jeudi, décembre 26

La fusillade qui a ôté la vie d’une centaine de Moscovites rappelle que la menace terroriste reste vivace. L’Etat islamique a revendiqué l’attentat, alors que la Russie continue d’accuser l’Ukraine. La Belgique ne relève pas le niveau d’alerte, au contraire de la France, qui craint pour ses Jeux Olympiques.

Depuis 2016 et les attentats terroristes qui ont touché la station de métro de Maelbeek et l’aéroport de Zaventem, le 22 mars est dédié en Belgique à la mémoire des 32 victimes de ces événements tragiques. Ce vendredi, la commémoration de ces attentats a été endeuillée par un nouveau bain de sang, dans une autre capitale. À Moscou, quatre assaillants ont ouvert le feu dans la salle de concert Crocus City Hall, ôtant la vie à plus de 130 personnes.

Les autorités russes réagirent les premières : Vladimir Poutine accusa l’Ukraine d’être derrière cette attaque. Kiev réfuta les accusations du Kremlin, avant que l’Etat islamique ne revendique l’attentat terroriste. À l’heure d’écrire ces lignes, la Russie refuse toujours de s’exprimer à propos de la revendication de l’Etat islamique. «Tous les éléments du tableau habituel sont pourtant présents, juge le criminologue Michaël Dantinne (ULiège). Le délai qui sépare l’attentat de la revendication est relativement court, et le mode opératoire fait penser à l’attentat qui avait touché le Bataclan en France. Les assaillants ont ciblé une salle de concert. Or, on sait que la musique est un symbole détesté par l’islam radical.»

L’Etat islamique du Khorasan identifie la Russie comme son ennemi impérial

L’Etat islamique du Khorasan, la piste privilégiée

La piste privilégiée par les observateurs mène à l’Etat islamique du Khorasan (EIK), branche afghane de l’Etat islamique et répertorié en 2021 comme le groupe le «plus sanguinaire d’Afghanistan» par l’Institut français des relations internationales (IFRI). «L’Etat islamique du Khorasan, davantage présent en Asie centrale, se distingue de Daech, que nous connaissons mieux en Europe occidentale», analyse Mohamed Fahmi, collaborateur associé à l’Observatoire des mondes arabes et musulmans (OMAM) de l’ULB.

Autrefois, la branche afghane était sous le commandement du groupuscule terroriste présent en Syrie et en Irak. Mais Daech s’est affaibli ces dernières années, perdant du terrain et ses leaders les plus importants. Aujourd’hui, l’organisation Etat islamique du Khorasan serait la dernière branche capable de piloter des commandos de terroristes à distance. «Alors que l’Etat islamique prenait les Etats-Unis pour cible, l’EIK identifie la Russie comme son ennemi impérial, continue Mohamed Fahmi. Moscou est présent dans le pays d’origine de ces combattants (Ouzbékistan, Tadjikistan, Afghanistan, Kirghizistan…) et les poursuit en Syrie, sur la terre de djihad. Ils perçoivent donc la Russie comme un agresseur».

Comment expliquer ce retour soudain de l’ombre menaçante de l’Etat islamique ? «En réalité, elle n’a jamais disparu, estime Michaël Dantinne. Elle est à la fois globale et locale. Globale parce que les idées continuent à circuler partout avec les réseaux sociaux, et locale parce que des sections de l’Etat islamique ont continué à perpétrer des attentats, notamment en Afrique». De son côté, Mohamed Fahmi émet deux hypothèses pour décrire le moment choisi par le groupuscule terroriste pour attaquer Moscou. «Les assaillants ont de potentiels liens avec les Tchétchènes. Si ces liens sont avérés, il pourrait alors s’agir d’une vengeance à l’égard du pouvoir russe. La seconde explication plausible ? Que l’organisation Etat islamique en elle-même ait choisi d’attaquer la Russie à un moment X».

Chez nous, la menace reste liée aux éventuels agissements d’individus isolés

Le collaborateur de l’OMAM cite en exemple les communiqués envoyés par Daech lors de la revendication, dont l’argumentaire reste vague. «Ils ont justifié l’attentat par la guerre menée par l’Etat islamique contre les ennemis de l’islam. Dans le cas des attentats qui ont touché Bruxelles le 22 mars 2016, c’était pour eux une réaction aux bombardements de la coalition internationale, dont la Belgique est membre, en Irak et en Syrie». Ce flou dans la communication garde selon Mohamed Fahmi la piste d’auteurs isolés ouverte dans le cadre de la fusillade qui a touché le Crocus City Hall.

Pourquoi la France est plus menacée que la Belgique

Suite à cet attentat, la France a décidé de relever le niveau de la menace au maximum, activant de ce fait le plan Vigipirate. Le président français Emmanuel Macron a ainsi expliqué que plusieurs attentats liés à l’Etat islamique du Khorasan avaient été déjoués au sein de l’Hexagone ces dernières semaines. En Belgique, le curseur du niveau de la menace reste bloqué sur trois (‘grave’), pour une menace «possible et vraisemblable».

«En France, les réseaux tchétchènes sont bien implantés, continue le chercheur de l’ULB. Le gouvernement sait que certains d’entre eux sont djihadistes, et le territoire a déjà été frappé par des terroristes tchétchènes par le passé». Ce serait moins le cas de la Belgique, où ces réseaux sont moins présents, et donc mieux identifiés. Selon Michaël Dantinne, la probabilité d’une attaque d’un commando terroriste est plus forte en France, qu’en Belgique. Surtout à l’approche des Jeux Olympiques, qui se dérouleront cet été à Paris. «Chez nous, la menace reste liée aux éventuels agissements d’individus isolés ou autonomes, qui s’inspireraient du contexte d’attaques terroristes pour passer à l’acte.»

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