mercredi, décembre 4

Le formateur Bart De Wever souhaite «harmoniser» les systèmes de retraite pour entre salariés, indépendants et fonctionnaires. Les travailleurs de la fonction publique seraient les victimes désignées de cette refonte, voyant tous leurs avantages s’évaporer ou presque. Mais ils ne sont pas les seuls. L’enjeu est budgétaire, et les mesures, si elles sont adoptées, risquent de choquer. «A système inchangé, les pensions deviendront vite impayables dans le futur.»

Les fonctionnaires doivent-ils craindre pour leur pension? Ou plutôt, pour leurs avantages particuliers? Un chapitre de la supernota nouvelle version du formateur Bart De Wever (N-VA) le laisse penser. La section, dénommée «Harmonisation des systèmes de retraite pour les salariés, les fonctionnaires et les travailleurs indépendants» décrit plusieurs mesures souhaitables, selon le nationaliste flamand, pour le système de retraites en Belgique. 

Premières victimes de ce nouveau plan de réforme: les fonctionnaires. En matière de retraites, les travailleurs de la fonction publique ont acquis des droits spéciaux au fil des réformes socio-économiques du pays. Aujourd’hui, ils bénéficient toujours de ces conditions avantageuses. Par exemple, avec la possibilité de départ (très) anticipé et un montant de retraite moyen (très) élevé, en comparaison avec les salariés du secteur privé.

«Pour les fonctionnaires, les propositions de Bart De Wever représentent un changement énorme», prévient Franky Stevens, spécialiste des retraites chez Mercer. Outre la finalité budgétaire, l’idée du nouveau chapitre formulé par BDW, consulté par De Morgen, est aussi de mettre en place un système plus homogène. «Dans le passé, plusieurs recommandations d’experts avaient été formulées pour harmoniser les différents statuts des retraités. Mais ces demandes n’ont jamais été acceptées. La question est toujours sensible, parce qu’elle fait directement référence aux droits acquis», commente l’expert.  

Pensions des fonctionnaires: une nécessité budgétaire

D’après lui, il faut donc se poser la question de savoir rationnellement pourquoi Bart De Wever veut changer le système. «La raison principale réside dans le coût que représente toutes les pensions des fonctionnaires, qui vont exploser dans le futur (NDLR: en raison du vieillissement de la population). A système inchangé, les pensions deviendront vite impayables dans le futur.»

Dans les années 1970, un peu moins de trois personnes en emploi soutenaient une personne pensionnée. A politique inchangée, ce rapport tombera à un peu moins de 1,7 d’ici 2070.

La Fédération des Entreprises de Belgique (FEB) alerte aussi sur le vieillissement démographique. «La population en âge de travailler augmente moins vite que le nombre de personnes pensionnées. Alors que dans les années 1970, un peu moins de trois personnes en emploi soutenaient une personne pensionnée, ce rapport tombera, à politique inchangée, à un peu moins de 1,7 d’ici à 2070. Concrètement, cela signifie qu’il y a de moins en moins de personnes pour financer les pensions», s’inquiète-t-elle.

La FEB rappelle par ailleurs que «le nombre de malades de longue durée continue d’augmenter de façon préoccupante. Ils étaient plus de 500.000 en 2022. Par conséquent, les coûts de l’invalidité devraient atteindre plus de 9,5 milliards d’euros en 2024».

Pensions des fonctionnaires: pourquoi sont-ils les premières victimes?

Pourquoi les fonctionnaires sont-ils les premiers visés? La raison semble purement mathématique et budgétaire: à l’heure actuelle, la pension moyenne d’un fonctionnaire tourne autour de 3.400 euros par mois, contre 1.600 pour les salariés. «La pension des fonctionnaires coûte donc près du double à l’Etat. Au regard de ces chiffres, la nécessité de changer de système est compréhensible», insiste l’actuaire en chef chez Mercer.

Et ce n’est pas le seul avantage attribué à la fonction publique. La pension des fonctionnaires nés avant 1962 est calculée selon leur salaire moyen des cinq dernières années de carrière. Quant aux fonctionnaires nés après 1962, la moyenne des dix dernières années de salaires est prise en compte. Les salariés, eux, devront toujours prester 45 années de service (14.040 jours) pour recevoir une pension complète. Et l’ensemble de leur carrière est comptabilisée pour déterminer le montant moyen de la pension (plus faible, donc), un maximum de 1.560 jours les moins avantageux pouvant être supprimé (la majorité du temps, le début de carrière à bas salaire).

