jeudi, décembre 18

Le rapport des experts sur la réforme du paysage hospitalier est sur la table, et la Conférence interministérielle Santé a retenu douze recommandations pour lancer une phase de concertation entre niveaux de pouvoir. Au cœur du chantier, une recatégorisation des 132 hôpitaux avec 39 sites appelés à réduire leurs activités dès 2026.

Le rapport du groupe d’experts mandatés pour imaginer la réforme du paysage hospitalier est tombé, et il ne fait pas l’unanimité du secteur. Les huit ministres belges de la Santé réunis ce mercredi en Conférence interministérielle ont étudié les recommandations, pris acte du rapport et retiennent, à ce stade, douze pistes pour réorganiser structures et financements.

«Ce document ne constitue pas une décision politique mais ouvre une phase d’analyse et de concertation entre les différents niveaux de pouvoir», souligne le ministre wallon de la Santé, Yves Coppieters (Les Engagés).

Celles-ci devront encore être discutées selon la répartition des compétences. Une recommandation, structurante, dessine déjà une réforme concrète: la recatégorisation des hôpitaux.

«Une mesure est nécessaire, nous l’attendions depuis des années, confie Dieter Goemaere, directeur du secteur hospitalier à la GIBBIS. Les ressources se tendent, entre disponibilités individuelles et contraintes budgétaires. L’offre des soins belge est très fragmentée. Le pays compte trop d’hôpitaux qui veulent continuer à tout faire alors que les soins deviennent de plus en plus complexes et spécialisés. Il nous faut rompre avec la figure stéréotypée de l’hopital, pour venir à des sites hospitaliers distincts, avec chacun son rôle.»

Le schéma repose sur une ambition: répertorier les 132 hôpitaux de Belgique en quatre catégories.

D’abord, les hôpitaux généraux régionaux (HGR). Un statut de superhôpital réservé aux établissements de plus de 240 lits, avec une offre médicale et une infrastructure complètes, assurant soins et urgences 24/24 heures, sept jours sur sept.

Dans l’architecture, les hôpitaux universitaires (CHU) sont invités à renforcer leurs spécialisations, leur rôle dans la recherche, l’innovation et la formation. Ils sont décrits comme des centres d’expertise pour des pathologies complexes ou rares. Avec les HGR, ils seraient les seuls à conserver un service d’urgences.

En troisième position, les centres médicaux locaux (CML). Le rapport les décrit comme des sites de proximité rattachés à un hôpital de référence, centrés sur des soins ambulatoires spécialisés programmés et sur l’hospitalisation de jour. Ils n’auraient pas de service d’urgences. Le groupe d’experts veut faire basculer un maximum d’interventions vers ce modèle et donne un état des lieux pour 2024: 14% des admissions relèveraient d’hospitalisations de jour médicales, 54% d’hospitalisations de jour chirurgicales et 32% d’hospitalisations classiques.

L’argumentaire avance confort et sécurité, moins de besoins en personnel de nuit et de week-end, et un coût moindre pour le système de santé. Le rapport ajoute un chiffre lié à la pénurie, le staff infirmier dans un CML serait de deux à 2,5 fois inférieur au minimum requis dans un hôpital général de 150 lits fonctionnant 24/7.

Quatrième type d’établissement, les HSI ou hôpital de soins intermédiaires. Ils prendraient le rôle des soins de réadaptation, sans devoir fournir un nombre de lit minimum. Ces «petits-hôpitaux» concernent des patients souffrant d’affections cardio-pulmonaires, locomotrices ou neurologiques, de pathologies chroniques multiples, de troubles ­psycho-gériatriques ou relevant des soins palliatifs.

Une «crise» du financement?

La FGTB wallonne souligne un point peu développé du rapport: la réorganisation des sites hospitaliers entraînera des bouleversements dans les modes de financement et aura un impact sur les subsides publics. «Cette réforme hospitalière risque d’accélérer un sous-financement des hôpitaux au travers d’une diminution significative des remboursements de soins hospitaliers.»

Les experts ne parlent pas d’un budget unique, mais d’un ensemble de canaux. Une part importante de l’argent public arrive via le Budget des moyens financiers (BMF), un pot fédéral réparti entre hôpitaux pour couvrir des coûts de séjour et d’infrastructure, tandis que les honoraires médicaux, les médicaments et certains forfaits suivent d’autres circuits. Le changement proposé tient dans une formule: «Si l’activité doit être réorientée, l’argent doit suivre

A l’inverse, les futurs CML et HSI devraient recevoir un financement compatible avec leur mission, avec une prise en charge plus solide des coûts fixes liés à la réadaptation et un mécanisme de transition pour absorber la restructuration. Les experts avancent l’idée d’un fonds temporaire financé par réaffectation de lignes du BMF devenues difficiles à justifier, avec un ordre de grandeur de 130 millions d’euros par an pendant cinq ans.

Dieter Goemaere y voit un tournant avec des effets concrets: «Un site de troisième ou quatrième catégorie peut aussi devenir attractif tant sur le plan financier que pour le personnel. L’établissement n’est plus obligé de tout faire et peut se concentrer sur des soins précis. Il peut épargner des coûts sur certaines pratiques, et déléguer des opérations à des centres plus grands. Mais aussi, comme il ne devra plus assurer des permanences le week-end et la nuit, du personnel pourrait y trouver son compte. Ces centres auraient des conditions de travail moins éprouvantes.»

La mise en œuvre est décrite comme progressive. La réforme débuterait en 2026, avec un délai d’exécution de dix ans, divisé en deux périodes de cinq ans et assorti d’une évaluation intermédiaire par la CIM.

Moins d’hôpitaux et d’urgences

Pour Diter Goemaere, la division en quatre catégories entraînerait une dynamique de spécialisation et de transformation. Le rapport des experts cartographie le paysage et propose une trajectoire sur les sites appelés à devenir HGR, CML ou HSI.

Pour prétendre au statut d’hôpital général régional, un établissement devrait remplir trois normes, avoir au moins 150 lits aigus en 2026, puis 180 en 2031, atteindre un total de 240 lits tous types confondus en 2031 et assurer un minimum de 600 accouchements par an à la même échéance.

Selon le comité d’experts, 67 établissements sont déjà dans les clous. 26 auraient encore du chemin à parcourir pour répondre aux normes d’ici 2031. A l’inverse, 39 sites ne répondent pas aux critères et devraient commencer à réduire leurs activités à partir de 2026.

Le rapport cite deux exemples en Communauté germanophone, Eupen et Saint-Vith n’atteignent pas le seuil de 150 lits. Les experts recommandent de ne pas déroger à la norme, même si cela risque d’affaiblir l’offre médicale dans la région.

L’autre volet, le plus visible pour le public, concerne les urgences. La Belgique compte 124 services d’urgence, avec environ quatre millions de visites par an, et une organisation jugée trop morcelée. Les experts décrivent des services sous tension car ils couvrent à la fois l’aide médicale urgente et une partie de la première ligne, avec sur- et sous-utilisation.

Le rapport note qu’un peu plus de 19% des Belges se rendent chaque année aux urgences et relie ce recours à la proximité des urgences par rapport aux postes de garde et à une organisation des gardes jugée inégale, peu connue et peu exploitée.

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