vendredi, octobre 18

Malgré des scores électoraux en constante progression dans de nombreux pays de l’UE, les partis d’extrême droite européens restent confrontés à des obstacles tenaces dans leur conquête du pouvoir, soulignent des experts.

Par le passé, les forces politiques traditionnelles parvenaient à contenir l’extrême droite en brandissant le danger qu’elle incarnait pour la démocratie. Ses scores électoraux restaient par ailleurs marginaux, ne dépassant pas la barre de 15%, relève Gilles Ivaldi, chercheur à Sciences Po.

Mais aujourd’hui, « ces partis sont plutôt en voie de dédiabolisation, on voit bien qu’agiter le chiffon de l’extrême droite marche moins qu’avant », nombre de partis traditionnels ayant adopté le même discours anti-immigration, commente l’expert. « Il est plus difficile de maintenir un cordon sanitaire » autour de partis considérés par beaucoup comme « un peu comme les autres », souligne-t-il encore.

Le poids électoral de l’extrême droite n’a cessé de croître ces dernières décennies. Les performances du parti italien d’extrême droite Fratelli d’Italia ont hissé au pouvoir sa cheffe Giorgia Meloni. Et en novembre, le dirigeant néerlandais islamophobe Geert Wilders a stupéfié les Pays-Bas en obtenant une large victoire aux législatives.

Certaines régions d’Espagne et d’Allemagne semblent ingouvernables ou proches de le devenir sans inviter au sein d’alliances les partis d’extrême droite Vox ou AfD, tandis qu’au Portugal, la formation antisystème Chega (Assez) vient de doubler son score aux législatives dimanche dernier, à 18% des voix.

Des succès à mettre sur le compte de « l’accumulation de crises successives » en Europe, qui « a généré des couches de ressentiments successives » à l’encontre des gouvernements européens depuis les dernières élections parlementaires européennes de 2019, souligne Gilles Ivaldi.

La « Victoire idéologique » de Marine Le Pen

Après la puissante crise économique et financière de 2008 se sont succédé un afflux massif de réfugiés sur le Vieux continent, puis l’épidémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine, mettant au premier plan « toutes les questions autour du pouvoir d’achat et l’insécurité que ce contexte géopolitique crée », poursuit l’expert.

« Il existe désormais des poches d’électeurs qui récompensent les positions radicales, particulièrement à droite », fait valoir Ignacio Molina, analyste à l’Institut royal d’Elcano, en Espagne.

Mis au défi de répondre à ces inquiétudes, notamment sur l’immigration, nombre de partis conservateurs ont essayé de « reprendre les discours et les idées de l’extrême droite », ce qui « finit toujours plutôt par bénéficier à cette dernière », note Gilles Ivaldi.

En France, le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen s’est targué d’une « victoire idéologique » après l’adoption en décembre d’une loi sur l’immigration très droitisée, dont le Conseil constitutionnel a finalement censuré les mesures les plus décriées. Le RN espère bien faire élire sa cheffe de file à la présidence française en 2027.

Les tabous politiques autour de l’extrême droite persistent

Mais les avancées des partis radicaux sont parfois freinées par des tabous politiques persistants.

A Stockholm, les Démocrates de Suède soutiennent le gouvernement de centre-droit, bien que majoritaires dans la frange droite du Parlement, les autres partis ayant exclu de partager le pouvoir avec eux pendant la campagne électorale de 2022.

Et près de quatre mois après la large victoire électorale de Geert Wilders, le politicien a annoncé mercredi qu’il renonçait – pour l’instant – à sa tentative de diriger le pays, faute de soutien des partis politiques avec lesquels il tente de former une coalition.

« Wilders s’est forgé une identité d’opposant à tout compromis modéré », commente Ignacio Molina. Nouer des accords avec ses adversaires politiques est « difficile pour lui, tout comme il est difficile pour les autres acteurs de le traiter comme un interlocuteur acceptable ».

Les gains électoraux de l’extrême droite qui s’annoncent aux élections européennes de juin pourraient toutefois pousser les formations de centre-droit à nouer des alliances à Bruxelles.

A plus moyen terme, la poussée des extrêmes droites pourrait changer l’équilibre des pouvoirs au sein du Conseil européen, qui définit les orientations et les priorités politiques générales de l’UE.

Si plus de dirigeants populistes y siégeaient, en sus de l’Italienne Meloni et du Hongrois Viktor Orban, « on assisterait à des blocages forts sur des questions essentielles comme le climat, l’immigration ou le soutien à l’Ukraine« , prédit Gilles Ivaldi.

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