Schaerbeek ne tient toujours pas son bourgmestre, près de 100 jours après les élections. Un record. La situation politique avance, mais Ahmed Laaouej et David Leisterh devront probablement discuter de la Cité des Ânes un jour où l’autre.
Le 21 janvier prochain, ça fera 100 jours. Cent jours depuis le dernier scrutin communal, 100 jours que Schaerbeek n’a pas de collège communal. Pourtant, la lecture politique au lendemain des élections était loin d’être incompréhensible, avec plusieurs tripartites possibles. Mais la guerre d’égos entre les différents partis, ou plutôt entre le PS et le MR qui ont tous les deux gagné l’élection, couplée à une mandature écoulée dans une douleur inédite et des négociations bruxelloises enlisées terrasse la gestion d’une commune dont la situation financière nécessite pourtant l’urgence. Pour le politologue Pierre Vercauteren, un blocage d’une telle durée est inhabituel, si ce n’est inédit, à l’échelle d’une commune.
Retour sur la situation. Au soir du 14 octobre, Schaerbeek est divisée en cinq grandes forces. Le PS, qui devient le premier parti de la commune, la liste MR & Engagés qui obtient le même nombre de siège que son rival socialiste, à savoir dix. Ecolo-Groen, pour qui de nombreux commentateurs prévoyaient une gifle, ne perd qu’un seul siège et en compte neuf. La Liste du Bourgmestre, emmenée par Bernard Clerfayt (DéFI), s’effondre en perdant onze sièges et n’en compte plus que six, autant que le PTB.
Deux têtes pour une couronne
D’emblée, le PS et le MR annoncent revendiquer le maïorat. Il manquera de toute façon un partenaire de coalition pour obtenir une majorité. Il y en aura finalement deux, Ecolo et la LB. La présence de cette dernière malgré la défaite d’octobre serait une volonté de la liste MR-Engagés afin d’équilibrer les débats.
Pourtant, le nœud du problème schaerbeekois n’est pas dans l’équilibre politique, mais dans la répartition des rôles. Le PS, fort de son candidat Hasan Koyuncu qui a triomphé sur Bernard Clerfayt et Audrey Henry (MR), revendique le maïorat. Le MR, qui ne digère ni la polémique autour des sourates au Parlement bruxellois ayant entaché Koyuncu, ni le round perdu des négociations communales en région bruxelloise, ne veut pas parler de quelqu’un d’autre qu’Audrey Henry. Le PS avait proposé de se partager le trône en commençant la législature avec le maïorat avant de le céder, peu après la moitié du mandat, aux libéraux. Proposition refusée, dévoile La Libre.
Pour rappel, si Schaerbeek était commune wallonne, un tel débat n’aurait pas lieu puisque le bourgmestre est désigné automatiquement (c’est la tête de liste du plus gros parti au sein de la majorité). Hasan Koyuncu serait donc déjà bourgmestre. Mais Schaerbeek est une commune bruxelloise, et ça complique tout.
Le blocage est si grand que les négociateurs des quatre couleurs ont décidé d’aborder prioritairement les questions de fond. Le casting sera décidé plus tard. Trois après-midi de négociations sont prévues cette semaine, cinq la semaine prochaine. L’ensemble des sujets schaerbeekois devraient être abordés cette semaine, et une première ébauche de déclaration de politique commune n’est pas inenvisageable en fin de semaine prochaine, se dit-il.
Schaerbeek, une dernière bataille
Si, dans dix jours, les négociateurs schaerbeekois ont un accord, socialistes et libéraux ne pourront objectivement plus bloquer la deuxième plus grande commune de la région bruxelloise. A partir de là, deux scénarios sont possibles.
Le premier, c’est l’option d’une troisième voie entre le PS et le MR pour désigner un bourgmestre. En l’occurrence, Ecolo et son chef de file Vincent Vanalewhyn ou, malgré la défaite électorale, Bernard Clerfayt qui fait tout de même le deuxième score communal le 13 octobre. Cette deuxième option est jugée moins probable que la piste Vanalewhyn, malgré le fait que tous les partis aient basé leur campagne contre Ecolo.
La seconde, plus probable selon Pierre Vercauteren, c’est que le maïorat schaerbeekois se règle à travers un arrangement à la Région entre les présidents de fédération. La proximité entre le niveau régional et communal, plus prégnante en région bruxelloise, le permet. «Le rôle de bourgmestre est le plus important pour les (NDLR: 130.000) citoyens. Si la situation est toujours bloquée, le principe de subsidiarité s’appliquera. C’est à dire que les présidents des fédérations (NDLR: Ahmed Laaouej et David Leisterh) devront trouver un accord.» Problème: les négociations communales ayant abouti partout ailleurs, le contre-poids du siège de bourgmestre se situera probablement à l’échelon régional, dans des discussions toujours bloquées. «On verra dans quelle mesure un accord pourra être trouvé au niveau de la répartition des sièges dans le collège communal ou sur des concessions au niveau communal et régional.» Pour certains, Schaerbeek est devenue «une dernière bataille».
Les dernières années de la majorité sortante ont été chaotiques, c’est peu de le dire. Perte de majorité au sein du conseil, fronde inédite contre le plan de mobilité et démantèlement du mobilier idoine, découverte d’un trou financier de près de 20 millions suite à une erreur de calcul, la confiance des citoyens envers leurs responsables est abîmée. «Et les citoyens schaerbeekois n’auront pas le moyen de réagir à la désignation de leur bourgmestre qu’en , note Pierre Vercauteren. Que ce soit via les présidents des fédérations ou les élus locaux, le plus important est d’avoir une majorité bien soutenue au conseil communal.» Celui ou celle qui deviendra bourgmestre de la Cité des ânes n’aura pas droit à l’erreur.