L’avenir de la police locale est compromis à Bruxelles. Les néerlandophones en ont fait une priorité, mais le seul acteur francophone favorable, Ecolo, est le perdant des élections. L’ombre du fédéral plane sur le sujet.
L’un des éléments qui rebute le PS de s’asseoir à la table de la N-VA dans le but de la création d’un gouvernement bruxellois est la volonté affirmée des nationalistes de vouloir fusionner les zones de police bruxelloises. Au nombre de six actuellement, chacune compte sa hiérarchie, son administration et ses frontières, qui entraveraient – selon les partisans d’une fusion– le bon fonctionnement du service. Côté francophone, Maxime Prévot (Les Engagés) a ouvert la porte à l’idée en début de semaine avant de se faire rabrouer par les bourgmestres bruxellois ce vendredi dans La Libre. «Je soutiens la vision des bourgmestres, a assuré le président des Engagés bruxellois, Christophe De Beukelaer. Il faut diminuer la taille de l’appareil d’Etat à Bruxelles. Mais pour les zones de police, c’est symbolique. Aucun argument concret ne dit qu’une fusion serait bénéfique.»
Christophe De Beukelaer n’a pas complètement tort sur ce dernier point. Aucune donnée, aucun audit n’objective le débat, si ce n’est une étude, commandée par Jan Jambon (N-VA) à l’UGent en 2019, démontrant que les six zones de police fonctionnaient plutôt bien. Mais le visage de Bruxelles a changé depuis lors et la question sécuritaire a grossi.
De 182 à 60 zones à l’échelle nationale
Le dernier travail scientifique en date se plongeant dans le fonctionnement de la police belge a été réalisé par l’UCLouvain à la demande de la Gendarmerie Nationale française. «Il en ressort que la taille idéale pour une zone de police est d’environ 250 policiers, explique le professeur à la faculté de droit et de criminologie de l’UCLouvain et président du tribunal de première instance de Namur, Christian De Valkeneer, qui a participé à la réalisation du travail. Aujourd’hui, le nombre de zones de police est trop important. On devrait passer de 182 à une soixantaine.» Fusionner les équipes devrait permettre, selon lui, de mutualiser les équipes pour booster leur efficacité. «Par exemple, chaque zone doit consacrer 7 à 10% de son budget à un service de recherche et d’enquête. Dans une petite zone, cela peut représenter cinq ou six personnes. S’il y a un absent, cela peut amener les policiers à réaliser une perquisition à quatre, ce qui est vraiment difficile. Fusionner permettrait d’éviter ces pénuries et même à certains de se spécialiser, par exemple.»
Il existe plein d’outils de coordination logistique, d’information, de contrôle interne entre les zones. Tous ces éléments ne m’amènent pas à dire qu’il faudrait fusionner.
Au regard des chiffres, ce principe semble peu transposable à Bruxelles. «En Région wallonne, une zone de police comprend en moyenne 51.133 habitants, pour 63.316 en Flandre et 206.863 à Bruxelles, rappelle Christophe De Beukelaer. Fusionner les zones bruxelloises créerait une zone d’une taille énorme, de 1.241.175 habitants, comportant des milliers d’agents !»
Les six zones de police bruxelloises – à court de financement – sont déjà plus grandes que la moyenne nationale. La mutualisation des équipes n’est pas vraiment une priorité, glisse un haut gradé de la police de la capitale. «Au niveau de la stratégie, la conférence mensuelle des chefs de corps est très complète. Il y a un échange de bonnes pratiques, des invitations importantes, ce qui doit être uniformisé entre les zones l’est, et inversément. Le même type de réunion, mais avec le Parquet, devrait aussi commencer bientôt. Et il existe plein d’outils de coordination logistique, d’information, de contrôle interne entre les zones.» Ce policier rajoute que le mode de fonctionnement évolue lorsqu’un événement d’une ampleur nationale (un match de foot, une manifestation ou la nuit du Nouvel An) se déroule, avec la désignation d’un «Gold», sorte de chef de corps pour toute la région. «Tous ces éléments ne m’amènent pas à dire qu’il faudrait fusionner.»
La fusion des zones de police à Bruxelles, une question plus politique qu’institutionnelle
Théoriquement, les zones de police pourraient déjà fusionner à Bruxelles si elles le voulaient. «Dans le fond, je ne suis pas contre, poursuit la source policière. Mais je ne vois pas la plus-value à une zone pour 19 bourgmestres. Qui financerait cette grande police régionale? Actuellement, ce sont les communes qui financent leur police. Mais on pourrait parier que les communes créent leur propre police en parallèle. Au final, qu’aurait-on gagné ? Rien.»
Les finances restent, sans surprise, la clé de voûte du dossier. «Le fédéral finance la sécurité des zones liégeoises à hauteur de 148,15 euros par habitant, celle des zones anversoises à hauteur de 98,14 euros et celle des zones bruxelloises (pour les zones Nord et Ouest) à hauteur de 70,98 euros par habitant», rappelle Christophe De Beukelaer.
Une fusion imposée des zones de police impliquerait donc une réforme de la loi de 1998 sur la police intégrée. Une compétence qui concerne l’échelon fédéral et implique un vote à la Chambre, où une majorité sur le sujet serait facilement trouvable. Le nœud de la fusion des zones de police dans le cadre de la formation d’un gouvernement bruxellois n’est donc, au final, pas vraiment dans les mains des négociateurs.