Le président du Conseil européen Charles Michel entame la dernière ligne droite de son mandat, avec quelques lignes directrices.
L’Europe se trouve à un « tournant » et doit tout faire pour ne pas devenir « le musée du monde » et « rester maître de son destin« , affirme le président du Conseil européen Charles Michel, qui entame la dernière ligne droite de son mandat. « Je ne veux pas que mes enfants et petits-enfants dépendent du prochain président des États-Unis, de la Chine ou de la Russie. »
Lorsque Charles Michel a pris la présidence du Conseil européen en 2019, l’idée que l’Europe devait devenir moins dépendante des autres continents et poursuivre une « autonomie stratégique » se répandait déjà. « Je sais qu’il existe encore des défis, mais nous avons fait davantage de progrès ces cinq dernières années en raison des crises successives que durant les trente dernières années », affirme-t-il dans une interview accordée à The European Newsroom, une plateforme de collaboration entre agences de presse à laquelle participe Belga.
Charles Michel fait référence à la réponse européenne à la pandémie de Covid-19 et au plan de relance à grande échelle qui s’en est suivi. Le soutien massif et immédiat à l’Ukraine est aussi vu par l’ancien Premier ministre belge comme l’un des succès de son mandat. Pour lui, il s’agissait d’une « obsession » de convaincre les dirigeants européens, dans les premiers jours qui ont suivi l’invasion russe, d’autoriser les livraisons d’armes avec un financement européen. Dans le même temps, l’Union européenne investit massivement dans le développement d’une industrie de défense.
Pourtant, le sentiment que la sécurité européenne dépend des électeurs américains des États indécis (« swing states ») reste. Mais, selon Charles Michel, l’Union Européenne ne devrait pas attendre avec angoisse le nom du prochain locataire de la Maison Blanche.
Il n’est pas non plus certain qu’une victoire de Donald Trump ou de Kamala Harris ferait une grande différence sur un certain nombre de grandes orientations politiques à long terme à Washington. Il évoque, entre autres, le protectionnisme en cours outre-Atlantique et le focus sur la Chine. « Bien sûr, il existe des différences entre Trump et Harris, certainement à court terme, mais sommes-nous sûrs que l’orientation à plus long terme sera si différente pour les relations entre l’Union européenne et les États-Unis ? »
Entre-temps, l’Union Européenne doit de toute urgence lutter contre la perte de compétitivité par rapport aux États-Unis et à la Chine. Dans deux semaines, lors de son 47e et dernier sommet européen, Charles Michel espère rallier les dirigeants européens derrière une approche ambitieuse basée sur l’innovation et la recherche et développement, un marché des capitaux libéralisé, des investissements à grande échelle et « une réduction spectaculaire » des formalités administratives. « Le mérite des récents rapports de Mario Draghi et Enrico Letta (sur la compétitivité, ndlr) est qu’on ne peut plus détourner le regard. Nous devons en parler. »
Pour Charles Michel, la plus grande déception de son mandat aura été la faible influence sur la guerre au Moyen-Orient. « Nous sommes le plus grand partenaire économique d’Israël et le plus gros partenaire de coopération de la Palestine. Nous devrions avoir plus d’ambition pour utiliser nos outils des deux côtés. » Charles Michel souligne encore qu’un certain nombre de dirigeants ont déjà évoqué l’accord d’association avec Israël. Il s’attend à ce que le débat à ce sujet ait lieu « tôt ou tard ».
L’Europe doit aussi se garder d’agir en « double standard« , avertit Charles Michel. Elle doit continuer à insister sur le respect du droit international. « Sans quoi nous perdons notre crédibilité et notre influence vis-à-vis du reste du monde ». Cependant, le conflit au Moyen-Orient reste traditionnellement une pomme de discorde entre les États membres. « Nous savons que ce conflit polarise le monde, y compris au sein de l’UE, mais nous sous-estimons parfois l’influence que nous pourrions avoir si nous étions plus ambitieux et unis. »
En tant que président, Charles Michel considérait comme une « obsession » le fait d’instaurer la confiance et l’unité entre les dirigeants européens. Fort de cette expérience, il met en garde contre une suppression totale du droit de veto, un débat qui revient sur le devant de la scène à la lumière d’une éventuelle extension à 30 États membres ou plus.
Charles Michel reconnaît qu’il faut lutter contre les abus de veto, mais « si nous nous éloignons trop rapidement du principe de l’unanimité, nous risquons de ne plus faire d’efforts pour rechercher des positions communes ». « Des frustrations pourraient surgir au Conseil européen et les divisions pourraient devenir la nouvelle norme (…). Il devrait être possible d’établir des principes garantissant que le veto ne soit utilisé que lorsqu’un intérêt national crucial est en jeu. »
Le mandat de Charles Michel arrivera à son terme fin novembre. L’ancien Premier ministre portugais Antonio Costa prendra sa succession. Ce n’est qu’à ce moment-là que le président sortant apportera plus de clarté sur son avenir.