samedi, mars 22

En plus des indemnités de logement défiscalisées, la majorité des ministres fédéraux profite d’un logement de fonction à leur cabinet. David Clarinval (MR) dispose même d’un appartement loué pour lui, par l’Etat, dans le privé.

On dirait qu’il y a quelque chose qui les gêne, là-dedans. Les 18 et 19 mars, les ministres fédéraux présentaient à la Chambre leur exposé d’orientation politique, la feuille de route de leur action pour la législature. Là comme ailleurs, ils ne sont pas tellement enclins à communiquer sur les avantages auxquels leur statut donne accès. Spécialement sur une incongruité pour le bon sens, qui leur offre à la fois un logement de fonction et une indemnité défiscalisée pour frais de logement.

Les circulaires qui règlent ces questions sont adoptées en début de législature par le Conseil des ministres, mais ne doivent pas être publiées au Moniteur. La dernière circulaire établissant le package salarial des ministres fédéraux à avoir reçu les honneurs du Moniteur, sur laquelle se sont basées les suivantes, l’a été en 1996.

La rémunération des ministres est traditionnellement répartie entre trois postes: le traitement à proprement parler, des frais de représentation et des indemnités pour «frais de logement et de domesticité». Les deux derniers postes sont exonérés de l’imposition sur le revenu, et contrairement aux frais de représentation, les frais de logement et de domesticité, eux, ne doivent pas être justifiés.

Le package salarial des ministres fédéraux sera aussi ternaire sous l’Arizona qu’il le fut sous la Vivaldi et les coalitions précédentes.

On ne change pas…

La dernière circulaire du gouvernement De Croo, adoptée fin 2022 alors que la Vivaldi s’imposait, sous la sonore appellation de sobriété, une réduction de 8% des rémunérations ministérielles, courait pour 2023 et 2024. Elle prévoyait, pour un ministre, un traitement brut annuel de 239.759, 89 euros, augmentés de 369,82 euros de frais de représentation et de 1.849,11 euros de frais domestiques et de logement.

Voilà pour la base de ce que reçoivent les ministres. Ils ont également droit à un pécule de vacances, à une allocation de fin d’année et à des allocations familiales. Chaque ministre, ajoutait la circulaire, «dispose d’une voiture automobile avec chauffeur, tous les frais étant à charge du fonctionnement de son secrétariat», mais celui qui souhaitait utiliser sa propre voiture recevait une indemnité kilométrique forfaitaire.

Signe de l’entrain avec lequel le fédéral souhaite porter ces sujets sur la place publique, la circulaire adoptée par le nouveau gouvernement De Wever, et qui ne sera jamais publiée au Moniteur, ne nous a pas été communiquée. Trois des quatre porte-parole de Bart De Wever, sollicités depuis trois semaines, ont livré des réponses soit inexistantes, soit contradictoires. Les porte-parole de trois ministres ont cessé de répondre aux sollicitations et aux relances du Vif, et un ministre a dit qu’il regarderait quand il serait revenu d’un sommet européen, puis il n’a plus jamais donné de nouvelles. Mais il est certain que le package salarial des ministres fédéraux n’a pas été modifié substantiellement, et qu’il sera aussi ternaire sous l’Arizona qu’il le fut sous la Vivaldi et sous les coalitions précédentes. Bart De Wever et ses ministres perçoivent donc, chaque mois, des indemnités pour frais de logement et de domesticité sur le modèle de ce qui existait sous Alexander De Croo.

Ils ne paieront pas le loyer, ni avec leurs frais de logement ni avec l’argent de leur traitement.

18.000 euros de loyer par an

Une autre circulaire affecte directement le train de vie des ministres. Elle non plus n’est jamais publiée au Moniteur, mais elle n’est pas encore passée en Conseil des ministres. Elle concerne l’hébergement des ministres et de leurs cellules stratégiques, autrement dit les cabinets. C’est la Régie des bâtiments, sur laquelle la ministre Vanessa Matz (Les Engagés) exerce la tutelle, qui met à disposition et, le cas échéant, aménage les locaux dévolus aux membres du gouvernement fédéral. La Régie et Vanessa Matz sont occupés à préparer la note au Conseil des ministres, mais on sait déjà aujourd’hui ce qu’elle contiendra, puisque les ministres sont déjà installés dans leurs locaux et que leurs équipes, dont on connaît évidemment la taille, sont déjà largement composées, bref, que tout le gouvernement fédéral n’a pas attendu cette circulaire pour se mettre au boulot.

