vendredi, septembre 20

La plupart des communes ont vu le nombre d’emplois occupés sur leur territoire augmenter depuis les élections communales de 2018.

La question du travail est très souvent mobilisée pendant cette campagne électorale des élections communales 2024, comme c’était le cas pendant la campagne fédérale et régionale, qui s’est conclue le 9 juin par un basculement électoral historique. Mais quelles sont les communes qui ont le plus créé d’emplois depuis les dernières élections communales de 2018?

Au niveau communal, le taux d’emploi est souvent brandi comme le signe d’une bonne ou d’une mauvaise gestion de l’économie locale par les majorités en place. Il faut dire qu’il est très bas dans les grandes villes, et plutôt haut dans les belles banlieues. Or, c’est complètement trompeur, puisque le taux d’emploi (la proportion de personnes âgées de 20 à 65 ans qui habitent la commune donnée et qui ont un travail) ne considère pas du tout le dynamisme économique d’une commune, mais plutôt sa faculté à attirer chez elle des habitants qui travaillent. Pour éviter ce biais, et pour savoir si une commune crée vraiment de l’emploi sur son territoire, les économistes préfèrent s’intéresser au ratio d’emploi intérieur, qui croise le nombre de postes de travail existant sur la commune avec son nombre d’habitants.

Si on considère que les communes ont un rôle à jouer dans la création d’activité économique, donc d’emploi, c’est sur la création d’emploi sur son territoire, et pas au taux d’emploi, qu’il faut concentrer son attention. Et à cet égard, on peut distinguer les meilleurs (et les moins bons) élèves depuis les dernières communales d’octobre 2018 en comparant le nombre d’emplois (salariés, fonctionnaires et indépendants) exercés sur la commune en 2018 à celui d’aujourd’hui.

Les statistiques existent, mais les croisements qu’elles réclament à partir des bases de données de l’ONSS et de l’INASTI prennent du temps. Ce qui fait qu’il n’est aujourd’hui, à la veille des élections communales de 2024, possible que de comparer l’emploi intérieur de 2018 à celui de 2022. Cela donne toutefois de très éclairantes indications du potentiel économique d’une commune, et, si on veut croire que les bourgmestres et les échevins de l’emploi ont en ces matières un pouvoir signifiant, ces chiffres peuvent éclairer la campagne communale. Ou l’assombrir.

La tendance générale est à la hausse, puisque sur les 581 communes de Belgique, Flandre, Wallonie et Bruxelles comprises, il n’y en a que 51 dans lesquelles le nombre d’emplois, salariés et indépendants, a diminué entre 2018 et 2022.

Dans ces 51 communes, plusieurs ont été sinistrées par les dramatiques inondations de l’été 2021, ce qui explique évidemment la déperdition d’activité économique. C’est le cas de Trooz, qui a perdu 60 emplois entre 2018 et 2022 (-3,5%), d’Aywaille (3 petits emplois perdus, -0,1%), de Spa (103 emplois perdus, -2%) ou encore de Verviers (174 emplois perdus, -0,8%).

Plus étonnant, des communes plutôt prospères de la capitale, comme Etterbeek (2.330 emplois perdus, -8,5%) et Woluwe-saint-Lambert, (1.638 emplois perdus, -5,2%) ont vu beaucoup d’emplois disparaitre pendant cette période, et rien n’indique que la tendance s’est inversée depuis 2022. «C’est très clair», explique Olivier Maingain (DeFI), bourgmestre de Woluwe-saint-Lambert, «Ce sont des bureaux qui sont transformés en logement. Dans la seconde couronne de la région Bruxelloise, nous sommes très concernés par cette évolution, et elle nous coûte pas mal d’argent». Le précompte immobilier, les taxes sur les bureaux ou sur les parkings sont en effet perdus. Et les nouveaux habitants qui s’installent ou s’installeront dans les futurs logements, qui disposent de revenus très élevés, sont souvent immunisés par leur statut de diplomates ou de fonctionnaires européens…«On a fait le calcul, si tous les bureaux étaient transformés en logements, et que ces logements étaient tous occupés par des ménages à haut revenu, la recette communale y perdrait sept millions d’euros par an», dit Olivier Maingain.