La pension d’un fonctionnaire coûte à l’Etat le double de celle d’un salarié.

«Ce système de calcul est évidemment avantageux pour les fonctionnaires. En revanche, ils sont moins bien rémunérés sur l’ensemble de leur carrière que les travailleurs du privé, nuance Franky Steven. Le but initial était de dire « Vous gagnez un peu moins lors de votre carrière dans le public, mais vous serez récompensé lors de votre retraite ». Aujourd’hui, ce fonctionnement est obsolète au vu de l’état des finances publiques.»

Pour un fonctionnaire de 40 ans, par exemple, le plan De Wever serait un changement préjudiciable. La base de calcul pour la pension légale augmenterait graduellement de deux ans chaque année (10, 12, 14, 16, etc.) pour arriver à 40 ans de carrière. «Cette évolution serait plus en phase avec le système en vigueur dans le privé, mais les salaires de la fonction publique restent plus bas. Au niveau budgétaire, c’est une opportunité logique. Mais vis-à-vis des fonctionnaires, c’est un grand changement.»

11 années de différence, bientôt la fin?

Par ailleurs, autre avantage de taille pour le travailleurs de la fonction publique consiste dans l’âge de départ à la retraite, considérablement plus bas. Pour les salariés, l’âge de départ légal de la retraite est de 66 ans, et 67 ans en 2030. «Or, certaines fonctions dans l’Etat permettent toujours des départs très anticipés. A la SNCB ou à l’armée, la pension est fixée à 56 ans, souligne Franky Steven. Soit onze ans de différence avec les personnes qui travaillent dans le privé.» Bart De Wever souhaite supprimer ce régime de faveur. Un objectif compréhensible au vu de la situation budgétaire, selon l’expert. «Ce gap entre public et privé est aujourd’hui trop élevé. Mais il sera difficile de « vendre » la nécessité de ce changement auprès des travailleurs en milieu-fin de carrière, ainsi qu’aux syndicats.»

«A la SNCB ou à l’armée, la pension est fixée à 56 ans. Soit onze ans de différence avec les personnes qui travaillent dans le privé. Ce gap est aujourd’hui trop élevé au regard de la situation budgétaire.»

Les métiers lourds désavantagés?

Autre cible du formateur fédéral: les systèmes de retraites dédiés aux professions difficiles. Soit ces métiers considérés comme «lourds» (construction, ouvrier) qui bénéficient d’une possibilité de départ anticipé, tout comme les personnes qui travaillent de nuit. Leurs voies de sorties précoces seraient supprimées. Pour les autres, un accès plus strict à une pension minimale (de 20 à 35 années de travail) serait mis en place. Un fameux serrage de vis. «Oui, tous les changements prévus par Bart De Wever vont provoquer un grand choc dans le système, prédit Franky Stevens. Beaucoup de personnes profitent de droits acquis, avec une multitude de systèmes avantageux. Mais cette pluralisation pose aujourd’hui trop de problèmes.»

«Tous les changements prévus par Bart De Wever vont provoquer un grand choc dans le système.»

Certaines mesures de départ anticipé seraient cependant conservées: après 42 années de service, il reste possible d’être pensionné à 60 ans. «Si on débute sa carrière à 18 ans dans un travail dur, il paraît logique de ne plus être capable physiquement de travailler au-delà de 60 ans.»

Les femmes salariées victimes, les indépendants gagnants

Les femmes pourraient être les premières victimes de l’introduction (progressive) d’une condition de 35 années d’activité effective pour percevoir la pension minimale. 80% d’entre elles n’atteignent en effet pas ce quota en raison de congés parentaux plus longs ou d’un travail à temps partiel. «Elles seront désavantagées de façon indirecte», déplore Franky Stevens. La plan de Bart De Wever souhaite de facto ne plus reconnaître ces périodes non prestées dans le calcul de pension. Aujourd’hui, les congés parentaux, les maladies ou le chômage restent comptabilisés.

Enfin, les indépendants seraient les grands gagnants du projet De Wever: ils devraient acquérir une augmentation considérable de leur retraite. «Même si, à la base, ils cotisent également plus durant leur carrière. L’évolution est donc logique. Ce n’est pas un cadeau gratuit, mais plutôt un retour à l’équilibre, conclut Franky Stevens. A long terme, les grandes victimes sont les fonctionnaires, conclut-il. Dans les années à venir, l’impact sera modéré. Mais d’ici 20 ans, la différence sera palpable.»

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