Les médicaments permettant de traiter la migraine et la céphalée sont nombreux. Les plus efficaces et les mieux tolérés sont proposés en première intention. En cas d’échec, d’autres traitements peuvent être testés.
Lorsque le mal de tête survient, le premier réflexe est souvent de prendre un cachet de paracétamol ou un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS). Ce sont en effet les traitements les plus évidents, les plus accessibles aussi, pour faire disparaître cette sensation de pression si incommodante. Dans la plupart des cas, l’origine du mal de tête est une migraine, une céphalée de tension. Il peut aussi être lié à une surconsommation de médicaments, à des variations hormonales ou à une névralgie d’Arnold (une affection neurologique caractérisée par une inflammation d’un nerf de la nuque), pour ne citer que les causes les plus fréquentes.
A ce jour, il n’existe aucun traitement curatif de la migraine. Sa prise en charge repose sur l’éviction des facteurs déclenchants et l’atténuation des symptômes. Elle peut se faire sur deux terrains: le traitement des crises, qui a pour objectif de diminuer la douleur et les symptômes associés tels que les troubles digestifs, et le traitement de fond, qui vise à rendre les migraineux moins sensibles aux facteurs déclenchant les crises, à en réduire la fréquence et à en diminuer l’intensité. Ce traitement de fond s’étale généralement sur plusieurs mois.
Les antalgiques non opioïdes, comme l’aspirine et le paracétamol, peuvent soulager de la migraine lorsque celle-ci n’est que de faible intensité ou d’intensité modérée. Ils sont efficaces contre les céphalées de tension, liées au stress, éventuellement en combinaison avec d’autres dispositifs permettant de diminuer les tensions musculaires comme des séances de kiné ou des massages crâniens. Ces antalgiques, qu’il vaut mieux prendre en début de crise, peuvent aussi être combinés avec de la caféine ou des antiémétiques pour calmer nausées et vomissements. En ce qui concerne le paracétamol, il ne faut pas négliger les risques de céphalée de rebond ou de toxicité pour le foie en cas de consommation prolongée ou excessive.
Les anticorps monoclonaux se profilent comme l’une des voies les plus prometteuses.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), tels que l’ibuprofène, s’avèrent généralement plus efficaces contre la migraine. Ils sont aussi d’un grand secours contre les névralgies d’Arnold, de même que les infiltrations d’un anesthésique au niveau de la zone douloureuse. Tout comme le paracétamol, les anti-inflammatoires non stéroïdiens peuvent provoquer d’importants effets secondaires en cas de surconsommation, comme des brûlures d’estomac, voire un ulcère, de l’hypertension artérielle ou des problèmes rénaux.
Agir sur le système sanguin
Que faire lorsque les crises sont fréquentes, intenses et longues, que les antalgiques et les analgésiques de type anti-inflammatoire ne soulagent pas suffisamment? Le médecin commencera souvent par prescrire de la vitamine B12, qui intervient sur les neurones suractivés par le stress. Après avoir exclu des causes sous-jacentes au moyen d’un scanner, on peut aussi se tourner vers une autre classe de médicaments: les bêtabloquants, dont le métoprolol et le propranolol. Ils agissent sur le système trigémino-vasculaire, constitué du ganglion trijumeau, d’autres noyaux cérébraux et des vaisseaux des méninges, et impliqué dans le mécanisme d’activation de la céphalée.
Le traitement, pris par voie orale ou en injection sous-cutanée, peut être administré en cas de migraine avec ou sans aura, de migraine cataméniale, liée à des variations hormonales (lire l’encadré) et d’algie vasculaire de la face.
D’autres médicaments agissent sur le système sanguin, comme les dérivés de l’ergot, un champignon parasite de l’épi de seigle. Leur action antimigraineuse repose sur leur effet vasoconstricteur des artères intracrâniennes. Ils empêchent donc la dilatation des vaisseaux, à l’origine de la douleur. «Ces dérivés comportent toutefois d’importants effets secondaires, dont des nausées et vomissements. C’est la raison pour laquelle ils ne sont plus trop prescrits», souligne la Dr Arabelle Ordonez Pellon, généraliste au service de neurologie de l’hôpital Chirec Delta. Ils sont également déconseillés chez la femme enceinte en raison des risques de déclenchement de contractions utérines et d’hypoxie fœtale.
«Les dérivés de l’ergot de seigle ont laissé leur place aux triptans pour les traitements aigus. Généralement bien tolérés par le patient, les triptans provoquent une vasoconstriction, soit la contraction de la paroi musculaire des artères et une diminution du débit sanguin, mentionne la généraliste. Les patients présentant des problèmes cardiovasculaires, comme les artères sténosées, sont considérés à risque et exclus de ces traitements.»
