Les compteurs communicants se généralisent pour la distribution d’électricité. Concernant la distribution d’eau, le système existe, avec ses avantages et ses inconvénients. Il se développe dans certaines zones de Wallonie, puisque certains distributeurs ont fait ce choix. Explications.
Des compteurs d’eau communicants pour l’ensemble des ménages? Ce n’est pas demain la veille que cela va se produire, tant en Wallonie qu’à Bruxelles. En matière de distribution d’électricité, les pouvoirs publics ont entrepris de doter massivement les ménages de ce type de dispositifs. En octobre, le gouvernement wallon confirmait sa volonté d’accélérer la cadence, afin que le déploiement soit généralisé à l’horizon 2029. Le système suscite quelques réticences, mais présente surtout de grands avantages en matière de connaissance plus fine du réseau et de la consommation. Pour la distribution d’eau, c’est une autre histoire.
Si la Flandre a pour objectif de doter massivement les ménages de compteurs communicants à l’horizon 2030, ce choix est laissé à l’appréciation des distributeurs dans les deux autres régions. C’est la raison pour laquelle seuls certains de ces distributeurs, qu’il s’agisse d’intercommunales ou non, ont posé ce choix.
Les plus gros distributeurs ne l’ont pas fait, pour les ménages du moins, qu’il s’agisse de la SWDE en Wallonie et de Vivaqua en Région bruxelloise. En région liégeoise, en revanche, la CILE, deuxième plus gros opérateur wallon avec plus de 260.000 compteurs, a opté pour le compteur communicant, de même que l’AIEM (Association intercommunale des eaux de la Molignée), basée à Mettet, et divers distributeurs qui fonctionnent en régie communale, comme à Saint-Vith.
L’essentiel des consommateurs d’eau ne doit donc pas s’attendre à voir un compteur communicant d’eau installé à court ou à moyen terme. Et c’est la plupart du temps la question du coût de tels dispositifs, qui doit se répercuter sur la facture des consommateurs, qui est invoquée.
Une question de coût
«Des têtes de lecture sont installées sur les conduites, permettant de repérer des fuites par exemple, mais c’est bien pour des questions de coût qu’il n’a pas été décidé d’installer des compteurs communicants chez les particuliers», précise Stéphanie Van Schoors, responsable de la communication de l’Inasep, dans le sud de la province de Namur. «La question a été étudiée, mais c’est effectivement pour une question de coût qu’on n’a pas pris cette option. Il y a néanmoins certaines exceptions, dans des cas particuliers où les compteurs sont très difficiles d’accès, à Louvain-la-Neuve notamment», indique Raphaël Lateur, à l’intercommunale brabançonne in BW.
En Wallonie, la SWDE est de loin le plus gros distributeur, avec plus de 1,1 million de compteurs dans plus de 200 communes. Elle propose en revanche le système payant Easyconso, mais qui s’adresse à des gestionnaires de parcs immobiliers, qui peuvent être de gros consommateurs ou qui n’ont pas la possibilité de suivre de près la consommation auprès de chaque compteur. Il s’agit typiquement de villes et communes et autres pouvoirs publics. C’est ainsi, pour citer un exemple, que la Ville de Verviers se félicitait l’an dernier d’avoir économisé des dizaines de milliers d’euros à l’aide de compteurs dits «intelligents», permettant de surveiller la consommation en continu et de détecter des fuites, le cas échéant.
Le système reste donc payant et s’appliquerait difficilement à l’ensemble des ménages, encore pour des questions de coûts qui se répercuteraient sur la facture, assure Benoît Moulin, responsable de la communication de la SWDE. Tout d’abord, «notre réseau fait 37.000 km de long et il a été sectorisé. Des cellules de distribution ont été instaurées, avec des compteurs à l’entrée et une transmission des données. Le plus souvent, c’est à 3 h du matin que les comparaisons sont faites, permettant de relever une consommation anormale.»
D’autres moyens que des compteurs communicants
Ensuite, estime Benoît Moulin, les particuliers disposent de moyens relativement simples de contrôler eux-mêmes leur consommation, voire d’éventuelles fuites. Le relevé annuel de l’index en est un. «Ensuite, vous pouvez observer votre compteur lorsque vous ne consommez rien. Si les chiffres bougent, c’est qu’il y a un problème. Vous pouvez aussi relever l’index en allant vous coucher et faire une vérification le lendemain matin. Enfin, je dirais qu’une chasse d’eau qui fuit dans votre logement, vous l’entendez, alors que ce n’est pas forcément le cas au dernier étage d’un bâtiment communal où il n’y a personne la plupart du temps.»
