dimanche, mars 30

Le ministre des pensions de l’Arizona, Jan Jambon (N-VA), présentait ce mercredi son exposé d’orientation politique sur les pensions. L’objectif est assumé: faire des économies sur la plus grosse source de dépenses du pays. Maxime Fontaine, économiste et chercheur en finances publiques à l’ULB, décrypte cinq mesures phares du ministre.

«Les dépenses sociales liées au vieillissement en Belgique augmenteront de 4,1 % % du PIB sur la période 2023-2070. En 2070, elles représenteront en Belgique 30% du PIB.» C’est par ces mots alarmistes que le ministre des Pensions, Jan Jambon (N-VA), présentait ce mercredi son exposé d’orientation politique, son programme stratégique pour la législature à venir en quelques sortes, à la Chambre. En réalité, la part du PIB du consacré aux pensions passera de 11,2% en 2023 à 13,7% en 2070. «A titre comparatif, la France consacre aujourd’hui 13,4% de son PIB aux pensions, souligne l’économiste et chercheur en finances publiques de l’ULB, Maxime Fontaine. C’est donc une question de choix politiques.» Ceux du ministre portent plus sur l’équité, alors que le système belge repose sur modèle de solidarité, constate Maxime Fontaine. Voici cinq mesures parmi les plus symboliques.

1. Les régimes préférentiels voués à disparaître via l’harmonisation des tantièmes

C’est un peu l’éléphant dans la pièce du programme de réforme des pensions de Jan Jambon, alors que la notion de tantième reste vague pour le grand public. Aujourd’hui, la pension est calculée via le salaire, multiplié à un certain pourcentage, multiplié à un tantième. Ce dernier élément est une fraction. «Concrètement, alors que la plupart des fonctionnaires se voient appliquer un tantième 1/60 présupposant une carrière de 45 ans, d’autres jouissent de tantièmes préférentiels. Le montant de la pension dépend de ce tantième, lit-on dans l’exposé ministériel. Pour les prestations effectuées à l’avenir à partir du 1er janvier 2027, nous ramenons tous les tantièmes préférentiels existants au système ordinaire (tantième 1/60) qui suppose une carrière complète après 45 ans de service.»

Maxime Fontaine voit dans cette mesure une raison «purement budgétaire». Initialement, ces tantièmes sont adaptés pour s’adapter à la réalité des travailleurs. Les professeurs bénéficient par exemple d’un tantième de 1/55. «En ramenant tout à 1/60, tous les cas particuliers prennent fin. La réforme de Di Rupo avait mis de l’ordre, mais chez les professeurs par exemple, on se demande un peu qui voudra être prof. Les pensions des fonctionnaires seront moins attrayantes, et on se demande un peu où l’on en sera dans dix ans

2. Des pensions de fonctionnaires limitées

A propos de fonctionnaires, un point du programme de Jambon consiste à plafonner les pensions les plus élevées, soit celles de plus de 5.000 euros comme le révélait l’Echo dans son édition de ce mercredi. «Lorsque les fonctionnaires actifs appartenant à une certaine corbeille voient leur traitement augmenter d’un certain pourcentage, les fonctionnaires retraités de la même catégorie voient leur pension, également augmenter d’un certain pourcentage, en plus de l’indexation habituelle», expose le ministre qui souhaite mettre fin à ce traitement qu’il estime inégal entre les fonctionnaires de différentes corbeilles. A partir de 2026, le régime des fonctionnaires sera «intégré dans la nouvelle enveloppe bien-être qui, après avis des partenaires sociaux, sera calculée sur la base d’autres paramètres», et le plafond Wijninckx (qui avait beaucoup fait parler en 2024) ne pourra être dépassé même en cas d’indexation.

Sauf que, comme le rappellent aussi bien le ministre que Maxime Fontaine, les pensions des fonctionnaires sont en réalité un salaire différé. «Les pensions élevées vont diminuer très vite, et très fort, appuie le chercheur. Il va donc falloir rendre le travail de la fonction publique beaucoup plus attractif.» Sauf que l’Arizona prévoit également d’abandonner la staturisation dans la fonction publique au profit de l’emploi contractuel.