C’est pourquoi on a déjà connaissance que des membres du gouvernement De Wever encaissent une indemnité défiscalisée pour se loger tout en disposant d’un logement de fonction dont, fatalement, ils ne paieront pas le loyer, ni avec leurs frais de logement ni avec l’argent de leur traitement, et donc jamais avec leurs propres moyens.

Ainsi, Bart De Wever peut-il emblématiquement profiter du Lambermont, résidence officielle du Premier ministre, s’il désire dormir à Bruxelles, mais il perçoit tout de même une indemnité de logement. C’était déjà le cas d’Alexander De Croo évidemment, qui avait avoué rentrer chaque soir chez lui à Brakel, sauf lorsqu’il était en mission à l’étranger, et il est fort probable que le séparatiste anversois regagne ses quartiers scaldéens une fois sa journée fédérale terminée. Frank Vandenbroucke (Santé), Bernard Quintin (Intérieur), Maxime Prévot (Affaires étrangères), Rob Beenders (Egalité des chances), Vanessa Matz (Entreprises publiques), Jean-Luc Crucke (Mobilité), Anneleen Van Bossuyt (Migrations) peuvent jouir d’un cadre moins prestigieux pour passer la nuit à leur travail, dans les pièces à vivre, à manger et à dormir, aménagées dans leur cabinet.

Certains se contentent de l’indemnité de logement, sans avoir à leur disposition au cabinet un coin où dormir, un kot ou carrément un appartement. C’est le cas des deux ministres CD&V Annelies Verlinden (Justice) et Vincent Van Peteghem (Budget), qui habitent à Anvers pour la première et en région gantoise pour le second, et qui n’ont pas estimé nécessaire de profiter d’un logement de fonction. Theo Francken, ministre de la Défense mais résident et bourgmestre de Lubbeek, dans le Brabant wallon, et Eléonore Simonet, ministre des Classes moyennes, rare bruxelloise du gouvernement fédéral (il n’y a que son camarade Quintin, à l’Intérieur, qui le soit aussi), n’ont pas de long chemin à traverser pour regagner leur domicile –il y a certainement des lits de camp déployables chez le ministre de la Défense, mais ils ne sont pas répertoriés comme un logement.

La jeune libérale partage avec deux de ses collègues réformateurs, le vice-Premier David Clarinval et le ministre de l’Energie Mathieu Bihet, des bureaux rue Ducale. Ces locaux n’étant pas dotés d’appartements, ses locataires étaient éligibles à l’attribution d’un logement loué pour eux dans le privé par la Régie des bâtiments. Mathieu Bihet n’a finalement pas souhaité en profiter: le Neupréen se contentera lui aussi de l’indemnité de logement.

Mais le vice-Premier ministre David Clarinval, lui, habite encore plus loin que Neupré, à Bièvre. Aucun ministre n’est domicilié si loin de Bruxelles que lui. Alors, il a pu prolonger un fructueux bail, qui le voyait cumuler la réception mensuelle de quelque 1.900 euros de frais de logement non imposés avec l’occupation d’un logement de fonction dans le privé, dont le loyer était sous De Croo, et sera sous De Wever, payé par la Régie (17.812,56 euros, indexation non comprise, par an). David Clarinval boude Le Vif depuis que Le Vif avait écrit que l’entreprise qu’il dirige, Clarinval Constructions, avait obtenu des marchés publics de la commune qu’il gouverne, Bièvre, et qu’il avait même personnellement voté ces attributions de marchés publics à sa société privée. Son porte-parole non plus n’a pas répondu à nos demandes répétées.

On dirait qu’il y a quelque chose qui le gêne, là-dedans.

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