mercredi, décembre 31

Les infractions à la procédure de passation des marchés publics reprochées à l’ancien directeur général de cette asbl bruxelloise ne sont pas établies pour la Cour d’appel.

Neuf ans après les faits, la Cour d’appel de Bruxelles a acquitté l’ancien directeur général de l’asbl GIAL, rebaptisée depuis lors I-City, pour les faits qui lui étaient reprochés, essentiellement un non-respect de la législation sur les marchés publics et des faits de corruption.

Dans un arrêt daté du 16 décembre dernier, la Cour est longuement revenue sur les préventions à charge de Yves Vander Auwera, qui dirigeait cette asbl en charge du développement informatique de la ville de Bruxelles entre novembre 2015 et décembre 2016. Le dossier avait été ouvert à la suite d’une plainte avec constitution de partie civile de la Ville de Bruxelles pour corruption et entrave à la liberté des enchères.

Le 30 novembre 2023, l’ex-directeur général avait été condamné en première instance par le tribunal correctionnel de Bruxelles à 18 mois de prison avec sursis et à une amende de 600 euros. Il lui était reproché d’avoir scindé artificiellement des commandes de services et de matériel afin de contourner les règles en vigueur en matière de marchés publics; d’avoir accepté des avantages, sous forme de voyages ou de repas dans des restaurants gastronomiques avec des représentants d’entreprises qui avaient alors répondu à un appel d’offres; et d’avoir ainsi entravé la liberté des enchères. Tous ces faits remontaient à 2016.

Le dossier, instruit à l’époque par le juge d’instruction Michel Claise, avait ainsi révélé qu’en cours de procédure de marché public avec GIAL, en octobre 2016, l’opérateur de télécoms Proximus avait invité Yves Vander Auwera et son président et échevin de tutelle, Mohamed Ouriaghli (PS), à un voyage d’étude dans la Silicon Valley, aux Etats-Unis. Un autre voyage, à Majorque cette fois et toujours à l’initiative de Proximus, avait également été proposé au directeur général de GIAL en mai 2016. Une troisième invitation à Deauville en avril 2016, lancée par la société Ricoh, avait également été épinglée, alors que Ricoh était impliquée dans un appel d’offres de GIAL.

Le doute doit profiter à l’ex-directeur de GIAL

Dans sa défense, Yves Vander Auwera a pu prouver que le découpage de certaines commandes en plusieurs factures n’était pas de son fait mais répondait à une demande de la Ville de Bruxelles. «La Cour considère que les explications du prévenu ne sont pas dénuées de toute crédibilité et sont confortées par les pièces qu’il dépose, peut-on lire dans l’arrêt. (…) Il existe un doute, lequel doit profiter au prévenu, de sorte qu’il convient de l’acquitter du chef de cette prévention.»

«Si le fait d’accepter une telle invitation de la part d’un soumissionnaire peut effectivement interroger, force est de constater qu’il s’agissait d’une pratique courante à l’époque des faits.»

Interrogé sur le fait de n’avoir pas fait jouer la concurrence dans le cadre de la fourniture de certains services, l’ex-directeur général a pu prouver qu’une seule entreprise était en mesure de répondre à cette demande. Or «dans une situation de monopole, rappelle la Cour, il n’y a pas lieu de respecter les règles en matière de marché public.»

Aucun élément du dossier répressif n’établit non plus, selon la Cour, que le prévenu s’est rendu coupable de faits de corruption. «Il ne peut être établi que les commandes passées par GIAL auprès de la société Ricoh sont la conséquence de l’invitation du prévenu à participer à un séjour de travail à Deauville, les discussions au sujet de ces commandes étant antérieures à l’invitation officielle reçue par le prévenu.»

De la même manière, poursuit la Cour, il ne ressort pas «que le prévenu aurait, d’une manière ou d’une autre, tenté de favoriser le choix de la société Proximus après avoir accepté un séjour offert par cette société à Majorque. Aucun comportement déterminé pour orienter le marché en faveur de cette entreprise ne peut être objectivé. Si le fait d’accepter une telle invitation de la part d’un soumissionnaire peut effectivement interroger, force est de constater qu’il s’agissait d’une pratique courante à l’époque des faits

Dès lors, Yves Vander Auwera a été acquitté pour l’ensemble des préventions retenues en première instance.

En 2017, un audit financier avait également révélé que le directeur du développement de GIAL, sous statut de consultant extérieur depuis 18 ans sans mise en concurrence, était payé quelque 1.000 euros par jour.

Les rétroactes

En septembre 2015, le conseil d’administration de GIAL approuve le principe du lancement d’un important marché LAN/WLAN (réseaux informatiques): celui-ci comporte un lot d’une valeur d’environ 1,2 million d’euros, et un autre de quelque 400.000 euros. Début janvier 2016, trois candidats remettent une offre: Proximus, Infradata et Dimension Data. Proximus emporte le premier lot et Infradata obtient le second, le 20 avril. Econduite, Dimension Data introduit un recours en référé contre cette décision. Le 24 mai 2016, le CA de GIAL confirme son premier choix mais le motive de façon plus précise. Dimension Data se tourne vers le tribunal de première instance pour un deuxième recours. Le 26 septembre, celui-ci conclut que l’offre de Dimension Data est techniquement irrecevable mais que celle de Proximus l’est tout autant. Lors de sa séance du 18 octobre, le CA de GIAL décide de confier les deux lots au dernier candidat en lice, Infradata. Il est toutefois convenu que cette dernière achète du matériel informatique à Proximus.

Le 15 novembre, en CA, Yves Vander Auwera, alors directeur général de GIAL, annonce que la période de stand still, c’est-à-dire le délai durant lequel des soumissionnaires non retenus peuvent introduire un recours susceptible de conduire à la suspension, voire à l’annulation de la décision d’attribution du marché, est officiellement terminée. Le marché est dès lors considéré comme clôturé à cette date. Quelque trois semaines plus tôt, le 22 octobre 2016, Yves Vander Auwera et Mohamed Ouriaghli, échevin de l’informatique et président de GIAL, se sont envolés vers les Etats-Unis, invités par Proximus. Or, la loi prévoit qu’en cours de procédure de passation de marché public, aucun contact n’est autorisé entre le pouvoir adjudicataire et les soumissionnaires, sauf pour procéder à la vérification des éventuels prix apparemment anormaux.

Proximus avait pris en charge l’organisation du voyage (lancement des invitations, coordination du programme…), les sociétés partenaires qui accueillaient les invités sur place assurant le coût de leur vol (en classe économique), leur hébergement et leurs repas. Tous les autres frais (visa, frais sur place…) étaient payés par les participants.

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