Les fournisseurs proposent des contrats d’énergie toujours plus nombreux. Cette fragmentation de l’offre s’explique, mais elle ne débouche pas spécialement sur des prix plus bas pour le consommateur. C’est même plutôt l’effet inverse…
Pixel (Total Energies), Smart Green Flex (Mega), Basic Flex Pro (Luminus), Direct (Engie), Energie Verte Variable (Dats 24)… Les fournisseurs d’énergie redoublent d’ingéniosité pour proposer des formules toujours plus diverses et précises selon les besoins, mais parfois très complexes à déchiffrer pour les clients. Les chiffres prouvent une multiplication du nombre de contrats d’énergie sans équivoque. En Flandre, les offres destinées aux particuliers n’ont jamais été aussi élevées que durant ce mois de novembre, calcule De Morgen.
Contrats d’énergie: les offres ont augmenté en 2023 et 2024
«On observe une évolution similaire en Wallonie, mais moins prononcée, développe Laurent Jacquet, directeur de la CREG, le régulateur fédéral de l’énergie. Des nouveaux fournisseurs sont devenus actifs en Flandre au cours de la période écoulée (Energy Knights, Energy Together, Energyvision/Brusol). Et à Bruxelles, l’évolution est beaucoup plus limitée en raison du faible nombre de fournisseurs présents.»
Sur la dernière année, les offres de formules ont considérablement augmenté en Belgique. La différence est marquante par rapport à la période Covid (2020) et la crise énergétique qui a suivi (2021 et 2022), où le nombre de produits avait fortement diminué, notamment les produits fixes. «Au cours des années 2023 et 2024, l’offre a de nouveau augmenté, en partie en raison de l’entrée de nouveaux fournisseurs et de l’augmentation des produits fixes et dynamiques», analyse Laurent Jacquet.
En Wallonie, à titre indicatif, Mega propose le plus de formules, alors que Dats24 est le fournisseur qui en offre le moins.
Contrats d’énergie: la Wallonie derrière la Flandre
Testachats, l’association de défense des consommateurs, remarque également la multiplication des contrats d’énergie. Mais ce nombre doit être nuancé, dit-elle, car il regroupe tous les types de contrats: gaz, prélèvement d’électricité, injection d’électricité, contrats d’achat groupé… «Cela signifie que si un contrat est également proposé avec une option d’énergie verte contre supplément, il s’agit d’un contrat distinct», explique Lisa Mailleux, porte-parole.
Voici les chiffres dont dispose Testachats en novembre (offres régulières, sans contrats d’achats groupés):
- Wallonie: 37 contrats pour l’électricité (classiques uniquement, dynamiques uniquement à partir de 2025). Pour le gaz, 35 contrats.
- Bruxelles: 13 contrats pour l’électricité (classique uniquement, dynamique uniquement à partir de 2025). Pour le gaz, 12 contrats.
- Flandre: 71 contrats pour l’électricité (56 classiques + 15 dynamiques). Pour le gaz, 51 contrats.
Libéralisation des marchés
Cette tendance à la fragmentation de l’offre des contrats d’énergie s’explique «par l’augmentation des critères disponibles pour choisir un contrat», observe Steven Van De Walle, professeur en administration publique à la KU Leuven, qui a réalisé une étude sur le sujet.
Ainsi, la nature des contrats s’adapte désormais précisément selon les nouvelles réalités du marché de l’énergie: fixe ou variable («flex»), durée sur-mesure, contrat groupé… Et ce n’est pas tout: l’énergie verte, les injections (pour les propriétaires de panneaux photovoltaïques), les compteurs dynamiques ou les pompes à chaleur sont autant de paramètres qui peuvent déboucher sur un contrat d’énergie différent.
«La situation actuelle est le résultat de la libéralisation des marchés de l’énergie intervenue en 2003», retrace le professeur. Le but était alors de laisser le choix au consommateur d’opter pour un contrat qui s’adapte mieux à sa manière d’utiliser l’énergie: voiture électrique ou non, activité dans le ménage en journée ou en soirée, etc.
Une comparaison complexe… et boudée
L’augmentation de l’offre débouche sur une compétition entre fournisseurs qui n’était pas présente par le passé. «Mais cette abondance du choix n’a pas que des avantages: elle rend la comparaison très compliquée pour le consommateur», s’inquiète Steven Van De Walle. Et de rappeler certains chiffres: les clients qui changent de fournisseur sont en baisse, tout comme l’utilisation des comparateurs officiels. Paradoxal, alors que le choix est toujours plus grand. «De moins en moins de gens font l’effort de changer de fournisseur».
