Le président américain entend avoir la peau du verdict rendu l’an passé à New-York, et qui a fait de lui le premier ancien président à être reconnu coupable dans une affaire pénale. Sa stratégie: en passer par une cour fédérale, qui pourrait faire prévaloir sa nouvelle immunité présidentielle acquise depuis lors.
Règle numéro 1: attaquer. Règle numéro 2: ne rien admettre et nier en bloc. Règle numéro 3: revendiquer la victoire et ne jamais concéder la défaite. Voilà le mantra de Donald Trump, que lui inculqua jadis son maître et mentor Roy Cohn, sulfureux avocat new-yorkais qui fut par ailleurs son conseiller juridique, du milieu des années 1970 à sa mort en 1986.
Réélu depuis quelques mois, le président américain applique encore et toujours cette redoutable recette, particulièrement en ce qui concerne ses affaires judiciaires. C’est qu’il y en avait, des choses à nier en bloc, dans le courant des années 2023 et 2024, Trump ayant été poursuivi avant son élection pour avoir tenté de renverser le scrutin en 2021 (ce qui avait donné lieu au fameux saccage du Capitole), pour des soupçons de fraude électorale (en Géorgie, lors du même scrutin), pour avoir conservé des documents classifiés dans sa résidence de Mar-a-Lago après avoir perdu l’élection (même scrutin), et enfin, pour avoir détourné l’argent de sa campagne de 2016 en vue de faire taire, moyennant un pot-de-vin, l’ancienne actrice porno Stormy Daniels —avec qui le président a entretenu une brève liaison dans les années 2000.
Immunité
La grande majorité de ces affaires ont débouché sur l’abandon des poursuites suite à la réélection de Donald Trump. Ou bien sont extrêmement compromises, comme en Géorgie, au point qu’un procès là-bas pourrait bien ne jamais avoir lieu, et certainement pas en plein mandat présidentiel. Trump a bien été aidé, à ce titre, par la Cour suprême, qui, en juillet 2024, a accordé au président l’immunité pour ses actes officiels.
«La Cour suprême, dans sa décision sur l’immunité a utilisé un langage ‘large’ pour décrire les preuves liées aux ‘actes officiels’ en tant que président»
Reste une affaire qui elle, a abouti, menant à la première condamnation, au pénal, d’un ancien président des Etats-Unis. Elle implique Stormy Daniels, de son vrai nom Stéphanie Clifford, que Trump a tenté de réduire au silence onze jours avant l’élection présidentielle de 2016, moyennant un paiement de 130.000 dollars (elle menaçait de divulguer une relation sexuelle, datant de 2006, avec l’homme d’affaires). Sauf que le secret a été éventé. Et que l’avocat de Trump à l’époque, Michael Cohen, lui-même cerné par la justice américaine, a fini par lâcher le morceau, expliquant que l’argent qui a servi à soudoyer Clifford provenait des comptes de campagne du milliardaire, une violation flagrante de la loi sur le financement électoral aux Etats-Unis.
Si Trump n’a écopé que d’une sentence symbolique (il a été dispensé de peine en janvier dernier), sa condamnation n’en demeure pas moins réelle et inscrite à son casier judiciaire. Alors, que faire? Règle numéro 3: ne jamais concéder la défaite. Avant le prononcé de sa peine —qui reconnait sa culpabilité—, les avocats de Donald Trump ont donc saisi par deux fois la Cour suprême… sans succès.
Cas inhabituel
Alors, ces jours-ci, on en revient à la règle numéro 1: attaquer. Comme l’on rapporté divers médias américains, le 11 juin dernier, l’équipe juridique du président entendait faire transférer l’affaire, pour l’instant cantonnée à la juridiction de l’Etat de New-York, devant une cour fédérale (en appel), officiellement pour des motifs d’impartialité. Surtout, cela permettrait d’invoquer l’immunité présidentielle pour faire sauter sa condamnation. Un mois avant l’audience, le département de la justice américain a justement transmis au tribunal un document juridique plaidant la cause de Trump en vue d’un éventuel transfert de l’affaire.
Si la majorité des juges estiment que le cas est «hautement inhabituel», certains ont fait valoir qu’un tel transfert serait «anormal», du fait notamment que les actes pour lesquels Donald Trump a été condamné ont été transmis quand il n’était pas encore président. Difficile, dans ce cas, de faire joueur l’immunité accordée par la Cour suprême devant une cour fédérale. Affaire close? Pas vraiment. A l’audience, un juge a également fait remarquer que «la Cour suprême, dans sa décision sur l’immunité (NDLR: en juillet dernier), a utilisé un langage « large » pour décrire les preuves liées aux « actes officiels » en tant que président», rapporte la radio publique américaine NPR.
En attendant une décision de la cour d’appel fédérale de Manhattan en vue d’un éventuel transfert (qui laisse sceptique les juristes américains), les avocats de Trump continuent, eux, de faire feu de tout bois: juste après la condamnation de Trump en janvier dernier, ces derniers ont déposé un recours auprès d’une cour d’appel de l’Etat de New York. Sait-on jamais…