Partir à l’étranger et boire de l’eau du robinet doit toujours se faire avec prudence. L’or bleu peut véhiculer de nombreuses maladies et les pays «sûrs» sont rares à l’échelle de la planète. Où déglutir sans risque? Une carte pour tenter d’y répondre.
Ouvrir le robinet pour se servir un verre d’eau, un geste banal auquel personne ne pense plus. Une forme d’amnésie très occidentale autour de ce luxe, qu’un voyage à l’étranger suffit à dissiper. Profiter de l’eau courante et potable chez soi, sans aucun effort et sans risque, reste encore rare sur la planète bleue.
Le risque d’infection par l’eau reste en effet une réalité à bien des endroits du globe, tant pour les autochtones que pour les voyageurs. Sont visés principalement les pays où les normes d’hygiène sont moins strictes, comme en Asie, au Moyen-Orient, en Afrique et en Amérique latine. Avec des risques de contamination par des bactéries, des virus ou des parasites qui peuvent causer diverses maladies.
«Les principales pathologies vont se transmettre via les voies digestives, à la suite de la consommation d’eau impropre. Les bactéries posent le plus de problèmes, pouvant par exemple amener des diarrhées sévères. En première ligne, on retrouve tous les “coli”, notamment escherichia coli. Les risques sont moindres via la peau, lorsqu’on se lave, sauf par contamination après-coup en touchant des aliments qui seront eux-mêmes ingérés», détaille Emmanuel Bottieau, infectiologue à l’Institut de médecine tropicale d’Anvers (IMT).
Quels pays sont sûrs pour boire l’eau courante?
Définir les pays sûrs et non sûrs pour boire l’eau du robinet reste complexe, tant les critères peuvent varier pour déclarer une eau potable. Plusieurs organismes tentent de faire la synthèse des connaissances sur l’eau courante par pays avec souvent beaucoup de vigilance. C’est ainsi que le Centers for Disease Control and Prevention (CDC), agence fédérale américaine de la santé publique, distille des recommandations, classant l’immense majorité des pays en «non sûrs».
Il s’agit avant tout de recommandations, pas d’une vérité absolue. Des événements particuliers peuvent altérer la qualité de l’eau, et des zones spécifiques à l’intérieur des pays peuvent avoir des résultats différents.
«A côté des pays sûrs et de ceux dans lesquels l’eau courante n’existe pas et où il semble évident de ne pas boire d’eau sans la désinfecter préalablement, il y a pas mal de pays intermédiaires. L’approvisionnement des habitants y progresse, c’est quelque chose qui est pris au sérieux par beaucoup de pays, mais certains sont parfois désorganisés, avec des réseaux mal entretenus et donc une eau plus à risque», explique encore le spécialiste de l’IMT.
Les recommandations peuvent donc valoir dans les grandes villes uniquement, pas dans les lieux plus reculés. En cas de forte chaleur, propice au développement de certains agents infectieux, il peut être conseillé de redoubler de vigilance. Des rappels de bon sens, qui doivent amener le voyageur à s’interroger avant toute consommation, peu importe l’endroit où il se trouve.
«Les personnes les plus à risque restent les jeunes enfants, les personnes âgées et celles avec des immunosuppressions (NDLR: affaiblissement du système immunitaire), ou encore des personnes avec des maladies intestinales ou inflammatoires, comme la maladie de Crohn, qui sont évidemment plus sujettes à faire des infections sévères. En matière de prévention, il n’y a pas vraiment de vaccins à faire jouer pour la majeure partie des infections transmises par l’eau. Pour traiter certaines maladies par la suite, des antibiotiques peuvent être prescrits», poursuit Emmanuel Bottieau.
Les recommandations des Affaires étrangères
Le site web des Affaires étrangères renseigne d’autres conseils aux voyageurs belges, selon les pays visités, dont parfois des recommandations sur l’eau disponible. Celle du robinet sera parfois notée comme ne représentant pas de problème particulier, même si des précautions d’usage restent de vigueur. Lors de randonnées, dans certaines régions plus reculées, où dans certaines installations comme des fontaines, l’eau peut ne pas être potable, même si l’eau du robinet dans l’ensemble du pays est jugée conforme, précisent encore les Affaires étrangères.
Pas besoin forcément d’aller loin pour trouver ces appels à la prudence. Sur la page dédiée à l’Italie, le voyageur trouvera cette mise en garde: «L’eau du robinet peut être bue partout. Il convient cependant d’être attentif sur les îles de petite taille». Au Danemark, «l’eau est potable mais contient beaucoup de calcaire». En s’éloignant, mais en restant dans les pays «sûrs», de l’autre côté de l’Atlantique, la page sur les Etats-Unis renseigne que «dans la plupart des Etats, une bonne hygiène est à noter […] avec des contrôles très sévères. Cependant, boire l’eau du robinet ne s’avère pas toujours sain. Renseignez-vous sur la qualité de cette dernière si vous avez des doutes.»
Une eau potable, mais de quelle qualité?
La qualité de l’eau n’est pas non plus la même dans tous les pays, même lorsqu’elle est potable en sortie de robinet. L’université de Yale, aux Etats-Unis, a entrepris de fournir un indice, classant les pays en fonction de la sûreté de l’eau de consommation, plaçant notamment la Finlande ou l’Allemagne dans les meilleurs élèves. La Belgique pointe à la 21e place, dans un classement fermé par une majorité de pays africains.
Sur le territoire belge, la surveillance constante doit permettre d’éviter au maximum les problèmes, mais ne les empêche pas totalement, tant pour des soucis d’entretien du réseau que de pollution temporaire imprévisible. Les remous autour des PFAS ont également rappelé que les normes d’analyse varient et restent essentielles pour garantir une eau de distribution sans risque pour la santé, aujourd’hui et demain.
L’ébullition reste la méthode la plus fiable pour prévenir les risques en cas de doute, une minute suffisant à détruire la plupart des agents pathogènes. Divers systèmes à base de pastilles de purification existent également, tout comme les filtres portables ou la stérilisation par UV. Certaines chaînes spécialisées dans le sport ou à destination des voyageurs proposant ce genre de produits à leur clientèle.
Des scénarios qui rappelent que le simple accès à de l’eau potable reste compliqué pour une très grande partie de la population mondiale. Dans un rapport de 2023, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pointait les inégalités toujours fortes qui existent dans le monde concernant ce précieux liquide. Environ deux milliards d’êtres humains n’ont toujours pas accès à de l’eau potable gérée en toute sécurité, alors même que l’OMS espérait «d’ici à 2030, assurer l’accès universel et équitable à l’eau potable, à un coût abordable», selon ses objectifs de développement durable.
Le changement climatique risque également de compliquer encore l’accès à l’eau de qualité dans certaines régions, avec la chaleur poussant au développement des agents infectieux et en raison des phénomènes météorologiques extrêmes pouvant entraîner des pollutions importantes ou ravager le circuit de distribution.
L’eau potable, définitivement un luxe. Santé!