Dans le Brabant wallon, les communes d’Ittre et de Rixensart ont également souffert, probablement à cause des transformations opérées dans le secteur pharmaceutique notamment. Tout au sud et à l’est du pays, de Virton à Bullange, en passant par Burg-Reuland via un crochet par Stavelot, les communes frontalières ont souffert de formes spécifiques de déperdition économique. En région liégeoise, la commune de Saint-Nicolas, 577ème d’un classement qui en compte 581, a vu 381 emplois disparaitre en quatre ans, soit une déperdition de 9% de son emploi intérieur. C’est principalement lié au départ d’une grosse structure, la clinique de l’Espérance, infrastructure désormais utilisée par un centre d’accueil pour demandeurs d’asile, beaucoup moins pourvoyeur d’emplois locaux. Mais la plus mal placée de toutes est la très rurale Saint-Hubert, au centre de la province du Luxembourg, qui a perdu 410 emplois nets, soit 13,8% de son total (salariés et indépendants) de 2018. C’est principalement la conséquence du départ de sa cité administrative fédérale, propriété de la Régie des Bâtiments, où travaillaient les employés du cadastre et du SPF Finances. Les trois étages plus le rez-de-chaussée de cette cité seront bientôt récupérés par la commune et son CPAS. « On a obtenu un bail emphytéotique de quinze ans du fédéral, et le bâtiment, qui est parfaitement fonctionnel, restera ainsi occupé », explique Pierre Henneaux, le bourgmestre de Saint-Hubert, qui observe que « le personnel de la cité administrative, qui doit maintenant aller travailler à Neufchâteau ou à Bertrix, n’a pas vraiment protesté ».

A l’autre bout du classement, Saint-Georges-sur-Meuse a vu son emploi intérieur croître dans des proportions astronomiques, de pas moins de 58%, entre 2018 et 2022, puisqu’on comptait 1.662 salariés et indépendants en 2018, contre 2635 en 2022. Cette hausse est due à un doublement de l’emploi salarié, le nombre d’indépendants est resté stable. Aucune commune belge n’a fait mieux, mais le champion de Belgique a la victoire modeste. «Ah oui?», demande Francis Dejon, bourgmestre Les Engagés de la municipalité liégeoise, située à deux pas de l’aéroport de Bierset et merveilleusement desservie par l’autoroute de Wallonie. «C’est principalement lié à Protection Unit, qui s’est installée chez nous et qui est en croissance vertigineuse», dit-il, non sans se réjouir de l’implantation, plus récente, d’un business park en voie de remplissage, qui va encore augmenter le nombre de ses emplois intérieurs. «C’est vrai que si les travailleurs n’habitent pas Saint-Georges, on n’en reçoit pas tellement de bénéfices fiscaux, hormis le précompte mobilier que paient les entreprises. Dans tous les cas, plus il y a de monde qui travaille, mieux c’est!», se réjouit-il. Les voisins de Grâce-Hollogne profitent eux aussi du rayonnement économique de l’aéroport de Bierset pour se placer tout en haut des communes qui ont créé le plus d’emploi en Belgique ces quatre dernières années.

Grandes villes: Charleroi mieux que Liège, Namur et Bruges

Dans les grandes villes, qui sont l’objet de toutes les attentions politiques et médiatiques, l’emploi a augmenté à un rythme différent sous la dernière législature communale. A cet égard, le bourgmestre de Charleroi Paul Magnette sera certainement soulagé d’apprendre qu’en contribuant à créer plus de 4.000 emplois salariés et indépendants sur la commune de Charleroi, et en haussant de 4,6% le nombre des emplois exercés sur son territoire entre 2018 et 2022, la métropole sambrienne est la grande ville francophone à avoir le plus progressé en ce domaine, ex aequo avec Bruxelles (qui a augmenté dans la même proportion de 4,6%, mais avec une création d’emploi nette de 11 150 temps plein). Namur (532 emplois net de plus, +2,7%), Mons (1032 emplois nets de plus, +2,1%) et Liège (532 emplois nets de plus, soit un petit 0,5% d’augmentation). La ville wallonne la plus peuplée fait même mieux que la prospère cité flandrienne de Bruges (1563 emplois nets de plus entre 2018 et 2022), et presque aussi bien que la ville de Bart De Wever, qui avec 11.000 emplois nets nouveaux, a augmenté leur nombre de 4,8% sur la période étudiée.

Toutes ces métropoles se situent bien loin de Gand, qui a haussé de 21.305 le nombre des postes de travail de salariés et la masse de ses indépendants, pour augmenter son emploi intérieur de 11,4% en quatre ans.

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