Les hommes aussi ont un périnée. Ce petit hamac de muscles, cachés au fond du bassin, est essentiel au bon fonctionnement du corps.
Contrairement à certaines idées reçues, le périnée n’est pas l’apanage de la femme. Ces messieurs aussi ont un périnée, ou plancher pelvien serait-il plus correct de dire en médecine. Ce groupe de muscles situé dans le petit bassin s’étend du pubis au coccyx et soutient la vessie, le rectum, la prostate et est traversé par l’urètre et l’anus. Si son utilité est mal connue chez les hommes – comme chez les femmes – le périnée est pourtant un élément central de l’anatomie.
Se retenir d’aller aux toilettes: merci le périnée. Ces muscles ont un rôle essentiel dans le maintien de la continence urinaire et fécale, notamment lors de pression abdominale – qui intervient durant le sport, la toux ou l’éternuement. Ils soutiennent les sphincters (muscles circulaires autour d’un orifice) de la vessie, et permettent de fermer ou ouvrir correctement l’urètre et l’anus.
Epanouissement sexuel: merci le périnée. En se contractant, il stimule la circulation sanguine et participe à maintenir de fortes et longues érections, ainsi que le contrôle de l’éjaculation. Attention, sujet tabou: le périnée peut aussi intervenir lors du plaisir prostatique. La prostate, cette zone érogène, peut être massée via l’intermédiaire du périnée (avec des pressions assez fortes sur la zone entre l’anus et les testicules).
Une bonne posture: merci le périnée. «C’est un muscle clé pour la stabilité du corps, explique Elena Trifan, kinésithérapeute, spécialisée en rééducation périnéale. De par sa localisation, il participe à la connection entre le haut et le bas du corps». Le périnée travaille de concert avec les abdominaux, les muscles du dos et le diaphragme qui l’entourent, «s’il n’est pas dans un bon état, le reste du corps ne peut pas fonctionner».
A partir de là, plusieurs troubles proviennent d’un dysfonctionnement du périnée, et inversement, un dysfonctionnement du périnée peut entraîner plusieurs problématiques.
Quand la prostate révèle le périnée
«Les hommes apprennent la connaissance de leur périnée lorsque qu’ils ont une problématique liée à la prostate, relève Elena Trifan. En cas de cancer de la prostate, une partie ou l’intégralité de la prostate est enlevée, ce qui provoque alors des fuites urinaires». Là encore, l’incontinence n’est pas l’apanage des femmes.
La chirurgie de la prostate est la cause la plus fréquente de troubles pelvien et d’incontinence chez l’homme. Lors de l’intervention les muscles du plancher pelvien peuvent être endommagés, mais c’est aussi le relâchement de la prostate qui permet à l’urine de passer. Sans prostate, la pression exercée sur le périnée pour se retenir d’uriner est plus importante.
Quelle soit urinaire ou fécale, l’incontinence concerne 400.000 personnes en Belgique, hommes et femmes confondus, selon les chiffres de l’Enquête sur la santé des Belges de Sciensano de 2013. En 2018, 3,6 % des hommes de plus de 15 ans étaient concernés par de l’incontinence urinaire et 13,5 % des hommes de 65 ans et plus. Au delà de 75 ans ce sont 9,8 % des hommes qui rapportent des problèmes d’incontinence. Les personnes âgées sont plus susceptibles d’en être victime, car en vieillissant les muscles se relâchent et la prostate grossit inévitablement, précise la kinésithérapeute.
Outre l’incontinence, les troubles de l’érection ou de l’éjaculation peuvent aussi être révélateurs d’un dysfonctionnement du périnée. «J’ai beaucoup d’hommes jeunes qui viennent consulter pour ce type de problèmes», renseigne Elena Trifan.
Les troubles du planchier pelviens concernent aussi les sportifs en particulier. Certains sports, notamment les sports à impact ou qui entraînent de fortes pressions abdominales, peuvent être délétères par répercution pour le périnée. C’est le cas du crossfit ou de l’haltérophilie, illustre la praticienne. L’activité physique est d’ailleurs reconnue par la Haute autorité de santé en France comme un facteur de risque d’incontinence urinaire d’effort (fuites urinaires qui surviennent lors de toux, d’éternuement ou tout effort physique).
La grande majorité des sports ne posent toutefois pas de problème si le pratiquant a une bonne coordination de son corps. «Certaines personnes qui viennent consulter pour des douleurs de périnée, je me rends compte qu’elles ont en fait une mauvaise posture», raconte la spécialiste. Une mauvaise posture, ou tout effort, quel qu’il soit, mal réalisé et de manière répétée peut abîmer le périnée. C’est pour cette raison que la toux chronique et la constipation, peuvent aussi engendrer des troubles pelviens.
Le périnée, c’est tabou
Les troubles du périnée sont-ils répandus chez la gent masculine? Celle qui officie à la «Maison du périnée» à Woluwe-Saint-Pierre compte 50 % d’hommes parmi ses patients. Mais selon elle, il manque de données exactes car le sujet est encore trop «tabou». «Ils ont du mal à en parler à leur médecin, et se taisent jusqu’au moment où ça devient insupportable. Quand j’écoute le discours de mes patients, je me rends compte que leur problème remonte à plusieurs années».
Elena Trifan estime aussi que la faute vient aussi des praticiens, qui ne s’y intéressent pas assez: «la rééducation du périnée, c’est un domaine fort féminin. Très peu d’hommes se spécialisent là dedans et à Bruxelles, il y a peu de kiné acceptent de recevoir des hommes pour une rééducation du périnée».
La spécialiste travaille au cas par cas, à la fois avec des techniques de manipulation, de mobilisation et des électrodes. «Dans beaucoup de cas, le périnée est trop tendu. Il faut apprendre à le détendre et surtout à le maîtriser», afin d’éviter bien des troubles.