, et ce dès 2026 – c’est la fameuse «taxe sur le divorce». La déduction fiscale sur les voitures de société hybrides que l’Arizona avait inscrit dans sa déclaration de politique générale sera finalement abandonnée. Et, surtout, la déduction fiscale sur les dons caritatifs passerait également à la trappe. En 2022, cette dernière mesure concernait un million de Belges, la déduction sur les biens immobiliers en touchait 500.000, et l’avantage fiscal sur les pensions alimentaires en concernait 174.000 autres, selon des chiffres brandis par Vincent Van Quickenborne (Open VLD). Près d’1,7 million de personnes sont donc concernées par ces trois mesures.
Inquiet, l’ancien ministre de la Justice livre une analyse assez libérale sur ces mesures à venir. «Les propriétaires vont forcément répercuter la fin de cet avantage sur le prix de leur loyer, qui va donc augmenter, ou bien retireront leur bien du marché qui est déjà en pénurie.» Pour ce qui est de la fin de l’avantage fiscal sur le versement des pensions alimentaires, Vincent Van Quickenborne redoute des conséquences négatives sur les portefeuilles des femmes divorcées. Généralement, les juges de la famille prennent en compte les déductions fiscales dans leur jugement. Les personnes qui doivent payer ces pensions alimentaires risquent donc de saisir à nouveau le tribunal pour adapter le jugement. Et s’ils obtiennent gain de cause, les pensions alimentaires seront compressées.
«L’Arizona a déjà introduit au moins 20 nouvelles taxes»
Vincent Van Quickenborne parle d’une «rupture de contrat». Le libéral n’est pas foncièrement opposé à la fin d’avantages fiscaux pour autant. «En Flandre, on prend ce genre de mesures, mais pour les contrats à venir, pas ceux déjà existants. Par ailleurs, l’Arizona a déjà introduit au moins 20 nouvelles taxes, je pensais qu’ils avaient promis qu’il n’y en aurait pas une.»
Si l’Arizona tient debout, c’est notamment grâce à l’appui de Vooruit, et les socialistes flamands réclament une participation des «épaules les plus larges» à l’élaboration d’un budget déficitaire de 4,2% en 2023. La fin des avantages fiscaux à destination des multipropriétaires n’est-elle pas une contribution sensée, dès lors? «La plupart des propriétaires ne sont pas des bâilleurs extrêmement fortunés, avertit Olivier de Clippele. On parle plutôt de classes moyennes supérieures qui font du locatif. Au-dessus de trois ou quatre millions d’euros de capital, on n’investit plus dans la location, généralement.»















