Les Jeunes FGTB ont chiffré la précarité liée aux jobs étudiants. Conclusion: le nombre de jeunes obligés de travailler pour payer leurs études explose. «À ce rythme, seuls les employeurs de l’Horeca ne seront plus aux études», ironise la jeunesse syndicale.
«Ce n’est pas évident, mais je m’accroche. Grâce à ma force de caractère, j’ai toujours réussi sans casseroles, mais je suis obligée de tout faire dans l’urgence.» À 22 ans, Lara termine des études d’assistante sociale à la Haute Ecole Condorcet de Marcinelle. Obligée de cumuler deux jobs étudiants dans l’Horeca pour s’en sortir financièrement, elle a passé toute la nuit à peaufiner son TFE. «Jober, c’est le seul moyen de payer mes études et ma voiture», confie la jeune femme, qui vit chez ses parents. «Les loisirs? Je n’ai ni le temps, ni l’argent», regrette-t-elle.
«Les loisirs? Je n’ai ni le temps, ni l’argent»
Lara, une étudiante de 22 ans
Lara fait partie de la catégorie des «jobistes annuels» (166.917 jeunes en 2022), pour qui travailler en tant qu’étudiant est loin de se résumer à un peu d’argent de poche gagné durant les deux mois des vacances d’été. Or, selon une enquête de l’Observatoire de la Vie Étudiante de 2021, 80% des étudiants qui ont des fins de mois très difficiles ratent les cours à cause de leur activité salariée.
Le nombre d’étudiants qui jobent toute l’année explose
Forts de ce constat, les Jeunes FGTB ont chiffré – sur base des données de l’ONSS – les effectifs des jobistes, pour tenter de démontrer la précarité grandissante chez les étudiants. Les résultats sont sans équivoque: «Le nombre total d’étudiants jobistes a augmenté de 41% en dix ans», écrit la jeunesse syndicale. Qui va plus loin: le nombre d’étudiants travaillant durant le premier trimestre a bondi de 1088% (!) entre 2006 et 2023. «Or, il n’y a pas de congé dans le supérieur à cette période-là, complète Julien Scharpé, chargé de communication des Jeunes FGTB. Ce qui signifie que de plus en plus de jeunes manquent leurs cours à cause de leur job.»
«De plus en plus de jeunes manquent leurs cours à cause de leur job»
Julien Scharpé, chargé de communication des Jeunes FGTB
L’organisation dénonce un travail étudiant qui aurait perdu sa vocation. Ils remarquent que depuis 2019 (voir infographie ci-dessous), la part d’étudiants jobistes actifs durant les quatre trimestres de l’année dépasse celle des étudiants jobistes qui ne travaillent que pendant le troisième trimestre, celui des congés estivaux (ou des secondes sessions). «Il y a une forme d’injonction contradictoire d’à la fois encourager à jober le long de l’année, et d’à la fois durcir les conditions de finançabilité des étudiant·es qui font le choix d’étaler leur cursus dans le temps», déroule la jeunesse syndicale.
L’Horeca, en difficulté, participe à la précarité étudiante
Sans surprise, les jobistes travaillent surtout dans l’Horeca: ils sont trois fois plus qu’il y a dix ans dans le cas. «À ce rythme, seuls les employeurs de l’Horeca ne seront plus aux études», ironisent encore les Jeunes FGTB. «Le monde politique continue de présenter le travail étudiant comme un coup de pouce pour les entreprises, alors qu’il profite aux gros poissons, pas au cafetier du coin», explique Catherine Opalinski, coordinatrice de l’organisation.
Les étudiants qui souhaitent ou doivent travailler en parallèle de leurs études disposent d’un plafond annuel de 600 heures, et payent des cotisations sociales réduites. S’ils ne dépassent pas ce seuil, une cotisation de solidarité à la sécurité sociale de 2,71% est prélevée sur leur salaire brut. En échange de cette contribution, les étudiants jobistes sont protégés contre les accidents de travail.
Réforme du job étudiant: ce que veulent les Jeunes FGTB
«Un tel accès à la sécurité sociale est insuffisant», assène Julien Scharpé. Le problème, souligne-t-il, c’est que ces cotisations sociales réduites n’entrent pas en ligne de compte pour le calcul de la pension ou l’accès éventuel à une allocation de chômage en cas de perte dudit job étudiant. Un facteur aggravant pour la précarité étudiante et un manque à gagner de taille pour la sécurité sociale belge, selon la jeunesse syndicale. Qui demande également de mettre fin à la dégressivité salariale en fonction de l’âge. Concrètement, les jobistes de moins de 21 ans gagnent un salaire horaire moindre que leurs camarades plus âgés. Les Jeunes FGTB veulent supprimer le régime, discriminatoire et basé selon eux «sur aucune raison valable».
Les partis francophones proposent différentes mesures pour mettre fin à la précarité étudiante
Pour Julien Scharpé, ajuster à la hausse le montant des cotisations sociales pour les étudiants jobistes tout en abolissant la dégressivité salariale liée à l’âge permettrait soit de rendre l’enseignement supérieur gratuit, soit d’octroyer une bourse de 1.000 euros pour tous les étudiants.
Ce qu’en pensent les partis francophones
Pour l’heure, aucun parti n’a reçu l’étude des Jeunes FGTB, qui ont cependant eu des contacts avec les socialistes Pierre-Yves Dermagne et Karine Lalieux, ainsi que l’écologiste Georges Gilkinet, tous trois membres du gouvernement Vivaldi. Que proposent les partis francophones dans leurs programmes pour mettre un terme à la précarité vécue par de plus en plus d’étudiants jobistes?
Le PTB veut «une rémunération équitable pour tous les jobistes étudiants», en leur garantissant le salaire minimum du secteur dans lequel ils travaillent, sans conditions liées à l’âge.
Le PS propose de son côté l’instauration d’un revenu de base pour les 18-25 ans. Cette «allocation spécifique de sécurité sociale d’un montant forfaitaire» doit pallier le manque de revenu de remplacement pour les jeunes précarisés.
Afin de lutter contre la précarité étudiante, Ecolo souhaite «ouvrir des droits sociaux pour les étudiants-travailleurs et étudiantes-travailleuses», en augmentant la cotisation sociale de solidarité. Objectif: que les heures prestées puissent être considérées comme des heures effectives, en vue de la constitution des droits au chômage et à la pension.
Le MR souhaite – de manière assez vague – «l’élargissement des opportunités de jobs étudiants». Les libéraux francophones souhaitent également renforcer les collaborations entre l’enseignement et le monde du travail, pour libérer «des opportunités concrètes de carrière et de formation».
Comme le MR, DéFi et Les Engagés soutiennent le développement du statut d’étudiant entrepreneur, qui permet aux jeunes de concilier leurs études avec une première activité professionnelle. Les deux partis du centre(-droit) veulent aussi revoir le montant des allocations d’études, tout en élargissant l’accès aux bourses.