Le grand nombre de produits, en particulier dans le cas des produits variables, peut en effet avoir un impact négatif sur la transparence, confirme Laurent Jacquet, directeur de la Creg. «Il existe de nombreux produits qui, à première vue, se ressemblent beaucoup, mais où l’on peut noter un certain nombre de différences. Par exemple dans le montant et le prix de l’abonnement, le type de paramètre d’indexation, ou les conditions d’éventuelles remises. Il est évident que cela rend la comparaison des différentes offres plus complexe pour le consommateur.»
A cet égard, le CREGScan vise à réduire cette complexité en donnant la possibilité au consommateur de comparer son contrat avec le moins cher et le plus cher du marché. Il en va de même pour les autres comparateurs labellisés par la Creg.
La surcharge du choix
Le fait que le consommateur reste statique face à l’augmentation des offres peut trouver son explication dans des logiques de marketing comportemental, selon Steven Van De Walle. La théorie du «choice overload» (surcharge du choix), estime que plus le consommateur a de choix, moins il agira.
Ce «stress» ou «paradoxe» du choix est basé sur une expérience simple réalisée en 2004 par le psychologue américain Barry Schwartz. Dans un supermarché, il place six types de confiture à disposition des consommateurs. Le taux d’achat est d’abord de 30%. Ensuite, il augmente ce nombre à 24 confitures, dans le même rayon. Le taux d’achat chute alors à 3%.
«Face à l’abondance, les clients restent immobiles. D’autant plus que les bénéfices d’un changement ne sont pas toujours évidents, ou minimes, note le professeur de la KU Leuven. Et les démarches s’avèrent parfois trop grandes pour économiser finalement peu d’argent.» Ce qui n’était pas le cas en plein cœur de la crise énergétique, durant laquelle il était facile d’économiser beaucoup avec un petit changement. «Maintenant, les marges sont plus limitées.»
Complexifier l’offre pour maintenir les prix élevés
Si les réalités changeantes du marché de l’énergie expliquent en partie la pullulation des contrats, la démarche marketing des fournisseurs est évidente, selon Steven Van De Walle. «Pour eux, cela vaut la peine de changer les noms des contrats pour rendre le choix plus complexe. Et la comparaison presqu’impossible entre un contrat actuel et les nouvelles offres sur le marché. Un choix délibéré, mais qui s’inscrit dans la stratégie des fournisseurs de sortir des nouveaux packages toujours plus façonnés.»
Sa déduction est la suivante: si beaucoup de gens changent de fournisseurs, un effet de compétition fait baisser les prix. «A l’inverse, complexifier le système ralentit la pression, et permet aux prix de rester élevés.»
Une meilleure régulation des offres est-elle possible? Testachats se dit en tout cas «favorable à une structure tarifaire simple et claire», sans une multitude de tarifs qui ne font que compliquer les choses. «Nous constatons régulièrement que les consommateurs ont des contrats chers et ne savent pas que leur fournisseur propose d’autres formules plus avantageuses. De plus, les contrats les moins onéreux sont parfois bien cachés sur les sites web des fournisseurs…».
Contrats d’énergie: les tarifs transparents priorisés
Dans son label annuel de «meilleur fournisseur d’énergie», l’association priorise les structures tarifaires transparentes, qui, selon elle, devraient comprendre un tarif fixe, un tarif variable et un tarif dynamique. «Il s’agit là de l’offre idéale, précise Lisa Mailleux. C’est pourquoi nous avons prévu une marge, par exemple parce que certains fournisseurs proposent des tarifs moins chers lorsque le dossier est entièrement géré en ligne, ou des tarifs pour des groupes cibles spécifiques tels que les prosumers ou les propriétaires de véhicules électriques.»
Testachats fixe à cinq le maximum acceptable de plans tarifaires actifs pour l’électricité, avec une distinction suffisamment claire.
L’association rappelle enfin son conseil général: «Comparez toujours les offres disponibles sur le marché. Si votre contrat expire bientôt et que votre fournisseur propose une nouvelle offre, ne l’acceptez pas aveuglément, mais utilisez un comparateur pour vérifier quelles sont les alternatives les moins chères».