dimanche, décembre 15

L’opérateur Digi veut bousculer le marché des télécoms en Belgique, avec des offres chocs à bas prix. Quelles sont les racines du phénomène de la semaine? Surtout, est-il rentable et durable? Six questions à son CEO belge, Jeroen Degadt.

Jeroen Degadt, quelle est la particularité de Digi face aux autres opérateurs télécoms sur le marché?

Notre mission est de rendre les télécoms abordables pour tous les Belges. En rampe de lancement, Digi a introduit un package mobile à cinq euros, qui comprend 15GB par mois, ainsi que des appels et SMS illimités en Belgique. Au vu de ces conditions, nous pouvons affirmer que c’est du jamais-vu sur le marché belge. Et nous estimons qu’elle est convient aux habitudes de consommation de 75% de la population belge. Pour la fibre internet, nous avons cette même ambition de changer le marché. L’offre internet commence à 10 euros pour 500 Mb/s, 15 euros pour 1Go, 20 euros pour plusieurs Go.

La fibre, c’est le défi principal de Digi dans le futur proche?

Notre empreinte pour la fibre n’est pas encore très développée, en effet. Nous avons commencé dans certaines communes bruxelloises -Anderlecht, Jette, Forest, Ixelles, Schaerbeek, Koekelberg-, avec 10.000 foyers potentiels. En Belgique, 150.000 foyers sont en construction, et l’objectif est d’atteindre les 2 millions de maisons dans les cinq prochaines années. Nous souhaitons donc développer la fibre le plus vite possible pour offrir ce tarif de 10 euros pour l’internet au plus grand nombre. L’offre mobile, en revanche, est déjà disponible au niveau national.

Cette semaine, vous avez profité d’un effet d’annonce impressionnant. Digi dispose-t-elle de bases solides pour assurer ses promesses?

Digi existe depuis 30 ans. Le groupe s’est d’abord développé en Roumanie, où il est désormais leader du marché internet. La stratégie d’investissement dans la fibre depuis de longues années (NDLR: le groupe détient 95% de la couverture en Roumanie) permet désormais d’utiliser ces bénéfices dans d’autres pays. Digi est présent en Espagne depuis quinze ans, ainsi qu’en Italie. Cette année, le groupe s’est également implémenté en France, au Portugal, et donc en Belgique (NDLR: avec Citymesh en partenaire). En réalité, Digi est déjà un grand groupe, avec 26 millions de clients en Europe.

L’investissement de Digi dans la fibre en Roumanie nous permet désormais d’utiliser ces bénéfices dans d’autres pays.

Jeroen Degadt, CEO de Digi

Quelle est votre stratégie pour parvenir à dégager des marges avec des prix si bas par rapport aux moyennes du marché belge actuel?

La stratégie du groupe est d’investir fortement dans les réseaux, car ils sont durables -une structure dure 20 voire 50 années. Quand un particulier achète une maison et qu’il la loue ensuite, il n’obtient pas une rentabilité immédiate, mais bien sur le long terme. Avec les télécoms, c’est la même logique: nous investissons sur le long terme. Nous travailleurs avec des investisseurs aux bases fortes, qui savent que les télécoms sont avant tout un travail sur l’infrastructure. La logique de Digi est d’opter pour des prix bas et des volumes hauts, tout en réduisant les coûts. C’est pour cela que nous avons développé une offre très attractive d’entrée de jeu: nous pensons qu’elle aura un impact sur le marché, avec une forte adhésion des clients.

La stratégie du groupe est d’investir fortement dans les réseaux, car ils sont durables, d’opter pour des prix bas et des volumes hauts, tout en réduisant les coûts.

Jeroen Degadt, CEO de Digi

Jeroen Degadt, CEO de Digi, a travaillé plus de 18 ans chez Proximus.

Pensez-vous que votre arrivée peut lancer une concurrence plus forte sur le marché belge, jusqu’ici très statique?

Oui. Le chiffre d’affaires de Digi -côté en Bourse- est croissant chaque année. Notre philosophie, c’est d’augmenter le nombre de clients, pas les tarifs. Cette méthode permet de dégager des marges. D’une façon plus efficace encore qu’en ayant des prix élevés mais un nombre de clients limités. Donc, oui, notre arrivée peut changer les prix du marché. Notre mission est maintenant de construire un réseau fort en Belgique. Le premier challenge, c’est la fibre dans les grandes villes. Ce sont les lieux où nous pouvons attirer le plus de clients sur une courte période. Cette mission était complexe avant de révéler nos offres. Nous devions expliquer l’identité de Digi à chaque bourgmestre. Désormais, nous espérons que plusieurs bourgmestres nous contacteront. Je serai très content si, en 2025, les grandes villes nous accueillent tel un acteur sérieux.

Notre philosophie, c’est d’augmenter le nombre de clients, pas les tarifs. Cette méthode permet de dégager des marges.

Jeroen Degadt, CEO de Digi

Votre modèle nécessite toutefois de faire des économies par rapport aux autres offres classiques. Des fonctions de base, comme le voicemail, disparaissent. N’est-ce pas rebutant?

Nous avons effectivement pris cette décision. Installer un voicemail coûte de l’argent. Nous estimons qu’à l’heure actuelle, très peu de clients apprécient voire utilisent leur boîte vocale. C’est une pratique du passé. Aujourd’hui, la majorité des gens laissent un message écrit, ou s’envoient des vocaux sur Whatsapp, Snapchat ou Messenger.

Nous estimons que le voicemail est une option qui fait partie du passé.

Jeroen Degadt, CEO de Digi

Donc, les technologies modernes remplacent déjà dans les faits le voicemail traditionnel. Si nous constatons que le marché belge souhaite impérativement garder cette option, nous la réinclurons, mais nous pensons que ce ne sera pas le cas. A l’avenir, nous resterons flexibles en fonction des habitudes des clients. Mais nous ne voulons pas proposer trop de formules. Trop de choix ne rend pas le client heureux, cela lui donne surtout un mal de tête! Nous misons sur des propositions simples et transparentes. Avec l’objectif de rester en Belgique sur le long terme.

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