En Région bruxelloise, explique Saar Vanderplaetsen, porte-parole de Vivaqua, des partenariats ont été conclus globalement dans un même esprit avec des clients non domestiques. «Il s’agit de smart metering, avec une boîte intelligente qui relève la consommation réelle une fois par mois, avec une information précise et en direct, l’avantage de ne pas devoir se déplacer pour Vivaqua et un système de détection de consommations atypiques pour le client.» Environ 400 bâtiments en sont dotés et des partenariats avec des écoles sont annoncés. Pour les consommateurs domestiques, en revanche, de bonnes vieilles techniques d’observation de sa propre consommation restent privilégiées, indique également Saar Vanderplaetsen.
La Cile, intercommunale compétente en région liégeoise, s’est par contre fixée pour ambition d’installer des compteurs communicants partout entre 2022 et 2035, soit à raison de 20.000 compteurs par an environ. Les anciens sont remplacés par des nouveaux au bout d’une quinzaine d’années de vie, tout simplement.
«Cela ne se fait pas du jour au lendemain, puisqu’il faut installer les compteurs, les antennes pour recueillir les données, le système de rapatriement et d’interprétation de ces données et l’anonymisation. Parfois, la configuration des lieux ne permet pas une transmission facile des données» au moyen des ondes radio, explique Colette Bawin, responsable de la communication de la CILE. Il s’agit donc d’un travail «de longue haleine, dont les différents aspects sont menés de front. C’est du long terme.»

En région liégeoise, ce choix s’est posé pour assurer un meilleur rendement du réseau. Les consommateurs, progressivement, n’ont plus besoin de relever eux-mêmes leur index, puisque cela se fait automatiquement. A terme, le système permettra de délivrer des alertes en cas de détection de fuite. Et puis, selon l’intercommunale, une meilleure connaissance des données de consommation permet aussi de mieux connaître l’état du réseau et de ses défaillances.
Le Conseil économique, social et environnemental de Wallonie (CESE) émettait en 2022 un avis sur l’usage de ces compteurs communicants, dans une perspective de lutte contre la précarité hydrique. Parmi les nombreux enseignements, l’organisme listait une série d’avantages et inconvénients du système, après avoir mené des auditions des opérateurs.
Compteurs communicants: les plus, les moins
Parmi les points positifs figurent la fiabilité des relevés, la facilitation de la facturation, les gains sur les frais de relevés, l’amélioration de la gestion du réseau ou encore la possibilité de prévoir un rationnement en cas de pression hydrique en été. De manière plus implicite, on devine aussi que le système permet aux distributeurs de détecter plus facilement les fraudes, vols d’eau et autres compteurs installés à l’envers. Pour les consommateurs, le CESE relevait le fait que les fuites peuvent être identifiées, les consommations mieux suivies et facturées avec fidélité, de manière plus consciente.
Mais des bémols sont également identifiés. Pour les opérateurs, il s’agit des coûts de gestion, d’investissement et de maintenance, entre autres. Pour les consommateurs, on relèvera l’impact en matière de coût-vérité de distribution, les questions liées à la protection de la vie privée et à la fracture numérique, sans oublier le fait que la détection d’une fuite ne signifie pas qu’elle est immédiatement réparée.
Les termes de «compteurs communicants» amènent, de fait, une floppée de réticences liées au respect de la vie privée. Pourtant, assure pour sa part Didier Léglise, directeur de l’Association intercommunale des eaux de la Molignée, «nous ne relevons les index que deux fois par an, pendant quelques secondes. Le compteur ne communique que lorsqu’on lui demande. Donc vous imaginez bien qu’on n’a aucune idée de comment les gens consomment précisément. Ce n’est absolument pas l’objectif, d’ailleurs.»
Cette intercommunale, où l’on dénombre environ 13.500 compteurs, a entamé en 2008 l’installation de compteurs communicants. L’ensemble de la zone, située à Mettet et alentours, en est donc équipée. «Les avantages sont nombreux. Pour l’intercommunale, cela représente des coûts en moins, en fait, puisque nous n’avons plus besoin qu’un indexeur aille de maison en maison. La détection se fait par déambulation en voiture, au moyen d’un module électronique. Pour un village de 250 maisons, cela demande une quarantaine de minutes.»
Les relevés sont effectués tous les semestres, si bien que les factures étant trimestrielles, une facture d’acompte est nécessairement suivie d’une facture de consommation, elle-même suivie d’une facture d’acompte et ainsi de suite. Pour les consommateurs comme pour l’intercommunale, les données sont dès lors plus fines. Lors des relevés, le dispositif permet aussi d’identifier d’éventuelles suspicions de fuites dans l’historique des données. «Nous pouvons alors prévenir les personnes, avant même qu’elles ne reçoivent leur facture», indique Didier Léglise, convaincu par l’efficacité des compteurs communicants, à l’échelle de son intercommunale du moins.