3. Avec l’arrivée des malus pensions, l’Arizona accentue la pression sur les chômeurs longue durée

Selon Jan Jambon, «les gens sont financièrement incités à partir à la retraite de façon anticipée: le montant de la pension ne varie que faiblement selon que l’on part plus tôt ou que l’on travaille plus longtemps». Le nationaliste flamand entend donc réduire le montant de la pension de «de 2 % (jusqu’en 2030), de 4 % (jusqu’en 2040), de 5 % (à partir de 2040) par année d’anticipation avant l’âge légal de la pension». A contrario, si le travailleur prend sa pension après l’âge légal, les malus énoncés deviennent des bonus. Tout cela à condition d’avoir travaillé 35 années de 156 jours de travail (au moins) et 7.020 jours de travail effectif.

C’est un peu le principe de la carotte et du bâton. Bien que les périodes de maternité et interruption de carrière pour motif de soins seront assimilées, Maxime Fontaine y voit tout de même un désavantage pour les femmes qui interrompent plus régulièrement leur carrière que leur conjoint pour s’occuper de leurs enfants. En prenant sa pension à 64 ans, une femme subira plus naturellement le malus pension prévu par l’Arizona. Alors que son mari, qui atteindra plus vite les 35 années de travail complètes, à 62 ans par exemple, se verra proposer une carotte attrayante s’il poursuit sa carrière, illustre l’économiste.

4. Réduction des périodes assimilées

Dans la même veine que pour le point précédent, l’Arizona souhaite également réduire les périodes assimilées, ces périodes où une personne ne travaille pas contre son gré. «Environ un tiers des droits à la pension se fonde sur des périodes non travaillées en ce qui concerne les salariés», justifie le ministre. Les congés de maternité, parentaux ou de soins sont conservés mais les périodes de pré-retraites, de chômage longue durée ou d’emplois de fin de carrière sont en revanche supprimées du calcul de la pension. Des 2027, les pensions n’incluront plus les périodes assimilées qui représentent plus de 40% de la carrière, et ce taux diminuera de 5% chaque année jusqu’à 2031, où il atteindra 20%.

Cette mesure concerne plus le secteur privé. «Mais si l’on exclut les personnes sans-emploi du chômage après deux ans (NDLR: comme le prévoit l’Arizona dans réforme du travail), qu’est-ce qu’un chômeur de longue durée pour l’Arizona ?», questionne Maxime Fontaine, qui souligne encore que les femmes ont largement plus recours à ces périodes assimilées au moment de calculer leur pension.

5. La Grapa, où l’assimilation des aides sociales au système de pensions

Enfin, selon Maxime Fontaine, Jan Jambon serait même sorti de ses compétences en incluant dans son programme la Grapa (Garantie de Revenus aux Personnes Âgées). Ce système permet aux personnes qui n’ont jamais cotisé de toucher 1.215 euros par mois. Le ministre suspecte des abus sur le sujet et promet de renforcer les contrôles pour une gestion plus efficace afin de ne pas entacher «la confiance et la solidarité dans le système» en n’octroyant l’aide «qu’à des personnes résidant, depuis suffisamment longtemps, dans notre pays», soit cinq ans.

Si bien que le ministre entend collaborer avec ses collègues à différents échelons, Maxime Fontaine note également que «le problème actuellement réside moins dans le fait qu’il y ait trop de bénéficiaires, mais plutôt qu’une énorme partie de bénéficiaires potentiels ne demandent pas cette aide», ce qui entache d’autant plus le lien de confiance entre les bénéficiaires et l’Etat.

Voilà, dans les grandes lignes, cinq projets que Jan Jambon a présenté aux députés ce mercredi. En toute logique, les élus de la majorité ont salué «l’aspect social de veiller à la soutenabilité du système de pension», comme l’a fait Denis Ducarme (MR). Ceux de l’opposition, comme Ludivine Dedonder (PS), déplorent que «16% de l’effort budgétaire de l’Arizona portent sur les pensions», ce qui lui permet de dénoncer «la brutalité de ces réformes» qui «compromettent le contrat social». Tout ça n’est, évidemment, qu’une question de choix politiques.

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