Des antiépileptiques aux antidépresseurs
Pour les patients chez qui un premier traitement aux bêtabloquants n’a pas donné de bons résultats, un autre médicament peut être prescrit en deuxième intention. C’est d’ailleurs la condition pour que le patient puisse bénéficier d’un remboursement. Il s’agit du topiramate, un antiépileptique à large spectre de deuxième génération indiqué en monothérapie ou en traitement complémentaire dans les épilepsies partielles et généralisées. Il est aussi indiqué dans la prévention des épisodes migraineux. Selon des essais contrôlés randomisés menés en 2013 sur près de deux mille patients, le topiramate limite la fréquence des crises de 50% chez 35% à 48% des patients traités, contre 21% à 23% des patients du groupe placebo. Un deuxième antiépileptique fait fréquemment partie de l’arsenal thérapeutique: le valproate de sodium. Mais ce médicament n’est pas enregistré en Belgique pour le traitement préventif de la migraine.
La principale limite du topiramate est sa dangerosité pour le fœtus des patientes enceintes. En plus des risques accrus de troubles du spectre autistique et de déficiences intellectuelles qui lui étaient déjà associés, une étude parue en 2022 dans Jama Neurology fait état de risques de malformations chez le nourrisson.
«D’autres antiépileptiques que le topiramate sont prescrits pour soigner les violents maux de tête. La carbamazépine, par exemple, est utilisée pour traiter les névralgies du trijumeau. En cas d’échec du traitement aux antiépileptiques, une intervention chirurgicale permet de décomprimer le nerf», précise la Dr Ordonez Pellon.
Bien que le rapport bénéfices-risques reste positif en deuxième intention pour un neuroleptique, la flunarizine, utilisée pour traiter diverses pathologies dont l’épilepsie, les risques de troubles, notamment cardiaques, sont importants. Elle est d’ailleurs rarement prescrite.
Les antidépresseurs, enfin, peuvent intervenir en traitement de fond. «L’amitriptyline, le plus prescrit, permet de traiter les migraines les plus réfractaires, ainsi que les douleurs de type neuropathiques. Toutefois, il présente de nombreux effets secondaires comme de la constipation, de la rétention urinaire, des troubles visuels ou cognitifs, de la sécheresse buccale et augmente le risque de convulsion», ajoute la médecin du Chirec.
L’immunothérapie, efficace mais coûteuse
Comme dans d’autres domaines thérapeutiques (Le Vif du 18 janvier), les anticorps monoclonaux se profilent comme l’une des voies les plus prometteuses en matière de prise en charge de migraines avec ou sans aura ou de migraines chroniques (au moins quatre jours par mois). Ils ne sont par contre pas indiqués dans le traitement des céphalées de tension ou par surconsommation de médicaments, des algies vasculaires de la face ou des névralgies du nerf trijumeau.
Fabriqués en laboratoire, les anticorps monoclonaux sont des molécules destinées à stimuler le système immunitaire et qui permettent de cibler un seul antigène. Leur administration se fait par injection sous-cutanée mensuelle. Trois types d’anticorps ont été validés par l’Agence européenne des médicaments (EMA) et sont actuellement commercialisés en Belgique: l’érénumab, le galcanézumab et le frémanezumab. Ils visent spécifiquement le récepteur CGRP, un neuropeptide relié au gène de la calcitonine (calcitonin gene-related peptide) et qui intervient dans la physiopathologie de la migraine.
Les bénéfices obtenus avec les anticorps monoclonaux anti-CGRP sont à peu près comparables à ceux qu’offrent les antalgiques et les anti-inflammatoires. Quarante à 60% des patients souffrant de migraines épisodiques (de sept à neuf jours de migraine par mois, en moyenne), contre 27% à 39% recevant le placebo. Et 28% à 41% des patients souffrant de migraines chroniques voient la fréquence de leur migraine divisée par deux, contre 15% à 23% recevant le placebo selon les chiffres cités par le Centre belge d’information pharmacothérapeutique (CBIP). Peu d’études ont été réalisées sur les effets de l’immunothérapie sur les patients migraineux chez qui les autres traitements prophylactiques n’avaient pas bien fonctionné mais, chez eux également, la diminution du nombre de jours de migraine serait d’au moins 50%.
Bien que peu d’effets secondaires aient été recensés avec les anticorps monoclonaux, les patients présentant des maladies cardiovasculaires graves et des troubles psychiatriques sont généralement exclus de ces traitements, le temps que l’on puisse avoir un peu plus de recul sur les éventuels effets indésirables. Le principal désavantage des anticorps monoclaunaux est leur prix, nettement plus élevé que les traitements standard. Seuls les patients répondant aux critères de diagnostic établis par l’International Headache Society, soit qui présentent au moins huit jours de migraine par mois et chez qui au moins trois autres traitements ont échoué, peuvent prétendre à un remboursement. Et seul un neurologue et un neuropsychiatre peuvent les prescrire.
Réguler les hormones
Certaines céphalées sont induites par d’autres pathologies, comme une sinusite ou un problème ophtalmique. Le traitement de la pathologie en question doit donc logiquement faire disparaître le mal de tête qui l’accompagne. Dans le cas des céphalées liées à des variations hormonales, courantes chez les femmes (notamment chez celles souffrant d’endométriose), les médicaments les plus utilisés sont les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), les bêtabloquants et les triptans. Il est également possible d’aider la patiente sous contraception en lui proposant des contraceptifs oraux sous forme combinée à cycle prolongé ou une monothérapie progestative, par exemple.